Réalisateurs : Joseph et Vanessa Winter
Année de Sortie : 2022
Origine : États-Unis
Genre : Horreur Evil Deadesque
Durée : 1h27
Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 5/10
Evil Prank
Certain croyaient enfin s’en être débarrassé, mais le Found Footage renaît tel le mauvais esprit de ces bois, et de manière bien plus protéiforme qu’on ne le pensait à ses origines. Parce qu’il a le mérite d’être peu onéreux à produire et qu’à l’heure des réseaux sociaux, il est plus que jamais de bon aloi avec tous ces smartphones bardés de caméras. Il est même devenu la nouvelle excroissance des plate-formes de SVOD comme Shudder, leur permettant de doper leur catalogue de diffusion. Le genre n’avait pourtant pas mis longtemps à péricliter, comme le slasher en son temps, plus par manque de renouvellement que par réelle perte d’intérêt, même si le tapage marketing parfois trop rentre dedans aura parfois eu le don d’agacer.
D’un autre côté le succès exceptionnel du premier Conjuring aura permis de renouveler le cinéma d’épouvante horreur plus traditionnel à base d’exorcisme et de maisons hantées. Face à ce rapide déclin, certains réalisateurs ont pris le temps de digérer cet épiphénomène pour tenter de nouvelles approches. Grâce à l’avènement des nouvelles technologies de diffusion, cela aura par exemple permis de donner naissance à des nouvelles catégories comme le « screen reality » (Unfriended) ou bien ce qu’on nomme le « Stream Recording » qui nous intéresse aujourd’hui. Faute de pouvoir véritablement révolutionner l’approche, il est temps de le tourner en dérision. En atteste d’ailleurs l’introduction de ce Deadstream qui s’amuse à parodier le carton d’ouverture du film Le Projet Blair Witch.
Qu’il est loin le temps du caméscope tremblotant dont on retrouvait la cassette après une heure et demie de terreur ascensionnelle. Les streameurs sont désormais suréquipés et disposent de tout un large éventail de caméras inter-connectées, leur permettent de diffuser leur contenu en direct, sans même avoir recours aux effets de montage puisque ce sont les spectateurs qui peuvent passer d’un point de vue à un autre en inondant le fil de la conversation. Des évolutions technologiques au secours de la diégèse d’un film qui jouit d’une belle côte de popularité depuis son succès remarqué dans les festivals, mais qui ne fait pourtant pas dans l’originalité. Mais ça Joseph et Vanessa Winter en ont parfaitement conscience, d’où le choix d’exploiter allègrement tous les codes et artifices inhérents d’un genre qui manque de se renouveler, une manière bien à eux de tout chambouler en les pervertissant plus que de raison.
Au même titre que les followers, nous sommes donc là pour voir l’acteur souffrir et implorer la miséricorde des esprits frappeurs, quitte à remettre en question la véracité de tout ce qui nous est proposé. Si le cheminement de la peur fonctionne au début lors de la découverte de la maison, le tout retombe très vite comme un soufflet, notamment à cause de la personnalité irritante du vidéaste, qui tente de se racheter une réputation après avoir été démonétisé durant six mois suite à des pranks qui n’étaient pas au goût de tout le monde. L’énergumène commettait des outrages à agents avant de s’enfuir en courant ou bien faisait une descente en canoë pour imiter Moïse lorsqu’il était bébé.
Deadstream soulève néanmoins un point très intéressant, celui de la connerie générée par ces influenceurs, prêst à se mettre en danger pour relever des défi idiots et déclencher un véritable buzz médiatique. Shawn passera ainsi son temps à aller au devant du danger et à extérioriser ses émotions, ce qui pourra au choix vous faire marrer ou bien vous agacer. Difficile de ressentir une quelconque empathie à le voir gémir et souffrir autant, puisqu’il s’est mis délibérément dans cette situation. En même temps, quelle personne saine d’esprit irait balancer ses bougies d’allumage dans un buisson pour rendre impossible toute évasion. Il ne fait aucun doute que ce youtubeur est un vrai con, et que chacun de ses choix ne feront que provoquer encore d’avantage la colère des esprits de la maison. Maintenant, il serait malhonnête de ne pas reconnaître la générosité dont sait faire preuve le réalisateur qui ne recule devant rien pour s’infliger une multitude d’humiliations à l’écran, ressuscitant au passage l’humour slapstick si cher à ce bon vieux Sam Raimi.
Qu’on se le dise, la référence n’est pas longue à aller chercher, puisqu’il s’agit d’un hommage à peine déguisé. Le film a d’ailleurs le mérite de composer une belle galerie de démons et d’effets pratiques bien dégueulasses, qui faisaient défaut aux arnaques du type Grave Encounters et son tout numérique. En sus de cela, la réalisation n’est pas bordélique malgré les nombreuses prises de vues employées pour ne rien rater des effets grotesques et paranormaux. Reste que cette volonté de vouloir toujours trop en montrer limite considérablement l’effet «réalité» que l’on cherche justement à ressentir devant ce type de divertissement. Il est vrai que la peur et l’effroi sont beaucoup plus difficiles à susciter que le rire, surtout dans un contexte aussi éculé que celui là. Même si en l’état, ça fait quand même mal de se dire que Deadstream est presque un meilleur Evil Dead que ne l’est Evil Dead Rise…