Réalisateur : William Eubank
Année de Sortie : 2021
Origine : États-Unis
Genre : Horreur
Durée : 1h38
Le Roy du Bis : 6/10
The Village
Le filon a beau avoir été épuisé jusqu’au trognon, Oren Peli et Jason Blum remettent de nouveau le couvert pour sonder les envies du public et amasser au passage quelques millions. Ghost Dimension semblait pourtant avoir enterré définitivement la saga dans sa propre médiocrité. Mais comme il convient désormais de tout rebooter (Scream, Détour Mortel, Freddy, Vendredi 13, Halloween…), allons-y pour un nouveau Paranormal Activity, qui ne peut de toutes façons difficilement et décemment pas faire pire que ses prédécesseurs, une fois cet épiphénomène digéré. L’avantage de faire table rase du passé, c’est que cela permet de s’adapter aux modes et préoccupations de son temps. Les technologies ont pas mal évoluées depuis 2015 : la 3D et l’horreur mainstream commencent à être à bout de souffle, amorçant un retour plus atmosphérique et «respectable», plus folk et authentique aussi (The Witch, Midsommar). Cela permet d’ailleurs au scénario de se reconnecter aux pratiques sectaires et de sorcellerie de la série. Mais William Eubank entend bien dynamiter son dispositif de mise en scène quelque peu soporifique, comme l’avait justement fait son scénariste Christopher Landon avec son sympathique spin off The Marked Ones. Celui-ci se reconnectait in extremis aux arcs narratifs du premier opus, sûrement plus par devoir contractuel qu’autre chose.
En revanche, il n’est pas question de faire n’importe quoi, et si l’on imagine pas Michael Myers sans son masque (oups) ou bien Ghostface tuer au fusil à pompe (Ouille !), il paraît difficilement concevable de ne pas proposer d’activités paranormales la nuit autour d’une nouvelle famille. En revanche, le choix de tourner un faux documentaire est appréciable, puisqu’il permet de soigner la composition de l’image et d’associer un style plus académique au dispositif qui s’avère ici justifié par ses enjeux scénaristiques. Le film trahit cependant sa diegèse à la toute fin en utilisant des points de vue captés par les véhicules de police, impliquant d’en avoir récupéré les rushs pour les incorporer ensuite au montage. Un problème majeur et récurrent dans le genre, qui soulève un point important et amène à une profonde réflexion du médium, et dont les créateurs n’ont parfois (souvent) que faire.
Si le Found footage permet en effet de renforcer la sensation de promiscuité et donc le sentiment de peur induite par le procédé lorsque jaillit soudain le jump scare tant redouté, il n’est pas interdit d’utiliser ce même dispositif sans avoir forcément à en justifier le recours (la trilogie Pusher, Chroniques de Tchernobyl). Un long-métrage tourné caméra à l’épaule ne s’embarrasse jamais de ce genre de contraintes ou de détails superflus qui pourraient limiter et alourdir son intrigue. D’autant qu’il paraît désormais incongru de vouloir reproduire à tout prix le canular de Daniel Myrick et Eduardo Sanchez avec Le Projet Blair Witch sans trahir le secret. Surtout quand la plupart se complaisent à employer les mêmes effets racoleurs en numérique, rendant sacrément bancale la crédibilité de l’ensemble.
Paranormal Activity Next of Kin propose donc une enquête au cœur d’un village reclus, au sein duquel l’héroïne Margot cherche à comprendre les raisons de son abandon lorsqu’elle était encore bébé. Elle chercher également à lever le voile sur les mystères qui se cachent au creux de cette communauté, qui d’après ses voisins n’aurait pas très bonne réputation. Évidemment les investigations vont prendre une tournure plus sinistre à mesure de leur séjour, et des manifestations paranormales qui tendent à se raccorder avec l’ADN de la série. Les fans ne seront ainsi pas trop dépaysés, malgré un environnement boisé et enneigé, et donc forcément plus oppressant que le cadre banal et commun d’une villa de la banlieue de San Diego. Pourtant, cet écart pourrait aussi avoir raison de son succès, puisque l’un des intérêts fondamentaux de cette franchise était de se limiter au cadre d’une maison et de sa chambre à coucher, pour plus ou moins permettre aux gens de projeter leurs propres angoisses quotidiennes. Un choix néanmoins payant sur la durée, qui permet d’épouser pleinement la vue subjective de la caméra, ce que n’autorisait jamais ses prédécesseurs, avant tout conçus comme des sièges pour voyeuristes derrière leur écran.
Il faudra néanmoins devoir supporter les sempiternels jump-scares et artifices nécessaires pour maintenir l’attention, faute d’une description assez triste et banale d’un dur labeur quotidien, entre le pliage du linge, la gestion du bétail, du bois et la popote tous les soirs. Heureusement les journées sont parfois animées par quelques pauses récréatives, entre une session acrobatique à dos de cheval, un partie de cartes et un intermède musical. De là à dire que les Amish ne savent pas s’amuser, il n’y qu’un pas qu’on ne franchira pas. La description de ce mode de vie fout toutefois plus le malaise que ces rituels païens ou cette église pour satanistes, renfermant un puits de ténèbres qui mène vers le fond de la cuvette dans lequel tous les Found footage horrifiques viennent puiser leurs inspirations, se limitant le plus souvent à la présence d’une entité monstrueuse et démoniaque au physique impie.
Mais cela n’est rien en comparaison des comportements idiots de Margot, qui plonge volontairement dans la tanière du grand méchant loup. Ce qu’une personne saine d’esprit ne ferait d’ordinaire jamais, à moins d’avoir un quelconque intérêt ou bien d’être armé d’une Kalachnikov. Ces ficelles n’ont évidemment pour seul intérêt que de nous emmener vers un final effervescent, qui aurait d’avantage gagné à se complaire dans l’action et la brutalité, avec son armée de culs-terreux possédés qui pratiquent la politique de la terre brûlé en s’affrontant à coups de fourches et de chevrotine. Une dernière note positive qui nous renvoie à nos parties de Resident Evil 4, où l’on s’amusait et frissonnait bien plus que devant Paranormal Activity. A défaut, Eubank et Landon pourront au moins se targuer d’avoir offert les épisodes les moins mauvais d’une saga que l’on espère cette fois enterrée pour de bon.