Réalisateur : Steve Ballot
Année de Sortie : 1996
Origine : États-Unis
Genre : Comédie / Horreur
Durée : 1h30
Le Roy du Bis : 8/10
Thibaud Savignol : 7/10
Passion Gros Nichons
Au rayon des films bêtes et méchants, The Bride of Frank figure en bonne place près de l’étalage de la Troma et dans l’ombre du géant Street Trash. Il constitue le chaînon manquant idéal avec son protagoniste clodo entouré de chats errants et de gros bras de la logistique, qui souhaitent l’aider à toucher son rêve du doigt : une grosse paire de nichons. Pouvoir les titiller, les malaxer, les lécher et s’étouffer en remuant frénétiquement sa tête dedans. Un fantasme d’enfant, ou de mec déviant pour lequel on se rend au moins une fois coupable dans sa vie. Pas sûr que les femmes en fassent autant avec nos couilles. Mais avant d’aborder ce sujet, il semble opportun de vous présenter notre ami Frank qui fait des rêves chelous, kidnappant une petite fille avant de lui asséner un coup de tuyau puis de lui écrabouiller la tête sous les roues de son camion afin de lui dévorer la cervelle.
Tout le film sera du même acabit, marchant sur une étrange corde raide puisqu’il aborde des situations extrêmes avec une telle absurdité qu’il serait difficile de ne pas en rigoler. Tandis que les journalistes de Mad Movies s’ébahissaient devant un viol d’orbite hors champ dans le film The Sadness, Steve Ballot de son côté vous montre une véritable pénétration oculaire suivie d’une éjaculation faciale. On sait bien que les commerciaux de chez Uncut Movies vendraient du sable aux arabes mais cette fois-ci ils n’avaient pas menti, pas plus qu’Alex Visani à qui l’on doit cette réédition par le biais de sa société Spasmo Video.
Frank Meyer n’a rien pour lui. Sa gueule burinée témoigne des excès d’une vie probablement ravagée par la drogue et l’alcool lorsqu’il dormait encore dans la rue. Faute de domicile, il bosse comme cariste et squatte les bureaux d’une société de transport. Cette entreprise constitue un véritable repaire de pervers et de brigands, très peu regardant sur le passé de ses employés tant qu’ils sont productifs et compétents. Le genre d’endroit où l’on retrouve toute la lie de l’humanité, des beaufs, des repris de justice, des alcooliques, et des connards odieux qui vous pètent au nez, vous gueulent dessus et vous insultent pour s’exprimer. Les rapports y sont cordiaux , basés sur l’invective, les blagues potaches, et les concours de bites. Frank y est d’ailleurs bien intégré et pour cause, puisqu’il possède aussi peu d’amour propre que de vocabulaire, si ce n’est les insanités qu’il balance à la gueule des personnes haineuses auxquelles il se retrouvent quotidiennement confronté dans son boulot.
Sa fête d’anniversaire va d’ailleurs tourner au pugilat lorsqu’un geek sous ecsta va venir le déranger pour lui demander son chemin. Enrubanné dans le cellophane tel une pinata humaine, la victime est rouée de coups avec un bâton clouté par toute l’équipe de sociopathes, avant que Frank ne lui coupe la tête et défèque dans son cou sous les rires et applaudissements de l’assemblée. Le reste de l’histoire est une succession de rancards glauques dans les bureaux, se soldant par des mises à morts sordides. Souffrant manifestement d’un complexe Œdipien ainsi que d’une obsession pour les gros seins, Frank aidé par ses collègues fait appel aux petites annonces pour rencontrer des femmes célibataires de la région. N’attirant qu’un travesti ou bien des cas plus désespérés que lui, ce dernier se retrouve pourtant confronté au rejet et au dédain de plusieurs candidates qu’il massacre avec sadisme pour se venger de leur méchanceté. Mais le film porte bien son nom et le pauvre hère finira par se marier avec une femme aux gros nichons. Tout est bien qui finit bien pour notre ami.
On sait peu de chose de Steve Ballot, si ce n’est qu’il a refusé le contrat de distribution de la Troma après avoir fait le tour des festivals indépendants avec son principal interprète. On sent que le film s’est bâti autour de la personnalité de Frank Meyer, d’autant que le récit ne suit aucune trame scénaristique pré-établie. Et il n’est d’ailleurs pas rare de s’apercevoir que des scènes ont été tournées à plusieurs semaines d’intervalle vu les nombreux faux raccords et changements physiques de l’acteur. Ce dernier a parfois du mal à s’empêcher de rigoler ou à faire preuve d’une bonne diction, ce qui participe à le rendre d’autant plus pathétique. La réalisation austère et fauchée s’adapte parfaitement à son sujet. Aussi vide de sens que son existence, The Bride of Frank est finalement une sorte de compilation de meurtres brutaux et de gags grotesques entrelacés par un fil directeur qui a le mérite de ne faire aucune concession et de tenir toutes ses promesses.
Quand on prend le temps de s’intéresser aux scènes coupées, on se rend compte que tout un pan du film n’a pas survécu à la table de montage. Mais ces séquences auraient certainement nuit à l’intrigue voir même au portrait esquissé de son personnage principal, ce qui n’est donc pas plus mal. Cela prouve bien que le réalisateur ne savait pas quelle direction donner à son projet, qui a pris forme petit à petit au fur et à mesure de son élaboration et de ses délires. Au delà du fait que le long-métrage soit clairement destiné à choquer le chaland, il constitue tout de même une plongée fascinante dans le quotidien d’un marginal paumé auquel on finit étonnamment par s’attacher.