Réalisateurs : Danny et Oxide Pang
Année de Sortie : 1999
Origine : Thaïlande
Genre : Thriller
Durée : 1h45
Thibaud Savignol : 8/10
Bang Bang t’es mort !
Film d’influences et influent, Bangkok Dangerous est le premier film des jumeaux Pang. Alors que Danny, le cadet de deux minutes, est déjà un monteur réputé à Hong Kong (il sera d’ailleurs en charge de la trilogie Infernal Affairs au début début des années 2000), chacun réalise son premier film en 1997. C’est Who is Running d’Oxide qui retiendra l’attention et permettra à la fratrie de se lancer dans leur vrai premier projet commun.
Pour leur première offrande à l’aube du 21e siècle, les jeunes réalisateurs de 32 ans décident de rendre hommage à tout un pan du cinéma hong-kongais. En suivant le destin de ce tueur à gages sourd-muet, qui exécute des contrats dès les premiers instants du film, la filiation à John Woo est toute trouvée. Pourtant, bien qu’ils rendent hommage au maître lors d’une scène de fusillade dans un restaurant aussi efficace que poétique (une apparition guide les gestes du tueur), ou au Léon de Besson avec cette scène de sniper sur un toit en plein centre-ville, le cœur du film est ailleurs.
Plus l’intrigue progresse et plus l’inspiration paraît évidente. On est face à une relecture plus brutale et orientée action du sublime Les Anges déchus de Wong Kar-wai sorti 4 ans plus tôt. A l’instar de ce dernier qui narrait la relation entre un tueur à gages, une femme de la nuit et un muet, les frères Pang décident de construire un triangle émotionnel entre le tueur à gages sourd-muet protagoniste du film, son ami criminel et une femme de la pègre thaïlandaise qui leur fournit les contrats. Ils greffent également une romance pour son héros, correctement traité, mais qu’on sent plus en décalage par rapport au cœur noir du film, à ce triangle amoureux au sort funeste.
En plus de ce socle scénaristique similaire, les réalisateurs vont reprendre le style visuel du film hong-kongais en y insufflant leur propre dynamique. Bien aidés par les similitudes entre Hong Kong et Bangkok, le film peut reproduire ces couleurs néons, saturées, s’approchant par moment du trip cinématographique. La caméra est proche des personnages, parfois à l’épaule, pour gagner en impact lors des scènes d’action. On retrouve également des effets de flou de mouvement chers à Wong Kar-Wai. Ici le style est poussé dans ses derniers retranchements à l’aide d’un montage encore plus agressif, de décadrages permanents, du passage au noir et blanc et de ralentis élégiaques (on pense aux cinq dernières minutes, peut être parmi les plus belles du cinéma d’action contemporain).
Reprenant les thématiques du métrage original, le film affiche la part sombre de Bangkok. Ses rues malfamées et la noirceur de sa faune détonent face à l’ultra stylisation du film qui reflète une ville à l’éclat atypique avec ses enseignes néonisées à chaque coin de rue, sur chaque boulevard. Pour exemple cette scène de conversation dans un restaurant au début du film, où l’éclairage bleuté si typique est indissociable de la métropole. La nuit thaïlandaise, colorée et lumineuse, s’inscrit en total contraste des thématiques abordées, donnant un cachet unique au film.Une note également sur la musique ; des envolées lyriques dignes du final d’Une Balle dans la tête de John Woo jusqu’aux élans flamboyants des scènes les plus intenses du jeu Metal Gear Solid en passant par l’électricité des Anges Déchus, le film n’a de cesse de sur-dynamiser ses images.
Bangkok Dangerous fait partie de ces films qui ont imprégné l’imaginaire international. Tout comme Ong Bak qui sortira quatre ans plus tard, le film a marqué la rétine des spectateurs, notamment occidentaux, par cette ville à nul autre pareil. Plus d’un réalisateur étranger viendra poser ses caméras dans la Big Mango afin d’en drainer toute sa beauté et son énergie. On citera l’inoubliable Only God Forgives de Nicolas Winding Refn, qui en dressa peut être le portrait le plus violent et atypique jamais vu sur grand écran, ou plus récemment le bourrin Farang de Xavier Gens qui n’oublie pas de faire un détour par la capitale thaïlandaise dans son odyssée vengeresse. Sans cette ville inspirante aux images d’un autre monde, Bangkok Dangerous ne serait pas le diamant noir qu’il est aujourd’hui. Certains le trouveront trop usant, d’autres ne lui pardonneront peut être pas ses effets de montage désuets, mais pour ceux à la recherche d’expériences fortes, d’un shoot cinématographique intense, il leur est conseillé de prendre un aller sans retour pour Bangkok.