[Critique] – Aquaman et le Royaume perdu


affiche film Aquaman 2

Réalisateur : James Wan

Année de Sortie : 2023

Origine : États-Unis

Genre : Super-Héros

Durée : 2h04

Thibaud Savignol : 4/10


Aquaman et le James Wan perdu


Grâce au dépassement symbolique de la barre du milliard de recettes, le réalisateur australien est reconduit à la barre d’un nouvel opus de l’Homme Poisson. Nanti d’un budget de 200 millions de dollars, le film a connu un processus de production plus compliqué cette fois-ci, notamment suite à l’affaire Amber Heard. Tous ces problèmes ont-ils eu raison de l’ambition artistique du projet ? Difficile à évaluer aujourd’hui, mais le résultat projeté sur grand écran se révèle sacrément décevant. On reconnaît la patte de Wan dans sa volonté de proposer un cinéma ultra référencé en s’attaquant ici aux classiques du film d’aventures et de la SF à l’ancienne, avec sa cité oubliée, ses courses poursuites à travers la jungle et ses affrontements dans des laboratoires scientifiques sous-terrain. C’est coloré, ça se veut grandiose (ça ne l’est pas vraiment) comme un retour à ces péloches des années 60/70 aux couleurs éclatantes et aux voyages dépaysants. A l’instar d’Insidious ou Conjuring dans un autre genre, il rend hommage à toute une cinéphile avec laquelle il a grandit. Il parvient ainsi à s’écarter du tout venant hollywoodien où les super-héros s’affrontent majoritairement dans ces grandes zones urbaines inter-changeables.

Antagoniste film Aquaman 2

Malheureusement, l’exécution est d’une faiblesse assez surprenante de la part de James Wan. Le scénario est dépourvu d’une véritable épaisseur dramatique, là où le premier opus avait su multiplier les pistes et les enjeux (naissance du héros et de son antagoniste, lutte pour le trône). En résulte une banalité digne d’un mauvais Marvel. Le récit progresse sur des rails, opposant le héros et son Némésis à l’encéphalogramme plat sans qu’aucune perturbation digne de ce nom ne vienne enrayer la mécanique. Les péripéties s’enchaînent sans panache, tout est cousu de fil blanc, parvenant difficilement à impliquer son spectateur au cœur de l’action. Plus décevant, c’est la défaillance technique du projet qui étonne.

Mais où est passé le James Wan complètement fou du premier opus, qui proposait une idée de mise en scène à la minute sans coup férir ? Les décors, bien qu’au dessus de la moyenne en terme d’originalité, paraissent bien fade en comparaison du premier opus et visuellement, chose assez embarrassante, le film se trouve être plus laid que l’original sorti 5 ans auparavant. Pas en terme de goût, mais de technique pure, certains effets agressent méchamment la rétine. La caméra n’a jamais été aussi sage dans l’œuvre de James Wan. A part un timide plan séquence, le filmage est d’une platitude assez déroutante. Une grammaire cinématographique simpliste, dépourvue des folies habituelles du réalisateur quand il s’agit d’agiter sa caméra dans tous les sens. Couplé à un non rythme problématique, qui aligne les séquences à la même cadence, incapable du moindre crescendo, le film se livre comme un bloc monolithique dépourvu d’émotion.

Mera, interprétée donc par la fameuse Amber Heard, se voit d’ailleurs littéralement charcutée au montage, ses apparitions totalisant moins d’une dizaine de minutes à l’écran, là où elle était un des personnages principaux dans l’épisode précédent. On sait que le projet a été malmené durant sa production, mais est-ce la raison principale de ce ratage ? La réponse ne sera sûrement pas donné dans les making-of promotionnels à venir. Le temps déliera les langues. Parce qu’il est à peu près certain que James Wan n’a pas vécu une expérience très heureuse lors de ce second tournage, entre un Jason Momoa ivre sur le plateau, un Covid qui est passé par là et de nombreux reshoots lors de la post-production. La façon qu’il a d’expédier le grand méchant lors du climax ne serait-il pas ainsi un magnifique doigt d’honneur final à ce projet des enfers ? Il n’est pas impossible de le penser.

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