Réalisateur : Lucio Fulci
Année de Sortie : 1984
Origine : Italie
Genre : Science-Fiction Fauchée
Durée : 1h29
Thibaud Savignol : 5/10
Gladiator au pays des lasers
En 1984, après avoir réalisé moult westerns, gialli, films d’horreur et comédies, Lucio Fucli s’attaque à la science-fiction. Il s’inspire de son propre héritage culturel à travers la célèbre figure des gladiateurs. L’action se déroule à Rome où des condamnés à mort vont s’affronter lors de joutes télévisés ultra-violentes, dans une course à l’audimat toujours plus féroce. Les événements prennent place en 2072, tout du moins pour les versions italienne et française. Nos amis belges ont eu la bonne idée de traduire le titre original (I guerrieri dell’anno 2072) en Rome 2033: The Fighter Centurions. Quant à nos lointains cousins québécois, toujours experts pour rendre hommage à la langue de Molière qu’ils chérissent tant, nous avons droit à Les centurions an 2001. Une façon pour ces derniers de rendre peut être hommage à l’une des multiples influences du film.
En effet, à l’instar de nombre de séries B italiennes de cette époque, le projet est une récupération et une réinterprétation des succès de son époque. L’intrigue est un savant mélange du Rollberall de Norman Jewison sorti 10 an plus tôt, de l’excellent mais trop peu cité Prix du Danger d’Yves Boisset (1983), sans oublier le roman Running Man de Stephen King (1982). Ces trois œuvres furent en leur temps prémonitoires sur les dérives d’un conglomérat télévisuel toujours plus avide de sensations fortes, cherchant à booster son audimat à n’importe quel prix et brisant progressivement les barrières morales. A noter que Le Prix du Danger fut une bien meilleure adaptation de Running Man le livre que ne le sera Running Man le film (1987).
A cette intrigue d’anticipation, le réalisateur transalpin greffe le genre du film de prison. Avant leur affrontement futur, les condamnés à mort sont emprisonnés et soumis à un entraînement intensif jour après jour. Des liens vont se créer, une fraternité apparaître entre ses hommes prêts à tout pour leur survie. Ce second acte donne lieu à d’incroyables séquences d’exercices complètement transcendantales, à coup d’effets stroboscopiques sur fond de musique rock eighties. Une BO ancrée dans son époque, punchy à souhait, se voulant futuriste en 1984, mais qui ne fera sûrement plus illusion en 2072
Pour donner vie à son monde avec un budget que l’on devine famélique pour ce type de production, Fulci a recours à la légendaire débrouille du cinéma bis italien. Lui voulait créer de gigantesques dômes de verre pour représenter la cité romaine du 21e siècle, mais son producteur l’emportera avec sa métropole grouillant de gratte-ciel. De nombreuses maquettes sont réalisées et rarement des maquettes n’ont autant ressemblées à … des maquettes. Cela fait partie du charme, mais difficile de ne pas voir l’artifice. Nous sommes à des années-lumières de celles de Blade Runner réalisées deux ans plus tôt. De même pour les motards qui s’affrontent sur leurs bécanes customisées tout droit sorties de Max Max 2 alors que ça sent plutôt les 125cm3 recouvertes d’aluminium.
Pourtant, si l’on est un tant soit peu sensible à ce cinéma, généreux mais fauché, la magie opère. Loin de ses sublimes contemplations horrifiques que pouvaient être Frayeurs et L’Au-Delà, Fulci fonce pied au plancher, enchaîne les péripéties, multiplie les scènes d’action et les effets gores. Fidèle à sa réputation de terroriste, il dynamite les codes d’un genre en alignant les moments chocs (motards broyés, décapitations, visage brûlé à l’acide en temps réel) au sein d’un produit estampillé divertissement. A 57 ans le maestro n’a rien perdu de sa hargne et met à profit l’expérience engrangée sur ses métrages horrifiques pour proposer un spectacle ultra-violent.
Le film se perd cependant dans son dernier quart d’heure, se concluant à l’aide de ficelles si épaisses qu’elles en deviennent des cordes, tout ça dans un joyeux bordel.
Le film a hérité aujourd’hui d’une réputation de nanar un brin sévère. Il appartient plutôt à la grande famille du bis italien des années 80. Un cinéma qui vivait ses derniers grands moments, dont les productions n’avaient certes plus la splendeur des décennies passées, mais qui grâce à des artisans besogneux et profondément sincères existait encore. Derrière des velléités commerciales évidentes battaient des cœurs. Et celui de Fulci battait un peu plus que les autres.