Réalisateur : Lucio Fulci
Année de Sortie : 1981
Origine : Italie
Genre : Horreur Apocalyptique
Durée : 1h27
Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 8/10
Fulci and Beyond
Ballotté au gré des modes et des cultures, le titre d’un film perd parfois de son sens ou est amputé d’une indication supplémentaire lors de sa traduction. Celle française n’échappe pas à la règle pour le nouveau film de Lucio Fucli en 1981. Du titre italien a été laissée de côté toute la noirceur du propos originel. E tu vivrai nel terrore – L’aldilà (Et tu vivras dans la terreur – L’Au-delà) annonce un programme bien plus cauchemardesque, organique et sans échappatoire que son équivalent français vague et mystérieux. Au moment de tourner ce film, le cinéaste transalpin est l’un des chefs de file de l’horreur italienne aux côtés de Dario Argento, son ennemi intime. Le producteur Fabrizio De Angelis, qui l’accompagne depuis plusieurs films, parvient d’ailleurs à vendre le film à des producteurs étrangers seulement grâce au titre et au pedigree du réalisateur. Bien qu’il emprunte cette histoire de porte des enfers sur le point de s’ouvrir au film précédent de son compatriote (le sous-estimé et pourtant incroyable Inferno), ainsi que son approche quais-abstraite, les mises en scènes n’ont rien en commun et permettent de délivrer deux films parfaitement distincts.
Pour ce nouveau projet Fulci retrouve ses collaborateurs fétiches. Tout d’abord le scénariste Dardanno Sacchetti, qui lui a offert les scripts de L’Emmurée vivante et Frayeurs, mais également à l’œuvre sur le Inferno cité plus haut. La grande famille du cinéma italien. Vient ensuite son chef-opérateur Sergio Salvati, sur lequel il peut se reposer depuis Les Quatre de l’apocalypse en 1975, véritable éloge funeste du western. Le scénario, écrit en dix jours n’est qu’un prétexte pour offrir une expérience véritablement sensitive. Liza Merill hérite d’un hôtel à la Nouvelle Orléans mais, lors de travaux de rénovation, va accidentellement ouvrir une des sept portes de l’enfer.
Le choix de la Louisiane n’est pas anodin. C’est une terre symbolique, célèbre pour ses pratiques vaudou dont la figure historique Marie Laveau connut un sort funeste, sa tête étant retrouvée jonchée au sommet de la tour de sa propre maison. Le champ de la fiction a investi ce territoire depuis les années soixante, s’inspirant des mythes et légendes de la région pour réaliser de nombreux films de genre tels que Le Crocodile de la mort, Sans Retour ou encore Candyman 2. Grâce à cet historique imprégné dans l’imaginaire collectif, le film bénéficie immédiatement d’une aura angoissante. Au pays des rituels et des morts, l’Au-delà peut ainsi développer toute sa charge mystique et nous happer dans un cauchemar sans fin.
Dès son introduction Fulci donne le ton. Un artiste, chassé par les habitants du coin, se voit mutiler à coup de chaînes avant d’être crucifié et emmuré vivant. Esthétisée à l’extrême via ses cadres, son image sépia et la présence de brume, la séquence agit comme note d’intention du projet. Par une mise en scène onirique se confrontant aux horreurs des enfers, le film réalise le mariage saugrenu, presque grotesque, du beau et du laid. Une volonté illustrée par cette scène hors du temps où Emily, une aveugle accompagnée de son chien, se dresse au milieu d’un pont d’une longueur infinissable, face à Liza, symbole d’une jonction entre les deux mondes. Une jonction qui échappe à notre regard humain, que seule Emily, dénuée de vision, peut percevoir.
Première victime des événements, elle invite avec elle le spectateur à abandonner sa vision rationnelle et embrasser le surnaturel. S’ensuit alors un déferlement horrifique propre aux abîmes où des zombies affamés dévorent les vivants, où des araignées déchiquettent un visage et où le chien n’est plus le meilleur ami de l’Homme. Sûrement l’une de ses œuvres les plus extrêmes, Fulci déploie des trésors d’ingéniosité pour représenter l’enfer sur Terre. Œil arraché, têtes explosées, et sévices corporels s’enchaînent avant de se conclure par l’une des plus belles représentations cinématographiques de l’au-delà, sorte d’ailleurs où le temps humain n’a plus cours.
Suintant le désespoir et la fin de toute chose, le film se présente comme l’œuvre définitive de son auteur. Poussant enfin ses obsessions de la mort et du cauchemar dans un jusqu’au boutisme déprimant, Fulci donne vie à cet enfer qui le tourmente tant. Les visions mises en scène ont fait date et malgré un accueil mitigé de la presse le temps a fait son office. Considéré comme culte aujourd’hui, le métrage impressionne toujours autant quarante ans après sa sortie. Avec sa liberté de ton folle, ses effets gores toujours aussi efficaces (ce n’est pas pour rien qu’Aja récupérera le responsable des effets spéciaux Giannetto De Rossi pour son Haute Tension) et un score de Fabio Frizzi au diapason (ah ce thème principal !), L’Au-delà reste un indispensable du cinéma d’horreur.