[Critique] – Massacres dans le train fantôme


Massacres dans le train fantôme Affiche Film

Réalisateur : Tobe Hooper

Année de Sortie : 1981

Origine : États-Unis

Genre : Horreur Foraine

Durée : 1h36

Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 6/10


The Funhouse Chainsaw Massacre


Après après avoir traumatisé les publics du monde entier, il était temps pour Tobe Hooper de tourner la page Massacre à la tronçonneuse en cette fin de décennie seventies. Mais chassez le naturel… Sept ans plus tard le voici au commande d’une nouvelle production horrifique, The Funhouse ou Massacres dans le train fantôme pour sa version française opportuniste. La génération hippie cède la place aux gosses de bonne famille pré-eighties, dépolitisés, à la recherche de sensations fortes, là où leurs prédécesseurs étaient en quête de paix sociale avant d’être littéralement dévorés par une Amérique profonde des plus terrifiantes. Lors d’une soirée dans une fête foraine, les quatre jeunes décident de passer la nuit à l’intérieur du train fantôme. Mais c’est sans compter sur les propriétaires des lieux qui vont s’adonner à leur passe temps favori : la chasse aux jeunes.

Si ces quelques éléments d’intrigue vous sont familiers, ce n’est pas anodin. Hooper puise à nouveau là où tout a commencé, confrontant la fin de l’adolescence à une Amérique redneck conservatrice et violente. Tous les ingrédients de son magnum opus sont présents ici : de la famille mi-dégénérée mi-consanguine recluse sur elle-même au fils monstrueux, difforme et masqué, en passant par un humour noir grinçant et un décor baroque des plus anxiogènes. On retrouve le penchant du réalisateur pour le grotesque, l’exagération. La fête foraine, en opposition au réalisme de l’habitat de Leatherface, apporte ce grand-guignolesque à l’ensemble du long-métrage. Les protagonistes côtoient les freaks sous ce chapiteau transformé en musée des horreurs, avec sa vache à deux têtes et ses bébés mutants baignant dans leur formol.

Massacres dans le train fantôme Critique Film Tobe Hooper

Derrière cette apparente mascarade, Hooper sonde notre rapport au cinéma. Comme les personnages de son film, nous entrons dans une salle de cinéma en connaissant l’artificialité du procédé et même pour certains les mécaniques inhérentes au 7e art. Dans ce miroir, les adolescents se rendent à la fête foraine pour se faire peur, tester leurs limites et chercher un frisson comparable à celui ressenti lorsqu’on frôle le danger de très près, tout en sachant qu’on est à l’abri. Le procédé de la mise en abîme permet une certaine identification aux personnages tout en nous interrogeant sur notre rapport à l’horreur sous forme de spectacle. Les freaks aperçus sous le chapiteau sont réels contrairement au tour de magie où un illusionniste poignarde sa fille devant un public interloqué. Quelle sensation est la plus forte semble nous demander Hooper. Dans ce jeu de questions il expose sa vision d’un cinéma où le réel et l’artificiel se mélangent jusqu’à la perte de repères (souvenez-vous des vrais ossements de Massacre à la tronçonneuse). Fabriquer du faux avec du vrai pour rendre le tout tangible, le plus proche du réel possible.

Pour illustrer cette idée il a recours à un style cinématographique plus classique, troquant son 16mm et son ratio 1.78 pour embrasser un super scope en 35mm. Les couleurs sont criardes, pétantes, rappelant par moment les gialli italiens dans sa dernière partie. Usant de quelques sublimes mouvements de grues et de cadres composés avec soin, il s’éloigne d’une certaine représentation du réalisme pour mettre en scène l’artificialité. S’essayant au slasher, il rend hommage à tout un pan de sa filmographie : Psychose et sa traditionnelle scène de douche est citée dès l’introduction tout en l’imbriquant à l’ouverture d’Halloween avec sa vue subjective d’un enfant meurtrier de huit ans. Une fois arrivée à la fête foraine, c’est Freaks, Carnaval of Souls et les Universal Monsters qui sont cités. Un lieu qui agit comme un réservoir à monstres, où toutes les horreurs fictives sont représentées. Avant que la vraie horreur, celle monstrueusement humaine, décide de s’en prendre à ces ados qui regretteront amèrement leur envie de sensations fortes.

Ce Massacre dans le train fantôme se place véritablement au carrefour des deux premiers opus de Massacre à la tronçonneuse. Héritant des thématiques et des monstres du premier, il prépare la route pour un second opus qui abandonnera l’ultra réalisme de son aîné afin de basculer dans une hystérie visuelle et sonore totale à l’image des années 80, esquissant une caricature sauvage de l’ultra-libéralisme américain. Une suite qui prendra elle aussi place, dans son dernier acte, sous une fête foraine désaffectée gorgée de monstres. Au final, la langue de Molière a créé un triptyque plus cohérent qu’Hooper lui-même l’avait imaginé.

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