Réalisateur : Leo Zhang
Année de Sortie : 2017
Origine : Chine / Hong Kong
Genre : Science-Fiction Survitaminée
Durée : 1h50
Thibaud Savignol : 4/10
Le Style en moins
A leur tour, les blockbusters chinois ont perdu une partie de leur âme en cours de route. Fini l’époque des Wu Xia Pian (le film de sabres chinois) démesurés comme Hero ou Tigre et Dragon, au souffle épique et aux chorégraphies aériennes toujours plus spectaculaires. Des films qui maniaient un certain classicisme pour l’adapter aux mouvances et technologies de leur époque. Dorénavant, les productions se dotent de budgets toujours plus conséquents pour rivaliser avec l’ennemi idéologique de l’autre côté du Pacifique. De démesure visuelle il est désormais question, enchaînant les projets gonflés aux CGI et toujours plus excessifs quant il s’agit de mettre en scène l’action. On pense notamment à la saga Wandering Earth de ces dernières années, qui vomit numériquement ses 50 millions de dollars de budget. L’imagerie s’inspire souvent du tout venant américain pour tenter un combat à armes égales et conquérir de nouvelles parts de marché. Heureusement, le cinéma local continue d’explorer les veines traditionnelles et mythologiques de l’Empire du milieu, puits sans fond d’inspiration au regard des nombreuses légendes potentiellement adaptables.
Entre les deux arrive ce Bleeding Street, réalisé par l’inconnu Leo Zhang et avec Jackie Chan au casting. Il est a parié que ce dernier avait son mot à dire pendant le tournage, lui qui au-delà de son statut d’acteur iconique du cinéma d’action a également réalisé une quinzaine de films. C’est peut être pour cette raison que le long-métrage possède une personnalité si particulière. Après avoir affronté un proto-bioroide dénommé Andrew et survécu à l’affrontement, l’agent spécial Lin Dong s’expatrie à Sydney. Sa fille, sauvée d’une leucémie, possède désormais un cœur mécanique qui lui permet de se régénérer. 13 ans plus tard, Andrew et une obscure organisation sont de retour pour mettre la main sur cet organe et pouvoir ainsi créer un super-soldat. Vendu comme un film d’action cyberpunk, seul la trame du film s’inscrit dans ce sous-genre de la science-fiction. C’est utilisé avant tout comme outil scénaristique pour se différencier, jouer des coudes avec les multiples productions chinoises désormais orientées SF. On est plus proche d’un Police Story dans la droite lignée de la carrière de Jackie Chan.
On se retrouve avec un récit ultra-classique d’un père qui doit protéger sa fille face aux assauts d’un gang malintentionné. Les éléments futuristes ne dépassent pas le stade de l’argument, et sont contrebalancés par une intrigue essentiellement contemporaine. C’est là toute l’étrangeté du métrage ; des hommes de main surentrainés et suréquipés façon armes futuristes, évoluent dans une temporalité tout ce qu’il y a de plus banal. Hormis leur repaire en forme de laboratoire ultra-design, ils se déplacent en Audi et dénotent dans l’environnement urbain de l’hémisphère Sud. Ils sont les seuls à être équipés d’armes laser et d’armures en titane, tout comme leurs leaders dépareillent avec leur look de boss de jeux vidéo.
L’immersion devient alors problématique, la fille de Lin Dong étant une étudiante ordinaire, dans un lycée ordinaire, avant d’être accompagnée d’un side-kick la plupart du temps lourdingue. On se demande régulièrement comment les deux univers coexistent sans la moindre réaction du commun des mortels. De plus rien n’est développé, le script enchaîne les séquences sans surprise, ne s’écarte jamais des balises habituelles de ce type de production. Pas un pas de côté, rien ne dépasse, rendant l’ensemble terriblement convenu et aseptisé. Jackie Chan investit comme il peut le terrain du cinéma d’action chinois contemporain, mixant un argument de science-fiction qui ne s’incarne jamais vraiment à son expérience de la cascade et du bourre-pif.
Et c’est bien là qu’apparaissent les seules réussites de Bleeding Steel. Le film est clairement axé autour de trois scènes d’action principales, la seconde venant relancer l’intérêt d’un récit qui s’essouffle aux deux tiers, via à une course poursuite efficace mais qui aurait mérité quelques minutes de plus au compteur pour maximiser son impact. La dernière, sans être ébouriffante, fait le job. Mais là où le film laisse des regrets, c’est lors de son premier quart d’heure. Une fusillade explose dans une espèce de bidonville désaffecté (hommage caché au premier Police Story ?), et transforme les lieux en terrain de jeu complètement fou, entre armes modernes et futuristes. Les mouvements de caméra sont amples, les chorégraphies percutantes et sans recourir aux effets numériques. L’incontournable making-of du générique, la signature intemporelle de Jackie Chan, permet de le confirmer : explosions à même le plateau, voitures détruisant les décors et acteurs qui donnent de leur personne.
Dommage que le film ne retrouve jamais l’allant de son ouverture, revenant rapidement sur les rails de la médiocrité. Quitte à greffer la science-fiction au thriller, autant y aller franco plutôt que d’être dans un entre deux qui ne convaincra personne. On peut également citer la photographie ultra-saturée combinée au support numérique qui rend le tout extrêmement factice. Le Manhunt de John Woo sorti la même année affichait lui aussi ce rendu déplaisant. Le vert n’a jamais été aussi vert, et les couleurs aussi agressives. Un parti pris esthétique très moderne, collant à l’imagerie artificielle des réseaux sociaux. A l’image d’un Bleeding Steel, vite vu, vite oublié.