[Critique] – Chrysalis


Chrysalis Affiche Film

Réalisateur : Julien Leclercq

Année de Sortie : 2007

Origine : France

Genre : Polar Technologique

Durée : 1h34

Thibaud Savignol : 4/10


L’Effet Papillon


Épaulé par le scénariste Franck Philippon, plus connu pour son travail à la télévision, les deux hommes vont s’inspirer de l’univers de Philip K Dick, avec cette sombre histoire de souvenirs volés et réimplantés. On pense évidemment à Total Recall, et plus encore à la nouvelle qui l’a inspiré, Souvenirs à vendre. Ici, dans un futur proche on suit David Hoffmann (Albert Dupontel), lieutenant de la police européenne, et sa nouvelle partenaire Marie Becker (Marie Guillard), en charge de traquer un dangereux criminel, assassin de sa femme et œuvrant mystérieusement dans l’ombre. En parallèle, la jeune Manon Brugen est admise au sein de la clinique privée de sa mère suite à un grave accident. Son faciès est recomposé, mais quelque chose coince au niveau de sa mémoire vacillante et le traitement qu’elle suit ne parvient pas au résultat espéré. Ces deux intrigues ne vont cesser de s’entremêler avant de finir, évidemment, par se rejoindre.

Il serait criminel d’en dévoiler plus, afin de ne pas éventer les différents rebondissements. Le vrai problème du film n’est pas tant au niveau du récit en lui-même, plutôt intriguant et original dans sa faon d’agencer ses multiples références, que dans son exécution qui peine à convaincre. Le film procède par accélérations trop brusques, révélant plusieurs éléments à la fois, les expliquant de manière trop brève avant de passer à autre chose. Les articulations de l’histoire ne sont jamais exploitées à leur plein potentiel, peu aidées aussi par des dialogues assez faibles. On revient ainsi au postulat de départ et cette volonté, compréhensible de la part des jeunes réalisateurs, de remplir leur premier film à ras bord, comme si c’était le dernier. On se retrouve avec un thriller un brin politique, plusieurs postulats de science-fiction, de l’action, et des interrogations sur la raison d’être de nos personnalités. La dernière demie-heure constitue une quasi-overdose, enchaînant révélations sur révélations, en plus de chercher à résoudre toues ses pistes narratives. Le film y parvient, de manière abrupte, et on repart un peu frustré par les seulement 90 minutes que dure le métrage.

Chrysalis Critique Film Albert Dupontel Cyberpunk

On ressent la sincérité de ses auteurs, de s’extirper des carcans du cinéma hexagonal, de proposer une autre voie, aidés par une production peu frileuse pour l’époque avec ses presque 9 millions d’euros au compteur. A vouloir trop faire, aborder plusieurs genres pour proposer un spectacle total, le résultat final finit par se noyer dans sa propre surenchère. Balancé d’une idée à l’autre parfois au sein d’une même séquence, sans jamais pour autant douter de la générosité du projet, le film aurait gagné à recentrer ses enjeux, à explorer moins de pistes mais plus en profondeur. Des questions subsistent une fois le générique arrivé, l’envie d’en savoir plus sur les technologies proposées et leurs possibles répercussions sur la société. On se retrouve presque face à un second «court-métrage» de luxe, qui attend sa version longue.

Cependant le film déborde de références picturales et cinématographiques, même si parfois maladroitement amenées. Embrassant le genre du cyberpunk via sa thématique du contrôle de l’esprit par la technologie, il s’en fait également le chantre grâce à une direction artistique très marquée, rendant crédible cet avenir froid et désincarné. Impossible par exemple de ne pas penser au Minority Report de Steven Spielberg sorti cinq ans auparavant, avec ses décors aseptisés, ses lumières vives, et sa photo surexposée voire par comment carrément cramée. On peut également citer The Island de Michael Bay (2005), pour sa première partie centrée sur l’embrigadement d’individus dont la mémoire a été réinventée. S’inscrivant dans ce sillage, où se mêlent action et interrogations philosophiques sur les technologies aptes à dompter les esprits (surtout chez Spielberg), le premier long-métrage de l’élève parvient difficilement à concilier les deux.

Clairement, Leclercq est beaucoup plus à l’aise quand il s’agit de mettre en scène fusillades et corps à corps, cherchant toujours une lisibilité maximum, loin du style ultra-cut très en vogue au milieu des années 2000. Bien aidé par les chorégraphies d’Alain Figlarz (La Mémoire dans la peau, Lucy) et les maquillages d’Olivier Afonso (Titane, Colt 45), il peut proposer une violence sèche et frontale. A défaut d’être extraordinaires, ces séquences transcendent le récit, décuplant l’impact visuel de la narration. Mention spéciale à ce plan séquence assez dingue au milieu d’une usine, où la caméra s’élève pour filer deux poursuivants sur plusieurs dizaines de mètres, avant de revenir au sol lors de leur empoignade.

Premier essai en demi-teinte, pétri de bonnes intentions mais cherchant en permanence sa propre voie, le film se perd dans son scénario indigeste et se noie par moments sous le poids de ses influences. Sauvé par des scènes d’actions intenses et ses deux protagonistes concernés (Dupontel et Marie Guillards impeccables), Chrysalis pose les bases d’une filmographie où l’action prendra l’ascendant sur les grandes velléités scénaristiques tentées ici. Un choix qui s’avérera payant au vue de la carrière du bonhomme.

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