Réalisateur : George A. Romero
Année de Sortie : 2007
Origine : États-Unis / Canada
Genre : Zombies Au Caméscope
Durée : 1h35
Le Roy du Bis : 4/10
Thibaud Savignol : 5/10
La Colique des morts
40 ans après le désormais classique Nuit des morts-vivants, Romero renoue avec l’apparition même du zombie au cœur de nos sociétés modernes. Le Jour des morts-vivants et Land of the Dead installaient leurs protagonistes dans des temporalités où l’invasion avait déjà eu lieu depuis bien longtemps et où des dispositions avaient été prises avec plus ou moins de succès : un labo comme dernier refuge pour l’humanité dans le premier, une ville forteresse grouillante pour le second. Pour Zombie la menace avait été ciblée et commençait à s’étendre. Ici, dans ce nouvel opus intitulé Diary of the Dead (ou Chronique des morts-vivants pour faire la filiation), retour au déclenchement originel de la pandémie.
L’ouverture se veut sobre, directe, efficace. Alors qu’une équipe de télévision filme les lieux d’un double homicide suite à l’intervention des forces de l’ordre, l’un des corps se réveille et mord un ambulancier à la gorge. Confusion, cris, panique, mais reste un réflexe qui conditionnera toute la continuité du métrage, rappelant la maxime d’un autre Found footage sorti la même année : «Fuir. Se cacher. Mais ne jamais cesser de film». Bien plus féroce et aiguisé quant à son discours politique, Romero s’empare de cette idée pour dresser cette fois-ci une critique du journalisme à sensations, mais bien plus encore en se questionnant sur la diffusion toujours plus exponentielle d’images à travers le globe. Pour se faire, il pervertit déjà le principe même du procédé (visionner des rushs bruts retrouvés), en proposant un visionnage dont un premier montage a déjà été effectué, rajoutant voix-off et musiques extra-diégétiques. Quasiment fataliste dès la mise en place de son procédé, il est conscient que sa propre mise en scène parasite déjà l’objectivité recherchée. A mi-parcours, lors d’un brouhaha de commentaires audio d’internautes, l’un déclamera : «où se trouve la vérité ?», révélant la véritable note d’intention du projet.
Pour légitimer son dispositif après sa brève introduction, Romero suit un groupe d’étudiants en cinéma en plein tournage d’un film d’horreur, la nuit au milieu des bois. Alors qu’il façonnent déjà eux-mêmes de fausses images en même temps que des dissensions apparaissent, ils sont mis au courant par radio que les morts se réveillent et s’en prennent aux vivants. Débute un road-trip pour assister au chaos ambiant, rejoindre leurs proches, mais surtout mettre en boîte le déclin du monde moderne. Un brin facile, s’appuyer sur des cinéastes en herbe permet à Romero de disposer de personnages habiles avec une caméra et aptes à réfléchir leurs images. D’un côté, à l’instar du Projet Blair Witch ou REC cela permet d’illustrer la manipulation et la pensée des images par ceux qui les fabriquent, mais de l’autre, on perd l’effet brut et direct à la Cloverfield ou Redacted. En ce qui concerne Diary of the Dead, ce choix est on ne peut plus logique, au vu du message que souhaite délivrer le réalisateur américain.
Très appuyée sur ses précédents films avec par exemple les fameux consommateurs lobotomisés de Zombie, la symbolique du mort-vivant est cette fois-ci mise en retrait au profit du combat d’un groupe de survivants pour échapper aux êtres humains devenus monstruosité. Là ou son précédent métrage disposait d’un budget beaucoup plus conséquent (15 millions de dollars contre 2), lui permettant une mise en scène ample tout en flirtant régulièrement avec le bis régressif pour notre plus grand plaisir, le récit s’embourbe ici dans une certaine monotonie voire une répétitivité un brin décourageante. Les protagonistes vaquent de lieux en lieux, rencontrent des zombies ou d’autres survivants, un conflit ou une coopération s’engage avant de fuir vers la prochaine destination. Évidemment, cela permet d’étaler la diversité des réactions humaines face à une menace globale (vol, entraide ou encore sacrifice) et de composer quelques personnages et situations humoristiques rafraîchissantes chez Romero (un Amish tueur de zombies à la dynamite), mais sans véritablement réussir à nous embarquer pleinement dans cette virée.
Alors que ses plus grands films mariaient à la perfection plaisir cinématographique pur et pensée critique acerbe (le trop sous-estimé Jour des morts-vivants), ici l’avancement premier degré de l’intrigue se fait sans véritable intérêt, notamment à cause de personnages plutôt antipathiques. Pour autant, comme souvent chez Romero, la lecture du sous-texte reste passionnante. Pendant ce long trajet, le réalisateur en herbe qui chapeaute le projet n’a de cesse de régulièrement mettre en ligne ses images après un bref montage. C’est un succès auprès des internautes (on rappelle qu’en 2007 la consommation d’images internet commençait seulement à se répandre), mais apparaît en parallèle un torrent ininterrompu d’images, officielles ou non, amateurs et professionnelles.
Au-delà de pointer du doigt un ensemble filmique prêt à déshumaniser ses auteurs lorsque ces derniers confessent ne plus rien éprouver face à la mort et à la violence derrière leur objectif, le long-métrage interroge surtout sur une quête de vérité rendue impossible, ou chaque image diffusée ne constitue qu’un fragment subjectif d’une possible vérité. A l’heure du tout vidéo, du tout imagé, comment trouver la véritable information, dénuée du moindre traitement ? La vérité apparaît dès lors comme aussi multiple que la multiplicité des points de vue en action.