Réalisateur : Iain Softley
Année de Sortie : 1995
Origine : États-Unis
Genre : Cyber Thriller
Durée : 1h47
Thibaud Savignol : 6/10
Un Monde Digital
Il est toujours amusant de constater comment une époque met en scène ses propres évolutions technologiques. Depuis Tron en 1982 et l’essor de l’informatisation, la question s’est posée quant à la représentation d’un outil quasi invisible. Il y a bien le hardware (la partie physique de l’ordinateur), partie émergée de l’iceberg qui propose une réalité matérielle du concept, mais comment imager internet, le réseau et les logiciels ? Hackers tente de relever le défi avec son histoire de pirates informatiques affrontant une corporation privée. Le résultat apparaît forcément désuet aujourd’hui mais pas dénué de charme.
Après avoir été arrêté par les services secrets à 11 ans suite à la création d’un virus informatique, Zéro Cool, de son vrai nom Dade Murphy, est condamné à ne plus toucher un ordinateur jusqu’à ses dix-huit printemps. Mais une fois lycéen, un nouveau virus s’apprête à causer des dommages irréversible. Lui et ses amis hackers vont devoir s’en charger. Mêlant habillement le teen movie et le thriller informatique, le réalisateur cherche à rendre cet univers le plus «branché» possible, comme on disait en 1995. Il fait de ces pirates du net des skateurs 2.0, attifés d’un look situé quelque part entre avant-gardisme pop et futurisme. Au-delà d’une garde-robe qui prête aujourd’hui à sourire, il en fait des marginaux, des nerds à la pointe de la technologie, déjà un pied dans l’avenir. Ils passent leur temps libre à hacker des sites à la sécurité de plus en plus retors, à la recherche d’un trophée en forme de reconnaissance sociale et sentimentale. Le réalisateur n’oublie jamais que ce sont avant tout des adolescents, repoussant sans cesse leurs limites, en guerre contre un monde adulte qu’ils méprisent.
Grâce à son casting sympathique, où Angelina Jolie interprète l’un des ses premiers rôles au cinéma, et une alchimie qui fonctionne à l’écran, Iain Softley délivre une seconde partie redoutable d’efficacité. Les péripéties s’enchaînent sans temps mort dans une course contre la monte impeccablement rythmée. Internet et ses réseaux sont modélisés en 3D, sous forme de labyrinthes colorés, d’espace vides en trois dimensions, sur lesquels se superposent les traditionnels quadrillages informatiques chers à la fin du 20e siècle. Le combat se livre à distance, au cœur de ces immenses coursives numériques, remplaçant les traditionnels fusillades ou mano à mano. Époque oblige, et conséquence d’une technologie encore à ses balbutiements, les courses poursuites sont légions car le hacker doit se connecter depuis un accès téléphonique afin de réaliser ses méfaits. Cela donne une séquence finale assez cocasse où les hackers se déplacent d’une cabine téléphonique à l’autre pour contrecarrer la diffusion du virus. Les plus vieux se remémoreront leur premier modem AOL avec une pointe de nostalgie.
De plus, la référence cyberpunk n’est jamais loin. Bien que se déroulant dans un cadre contemporain en lieu et place d’un futur dystopique, l’intrigue embrasse une facette essentielle du genre : le piratage informatique. Ainsi, les références abondent, que ce soit un ordinateur central nommé Gibson en hommage à l’auteur culte William Gibson ou un personnage nommé Emmanuel Goldstein en référence au traître du roman 1984 de George Orwell. Substituant les nouvelles technologies aux outils classiques du thriller, Hackers constitue une petite série B appréciable à défaut d’être inoubliable. Photographie instantanée de son époque, le film plaira aux aficionados de science-fiction datée mais au charme nostalgique imparable.