Réalisateur : Oren Peli
Année de Sortie : 2009
Origine : États-Unis
Genre : Terreur Au Lit
Durée : 1h26
Le Roy du Bis : 3/10
Thibaud Savignol : 6/10
Dormez, vous êtes filmés
Le succès de Paranormal Activity est d’abord né d’une frustration de producteur : celle de Jason Blum d’avoir refusé quelques années plus tôt de produire le Projet Blair Witch. 500 000 dollars de budget et 250 millions de dollars de recettes plus tard, le jeune Blum n’a toujours pas dirigé son manque de flair. Alors quand une occasion similaire se représente, il ne se fait cette fois-ci pas prier. Sur ce coup, il enfile la casquette de distributeur, le film ayant déjà été tourné par Oren Peli, chez lui en 2007. Ce dernier est persuadé qu’après avoir effrayé les gens à l’idée de prendre une douche avec Psychose ou de se baigner à cause des Dents de la Mer, il doit être possible d’empêcher les spectateurs de dormir chez eux.
Suite à son emménagement au sein d’une banlieue résidentielle très calme, son couple est soumis à de nombreuses nuisances nocturnes, sa femme ayant également la sensation d’être hantée depuis plusieurs années. Tout ces phénomènes décuplent son imagination, aboutissant ainsi au scénario aujourd’hui culte de ce Paranormal Activity, où un jeune couple est confronté à des troubles nocturnes de plus en plus intrusifs, le personnage de Katie étant suivie par une entité maléfique depuis son plus jeune âge.
Tourné avec 15 000 modestes dollars (Peli est programmateur de logiciels pour le cinéma et le jeu vidéo), dans sa propre demeure qui sera réaménagée le temps des 7 jours de tournage, le long-métrage entame sa tournée des festivals aussitôt monté. Au Screamfest Horror Film Festival de Los Angeles il terrifie le public et tape dans l’œil d’un certain Kirill Baru, agent artistique qui signe immédiatement le réalisateur et décide d’envoyer des copies DVD du film à toute l’industrie cinématographique, en vue d’une distribution salles. Alors cadre chez Miramax, Jason Blum découvre l’œuvre, et s’engage aussitôt avec Peli pour distribuer le film. Il n’est pas question de rater le train une seconde fois. Dreamworks est également intéressé, notamment en la personne de Steven Spielberg, excusez du peu, et signe un deal aux côtés de Blum et Peli.
Envisageant d’abord un remake plus professionnel face à l’amateurisme affiché du long-métrage, l’idée sera abandonné lors d’une projection test triomphale où sont réunis pontes du studio et grand public. Plusieurs fins seront cependant tournées, celle projetée en salles à sa sortie n’étant plus la même que lors de la tournée des festivals en 2007. Pas mal de montage sera effectué également pour gagner en efficacité (on parle d’une cinquantaine de coupes). Des dissensions en interne suite au rachat de Dreamworks par Paramount reporte la sortie en 2009. Tourné avant, Paranormal Activity arrive pourtant en salles après REC et Cloverfield, mais participera activement à confirmer à leurs côtés le renouveau du Found footage. A l’instar du Projet Blair Witch, il profite d’une campagne marketing novatrice et agressive, la bande annonce étant constituée uniquement des réactions du public filmées en caméra infrarouge lors des projections précédentes.
Comme toujours dans le genre, il y a ce besoin de légitimer les images proposées au spectateur. Alors qu’aujourd’hui ce style de format induit de lui-même que ce sont de fausses vraies bandes retrouvées, Paranormal Activity témoigne à travers son carton introductif, remerciant les familles et la police de San Diego, que ce n’était pas le cas au milieu des années 2000, où le Found footage cherchait encore sa voie et une façon d’exister. On pourrait même y voir une lecture très premier degré dans son rapport aux images, là où le genre aurait depuis entamé une sorte de mue méta, conscient de la fausseté de ses images, mais pourtant construit sur un principe de véracité supposé.
Très décrié, notamment en raison d’un filon exploité jusqu’à plus soif (on compte aujourd’hui six suites et un spin-pff), ce premier opus mérite pourtant mieux que sa réputation. Notons d’ailleurs qu’Insidious reprendra à son compte la même structure, les spécialistes se succédant pour venir en aide à un couple où ce n’est plus la maison qui est hantée mais les individus eux-mêmes, poursuivis par des démons revanchards. Le baroque de James Wan fut d’abord un exercice minimaliste redoutablement efface chez Peli. Appliquant intelligemment les préceptes de Blair Witch (aucun son ou musique extra-diégétique), poussant sa logique jusqu’à proposer des séquences au silence terrifiant, le spectateur scrute alors le moindre coin du cadre ou tend l’oreille pour percevoir chaque variation sonore.
Se basant sur une logique répétitive mais brillamment aléatoire (chaque séquence stressante ne débouche pas sur un effet), les séquences du couple endormi font monter progressivement l’angoisse, jusqu’à un climax un tantinet trop démonstratif et spectaculaire. Soyons honnêtes, le plan final est assez ridicule. On retiendra plutôt les deux premiers tiers du film au cordeau, bien aidés par ses deux protagonistes attachants, bien que Michah soit relativement étouffant et arrogant, et qu’on se demande encore comment est-il possible de rester dormir sereinement chez soi après tant d’épreuves. Mention à l’entité en question, dévoilée par fragments, gestes et attitudes aussi économes qu’efficaces, mélange habile de hors champ et d’apparitions fugaces.
Paranormal Activity entérine surtout définitivement l’évolution du Found footage horrifique. Cannibal Holocaust se déroulait à des milliers de kilomètres de nos contrées pour nous terrifier tout en interrogeant notre propre humanité. Blair Witch ramenait la menace sur nos terres, mais toujours sur un terrain extérieur à notre vie quotidienne, enfoncée dans une forêt sans retour possible. Cette nouvelle vague de la deuxième partie des années 2000, dans le sillage de la menace terroriste qui a ébranlé nos sociétés occidentales en ce début de XXIe siècle, a progressivement relocalisé la terreur au cœur de nos foyers : REC investissait un immeuble anodin du centre-ville de Barcelone, Cloverfield détruisait à nouveau le cœur de New-York, quand Poughkeepsie Tapes laissait entrevoir les sévices d’un maniaque en pleine banlieue résidentielle. Paranormal Activity a ainsi le mérite de pousser ce nouveau visage du cinéma horrifique jusqu’à son point maximum, en se lovant dans le refuge ultime des populations, plus encore que nos demeures, nos chambres à coucher. L’horreur venait d’investir nos foyers, et avec 200 millions de dollars aux box-office, elle n’était pas prête de les quitter.