Réalisateur : Lewis Schoenbrun
Année de Sortie : 2012
Origine : États-Unis
Genre : Super-Héros sous Paint
Durée : 1h16
Le Roy du Bis : 5/10
Thibaud Savignol : 4/10
Seuls Two
Je ne me souviens plus exactement ce qui m’a poussé à lancer ce film en salle de projection. Je m’apprêtais à regarder un blockbuster avec une pizza 4 fromages arrosée d’une bière belge comme le veut ma tradition de trentenaire célibataire. Mais je me suis aperçu que mon système Dolby sonore désuet m’empêchait d’en apprécier le contenu. Mauvaise surprise qui arrive parfois quant on ne se renseigne pas suffisamment sur les spécificités techniques des fichiers téléchargés illégalement sur YGG. Je songeais à la vacuité de mon existence, à cette raison futile de me gaver de plein de films pour en écrire des critiques lues par une poignée d’énergumènes probablement comme moi.
Faute de trouver une question à mes réponses, j’ai préféré reporter ma sortie de scène définitive à plus tard et me suis donc rebattu sur un Mockbuster, terme analogique bâti sur la contraction de «Mock» (se moquer de) et de «Blockbuster». Il s’agit donc d’une catégorie filmique à part entière, souvent dédiée aux nanars puisque ces œuvres plagient sans vergogne des films à gros budget. Dans le cas présent, The Amazing Bulk de Lewis Schoenbrun, répondait à la popularité croissante de la Marvel Mania. Les effets de la bière commençaient à se faire sentir, la fatigue aussi après une journée de travail éreintante à chasser les punaises de lits au boulot et à mentir aux gens. Je n’étais pas prêt pour ce que j’allais découvrir. Avec le recul, je me suis dit que j’aurais dû le garder pour un festival avec mon meilleur et seul ami.
L’histoire de Henry «Hank» Howard n’est donc pas si différente de celle de Bruce Banner, un scientifique gringalet aussi malchanceux dans ses expériences qu’en amour, qui tente par dessus tout de se faire accepter par son beau-père militaire qui chapeaute le programme de recherches. Ses souris nourries au sérum physiologique OGM ne donnent aucun signe de mutation probable, quand bien même il leur donne des os à ronger. Faute de résultats concrets, le bidasse lui refuse la main de sa fille dans son immense cave à vin de sept hectares. Partagé entre le dilemme d’une vie privée et d’une carrière bien peu épanouies, il décide de s’injecter la substance dans les veines après avoir vu croître une plante verte en buisson ardent. Peut-être espérait-il obtenir le prix Nobel ou bien simplement se faire pousser la barbe pour devenir plus viril. C’est raté, et forcément les choses vont dégénérer puisqu’il va se transformer en gros bibendum violet.
Bizarrement ce n’est pas tellement Hulk qui nous vient à l’esprit quant on le voit dandiner du cul dans la rue, mais plutôt à une version handicapée de Thanos, s’exprimant à coup d’onomatopées avec ce que ça implique de difformités disgracieuses. Il a tout de même pour lui d’avoir le fessier de Kim Kardashian. Pendant que Hank découvre l’étendu de ses nouveaux talents, qui se résument à encaisser les balles, les coups et les bombes sans broncher et à balancer des véhicules aux quatre coins d’une ville aussi animée que Mondelange un dimanche, le docteur Folamoule fait péter tous les plus grands monuments de ce monde, du Sphinx à la Grande Muraille de Chine, en passant par la Maison Blanche, Hollywood, le Colisée et l’Opéra de Sydney. Et si le baron de Münchhausen rêvait de la lune, les américains eux y sont allés. Qui enverra t-on pour contrecarrer les plans du méchant allemand ? Vous l’aurez deviné.
The Amazing Bulk est bien le nanar de haute volée tant espéré, dont les références explicites et grossières à l’univers de Stanley Kubrick (Docteur Folamour, 2001 L’Odyssée de L’Espace) auront sans doute pour but de marquer le coup et d’intellectualiser un peu le propos pour préserver les neurones d’un spectateur fortement abruti par la bouillie de CGI, invoquant le minimalisme enfantin d’un vieux jeu PS1 type Bubsy 3D. Un parti pris esthétique certainement inspiré du Speed Racer des sœurs Wachowski en moins rutilant. Il n’y a qu’à voir l’étoile gribouillée de traviole sur la voiture des policiers pour s’en convaincre. On a le sentiment de se retrouver dans l’imaginaire d’un enfant de cinq ans plongé dans son coffre à jouet.
L’intégralité du film a été tourné sur fond vert en l’espace de cinq jours, un record de paresse ou de stakhanovisme, c’est au choix, évoquant la productivité des films de Charles Band ou de Roger Corman. Excepté qu’il y a du cinéma dans ces derniers, ce que l’on ne retrouvera jamais ici. On a parfois l’impression d’avoir affaire à une entreprise un peu bâtarde, qui aurait mutée en cours de chemin, le budget alloué de 14 000 $ étant déjà bien trop élevé pour parler d’un film entre copains. Il ne s’agit pas d’un accident industriel mais le ton est assez surprenant, situé dans un entre deux parodique et sérieux dont la séquence d’intro résume à elle seule tout le paradoxe.
On s’étonnera également devant certaines situations mal dégrossies ou bien de voir le principal interprète faire de son mieux pour garder son sérieux tandis que d’autres cabotinent volontairement comme le baron allemand et sa blondasse écervelé de service. Pour combler la pauvreté de sa mise en scène, le réalisateur tente quelques effets de mouvements grâce à un décor 3D devant lequel les acteurs piétinent en faisant du surplace, renvoyant aux vieux écrans de veille de Windows 95 ou bien aux jeux Zelda sur Philips CDI. Naît alors l’étrange impression de voir les personnages avancer sur un tapis roulant. J’ai eu le sentiment de faire un mauvais bad trip à la Chimay bleu, et j’ai vu des choses que je préfère d’ailleurs oublier.
Évidemment tout cela participe à rendre le cauchemar d’autant plus surréaliste que le récit convoque pêle-mêle une galerie de créatures absurdes : trolls, chiens, lézards savants, kangourous, bovins, équidés, familles heureuse prototypiques, Zeus qui balance des éclairs du haut de son nuage, le Nautilus, un chimpanzé jouant avec une fusée et tout ce que l’on peut chiper d’une banque de données censée combler les vides d’un décor figé, accentuant d’autant plus son artificialité. Reste cette sensation de surplus délirant et de n’importe quoi gênant faisant office de cache misère, dont le but était moins de divertir les gens que de gommer l’incompétence et le naufrage artistique d’un homme qui préféra se saborder consciemment pour ne pas devenir le nouveau Claudio Fragasso.