Réalisateur : Damien Leone
Année de Sortie : 2024
Origine : États-Unis
Genre : Gore Clownesque
Durée : 2h05
Thibaud Savignol : 7/10
Sortie en salles : 9 octobre 2024
Le Père Noël est une ordure
Là où Terrifier 2 s’ouvrait sur le meurtre sadique d’un médecin légiste (égorgement et fracassage de tête au programme), ce nouvel opus renoue avec les codes plus traditionnels du slasher. Jouant volontairement sur les nerfs des spectateurs venus chercher leur dose de sensations fortes, Damien Leone déploie une montée en tension habile au cœur d’un foyer américain tranquille. Suivant le point de vue de la petite de la famille, réveillée en pleine nuit et surprenant le Père Noël dans son salon, il joue de ce regard pur et innocent. Cette subtilité qu’on ne lui connaissait pas décuple davantage les exactions à venir, toujours aussi outrancières, gores et brutales.
Il désacralise notamment d’entrée un tabou récurent des œuvres horrifiques, à savoir la figure de l’enfant. Bien que certaines aient déjà eu l’audace de s’y frotter (le mémorable et traumatique Les Révoltés de l’an 2000), la chose est assez rare pour la mentionner. Même si la suite ne cessera de grimper dans l’horreur graphique, cette ouverture constitue peut-être l’une des plus grandes réussites de la trilogie (pour le moment), mélange habile de terreur lancinante, de hors-champ et d’exécutions à l’efficacité redoutable.
Démarrée en 2017, la saga décolle réellement auprès du grand public en 2022 avec un Terrifier 2 imparfait, trop long, mais remettant le splatter sur le devant de la scène, trente ans après les exactions légendaires de Peter Jackson et son Braindead. Accomplissant des miracles avec seulement 250 000 dollars, notamment en terme de prothèses, deux ans plus tard Damien Leone peut enfin compter sur un budget digne de ses ambitions. Bien que deux millions restent le minimum syndical pour une œuvre à vocation des salles obscures, dans les mains d’une équipe rodée au système D cela promet des étincelles. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir repoussé des avances beaucoup plus juteuses en vue de s’approprier Art, en échange d’une désescalade de ses exactions. Une liberté créatrice menacée, ce à quoi s’est toujours refusé son auteur.
On suit donc à nouveau Sienna, qui part vivre chez son oncle et sa tante après cinq années d’internement. De son côté, Jonathan tente de se reconstruire à l’université, tandis qu’Art le Clown et Vicky reprennent des forces au fin fond d’une maison abandonnée. Le couple apparaît désormais comme deux réelles entités démoniaques, loin du côté plus terre à terre de l’opus original. Si le second épisode frayait avec une certaine fantasy (costumes, armes, final épique), cette nouvelle livrée explore davantage la démonologie et le concept même qui régit ses deux monstruosité. Malgré une réminiscence du parti pris précédent via une sublime séquence au cœur d’une forge des enfers, Leone retourne à une forme de slasher possédé plus classique. Terrifier 3 apparaît presque comme une étape supplémentaire vers un affrontement dantesque à venir entre Sienna et Art, peut-être cette fois en embrassant totalement l’idée d’une horreur fantaisiste.
Une fois passée l’interminable liste de boîtes de production, symbole de cette montée en puissance financière, les premières images ne mentent pas. Visuellement on retrouve cette esthétique ouateuse et chaude propre au rendu pellicule (ici seulement simulée), le recours à de nombreux filtres colorés ainsi qu’une musique synthwave dans l’ère du temps, rappelant forcément la série culte Stranger Things. Face au second opus et son piqué numérique soigné mais flagrant, l’œuvre bénéficie cette fois d’un «vrai» rendu cinéma. Ne cédant jamais à la caméra épaule depuis ses débuts, Terrifier 3 s’appuie sur d’élégants mouvements de caméra, des cadres soigneusement composés et des délires visuels exubérants.
Poursuivant son emprunt à l’esthétique horrifique des années 80, Leone profite de ce troisième opus pour citer autant Black Christmas et Douce Nuit, Sanglante Nuit que les Gremlins, en situant l’action durant les fêtes de Noël. Se greffe un humour noir (voire très noir) propres à ces productions, où il s’agit avant tout de maltraiter une période vendue comme joyeuse et charitable. Mais soyons honnêtes, ici cela reste avant tout une façade permettant de faire voler en éclats les conventions et jolies décorations de Noël, sans jamais retrouver la méchanceté intrinsèque de l’œuvre de Joe Dante par exemple. Leone fait plutôt office de sale gosse en dévoyant des codes (déguisement, repas de famille) et les parodiant à la sauce gore. Car finalement, notamment lors d’une séquence «terroriste» en pleine galerie commerciale, le film fait étonnamment preuve de retenue par rapport à l’orgie de tripailles enfantines qu’il aurait pu afficher. C’est davantage du côté du religieux et du sacré que le bonhomme se permet quelques subversions, avec une couronne d’épines christique tout en sang et en fureur façon Mel Gibson et une crucifixion des plus païennes. L’hyper mercantilisme de Noël a eu chaud au dépend d’une chrétienté à nouveau charriée.
Derrière ses qualités indéniables se cache cependant les mêmes tares que le volet précédent. Deux heures semblent encore de trop pour un récit avant tout axé sur les débordements graphiques et ses mises à mort. Quitte à se la jouer premier degré, il serait peut-être de bon ton de soigner un peu plus l’écriture. La partition de Sienna en traumatisée que personne ne croit tourne à vide, le retour du clown n’étant à aucun moment le fruit de sa seule imagination. Un ventre mou se dessine, entre une première partie menée tambour battant, et un dernier acte qui réunit enfin ses personnages pour un carnage dantesque. Ces quelques temps faibles viennent nous rappeler que les Terrifier ne sont pas des réussites d’équilibre, à cause de certaines lourdeurs, d’expositions qui traînent en longueur et d’un montage en manque total de rythme à certaines occasions.
Mais heureusement pour les fans d’Art le Clown, Terrifier 3 se rattrape par une générosité inattaquable à l’écran. Si aucune séquence n’atteint la brutalité tétanisante de celle de la chambre dans le second volet, le film multiplie les exactions et les répartie de façon plus harmonieuse tout au long du visionnage. Techniquement les effets sont bluffants et les mises à mort inspirées ; d’un dépeçage de crâne à mains nues à un couple charcuté à la tronçonneuse, en passant par des démembrements en tout genre, une face gelée explosée à coups de marteau et des saignées incisives, le fan de splatter en aura pour son argent. Rajoutez un clown maléfique qui s’en donne à cœur joie en contrepoint, avec ses mimiques excentriques, sa gestuelle burlesque et ses nombreuses insolences, et vous obtenez un défouloir gore irrévérencieux et ô combien jouissif. Vivement Art en Lapin de Pâques !