Réalisateur : Damien Leone
Année de Sortie : 2013
Origine : États-Unis
Genre : Film à Sketchs
Durée : 1h23
Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 6/10
Un Clown pas comme les autres
Si Terrifier 3 en est le rejeton le plus sophistiqué, toute la saga est l’exemple d’un système D créateur, ingénieux, souhaitant renouer avec des racines gores, insolentes et mal élevées (Street Trash, Toxic Avenger). Terrifier, c’est avant tout le parcours d’un touche à tout ultra-inventif en la personne de Damien Leone. S’occupant aussi bien de la réalisation que du montage et de la musique, il développe un véritable savoir-faire en ce qui concerne les effets spéciaux, notamment sanglants. Comme de nombreux apprentis cinéastes, il profite de la démocratisation des outils cinématographiques des années 2000 pour réaliser ses propres productions. Il se fait remarquer dès son premier court-métrage, Le 9e Cercle, où des créatures démoniaques investissent les sous-terrains urbains pour sacrifier de jeunes femmes innocentes. Proposant déjà quelques mutilations bien senties, c’est surtout son clown maléfique, farceur et brutal qui marque le public. On lui conseille de persévérer avec cette figure atypique, à défaut d’être foncièrement originale : une longue liste de clowns meurtriers et psychopathes a déjà œuvré pour le 7e art (Ça, Balada Triste).
Il enchaîne ainsi avec un second court, le bien nommé Terrifier, où après avoir retravaillé le design de son boogeyman, il lui livre en pâture une conductrice isolée et un gérant de station service. Plus loufoque et au look quasi final, Art livre sa première vraie interprétation, torturant ses proies autant physiquement que psychologiquement. Il renoue de facto avec les codes du slasher mais en se dotant d’exécutions bien plus sanguinolentes. Acclamé en festival, un producteur lui propose de transformer l’essai en long-métrage à sketchs. Petite astuce de filou, All Hallows’ Eve est en réalité constitué de ces deux premiers essais (l’image numérique cheap du 9e Cercle en est la preuve), auquel vient se greffer un fil rouge et un nouveau segment.
Ce fil rouge, c’est une baby-sitter qui cède face à l’insistance de deux morveux dopés au sucre des friandises d’Halloween, et diffuse une cassette VHS mystérieuse retrouvée au fond du sac à bonbons. S’inspirant du principe de la saga VHS, qui en est à ses balbutiements en 2013, se met en place une mise en abîme sur notre rapport à la violence, à l’horreur et aux sensations fortes. Bien qu’habitués aux images violentes visibles sur le net, comme le rappelle la plus jeune, la vision de films horrifiques fait toujours son petit effet. La gamine est terrifiée par le clown du 9e Cercle et sa possible apparition dans le réel. Se dessine dès lors tout l’enjeu du programme, discerner le vrai du faux, le réel du fictif. Et même davantage, ces barrières existent-elles vraiment ? Leone conclura de manière assez brillante, lorsqu’Art le clown surgira en plein milieu du foyer, faisant fi des dimensions, et livrant ainsi une fin aussi cruelle que mordante.
Au final, c’est le nouveau segment le plus faible de l’ensemble. Sorte de home invasion à la sauce Tommyknockers, Leone ne parvient pas à créer la tension nécessaire pour ce genre d’exercice, pas aidé par un envahisseur au look cheap et dégingandé. Son seul mérite sera d’affirmer la présence d’Art à travers une peinture des plus dérangeantes. A l’instar des deux autres segments, il permet surtout à son réalisateur de rendre hommage aux différents pans horrifiques qui ont forgé sa cinéphilie. Si le court Terrifier rend donc hommage au slasher, il n’oublie pas la mouvance grindhouse en dégradant volontairement sa pellicule, à l’instar du Planète Terreur de Rodriguez, ainsi que le gore façon Lucio Fulci, L’Au-Delà en tête. Une dernière référence déjà présente dans son premier court, clairement, avec ses monstres des enfers qui renvoient tout autant au Cabal de Clive Barker.
Un fanatisme qui permet une efficacité certaine, mais qui limite forcément la portée de l’œuvre. Terrifier, par ses choix plus originaux et provocateurs, va tracer la route du cinéma de Leone pour les années à venir. En revigorant le slasher, un genre très 80’s, via des débordements gores outranciers et un humour aussi noir que le cœur de son antagoniste, le film marque le coup d’envoi de la saga. Sorte de gros brouillon furibard, il verra nombre de ses idées réutilisées dans les épisodes suivants : la tension électrique défaillante le sera à nouveau dans le premier opus chez le légiste, la pancarte «circus» brandie par Art sera accrochée à une victime à l’avenir, le visage scarifié ici deviendra celui de Vicky ou encore le grand sac poubelle rempli de ses instruments de mort comme marque de fabrique. On peut continuer en évoquant le démembrement d’enfants déjà présent en 2013, qui fera le sel du troisième opus dix ans plus tard.
Surtout, Damien Leone parvient à créer un nouveau visage du cinéma d’horreur, exercice ô combien compliqué parmi les prétendants arrivant chaque année et face à ceux légendaires déjà inscrits au panthéon de la pop-culture. La réussite tient à cet équilibre subtil entre l’expressivité de certaines figures iconiques, tels Freddy ou Chucky, jamais avares de saloperies, et le côté taiseux d’un Myers ou d’un Jason. Art apparaît comme anachronique, sorte de monstre muet opérant au cœur d’un monde parlant et vivace. Son silence et ses moues improbables distillent rapidement le malaise, créant une incommunicabilité souvent mortelle. Si de base la figure du clown, oscillant en permanence entre rires et larmes, crée une certaine incompréhension, en frôlant sans cesse la limite de la vulgarité le nouveau boogeyman n’en apparaît que plus terrifiant. Héritier aussi bien du grand guignol que du gore splatter, Art le clown n’est rien de moins qu’un auguste massacrant et une nouvelle figure horrifique à en devenir.