Réalisateur : Jonathan Mostow
Année de Sortie : 2009
Origine : États-Unis
Genre : Thriller Paranoïaque
Durée : 1h29
Thibaud Savignol : 5/10
Body Double
L’histoire de Jonathan Mostow c’est celle trop commune dans la Cité des Anges où un seul échec vous envoie au tapis, quasi définitivement. Repéré dès son deuxième long-métrage Breakdown, sorte de relecture de Duel avec Kurt Russel en chauffard sadique, qui récolte succès public et commercial, le réalisateur s’impose comme un solide artisan dans le paysage hollywoodien. Il enchaîne avec l’efficace U-571, avant de récupérer le projet beaucoup plus risqué du troisième épisode de la saga Terminator. Loin de la maestria aussi bien technique qu’inventive de James Cameron, il propose néanmoins un actionner efficace, trop longtemps boudé, qui avait ramassé un joli pactole au box-office en 2003. Mêlant habillement gros flingues et science-fiction, il apparaît comme le choix logique à l’adaptation du roman graphique Surrogates de Robert Venditti.
Dans une société futuriste proche, les clones font désormais parti du quotidien, et ont même définitivement pris notre place. Les êtres humains restent terrés chez eux, dans leur chambre, connectés à leur doublure, vivant par procuration l’entièreté de leur existence. Seule une partie marginale de la population s’est réfugiée dans des réserves aux quatre coin pays pour continuer à vivre sans les machines. Alors que le système bénéficie d’une sécurité infaillible, deux individus dont les clones ont été tués sont retrouvés morts à leur domicile. Il n’en faut pas plus aux officiers Tom Greer (Bruce Willis) et Jennifer Peters (Radha Mitchell) pour mener l’enquête et commencer à déranger les plus hautes instances.
Clairement, la première moitié du film fonctionne à plein régime, enchaîne les idées excitantes sur le papier, dévoilant progressivement les particularités d’une vie reléguée à une doublure. Elle met en avant l’aboutissement des dérives superficielles d’aujourd’hui, où l’on préfère incarner un être parfait, jeune éternellement, en toc, plutôt que d’affronter les affres du temps et se montrer tel que l’on est vraiment. Les clones sont évidemment boostés physiquement (force, vision, agilité) et relookables à l’infini. Et libéralisme oblige, se déclinent sous toutes les formes, pour toutes les bourses. Bien que la criminalité soit en chute libre (les clones se réparent), les mécaniques de pouvoir persistent et chacun reste à sa place.
Là où le bat blesse, c’est que le film n’approfondit jamais véritablement ses thématiques. Une fois tous les éléments en place, le scénario n’apparaît que comme un produit calibré de blockbuster à 80 millions de dollars, où l’on se doute du rôle de chacun et des directions qui vont suivre (les plus malins devineront sans mal le twist final). L’enquête progresse de façon machinale, laissant de côté toutes les possibilités qu’un tel pitch aurait pu permettre, préférant le polar complotiste traditionnel. Bien que mono-expressif, Bruce Willis remplit correctement le job grâce à son charisme légendaire, à une époque où il était encore capable d’aligner correctement deux phrases sans bégayer.
Si le final paraît expédié et assez ridicule dans son exécution (le geekos des années 2000 et son ordinateur magique), en bon faiseur (ce n’est pas péjoratif) Mostow parvient à constamment dynamiser sa mise en scène, évitant tout bâillement du spectateur. Et à défaut de proposer une résolution un tant soit peu originale, le metteur en scène confirme sa solidité technique à travers des séquences d’action plutôt réjouissantes. Sa caméra s’envole, décadre, se place souvent au cœur de l’action et se veut vivante à la manière de celle d’un McTiernan. Pour légitimer sa dystopie, il s’inspire d’une photographie et d’un étalonnage à la Tony Scott, le sur-découpage expérimental de Man on Fire et Domino en moins. Avec cette granulosité propre à la pellicule (le film est shooté en 35mm), les couleurs apparaissent saturées à l’excès, dans un univers justement très pop et bigarré, reflet d’une superficialité où l’ancrage humain à disparu, au profit d’un bel emballage publicitaire.
2009, c’est également l’année de sortie d’un certain Avatar, littéralement l’appellation de nos doublures dans un monde numérique. Après une décennie d’essor du jeu vidéo, où certaines personnes mal intentionnées l’accusaient de créer une action par procuration, notamment avec le cas Second Life, le 7e art s’empare de ce sujet pour à son tour se positionner. Tandis que Cameron n’y voyait pas une altérité mais une nouvelle façon d’exister, on ne peut pas en dire autant de Clones, qui à travers un Bruce Willis larmoyant sans cesse sur l’absence de sa femme et de clones au comportement débile, prend plutôt la direction opposée. Le film évite de justesse le discours réac anti-progrès primaire, en présentant le grand méchant anti-clones sous un mauvais jour. Il reflète encore une fois la défiance occidentale envers les avancées technologiques, plutôt que de penser une véritable éthique Homme/Machine en dehors de tout jugement, comme l’a toujours si bien fait l’animation japonaise.