Réalisateur : Eduardo Sanchez
Année de Sortie : 2008
Origine : États-Unis
Genre : Horreur
Durée : 1h27
Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 6/10
Quand le sage montre la lune …
Difficile pour Eduardo Sanchez d’abandonner la forme cinématographique qu’il l’a rendu célèbre. Réalisateur du Projet Blair Witch avec son ami Daniel Myrick en 1999, le voici de retour neuf ans plus tard avec un nouveau film d’horreur. Responsable d’Altered deux ans plus tôt, où il s’essayait à un filmage plus traditionnel, il réinvestit ici le Found footage dans un geste radical qui ne plaira pas à tout le monde. Suivant un jeune couple profitant de sa lune de miel au cœur de l’Empire du Milieu, Sanchez en profite pour mettre en avant une culture fantastique chinoise trop méconnue en Occident. Perdus au milieu de nul part une fois abandonnés par leur chauffeur de taxi en pleine nuit, les deux tourtereaux vont devoir fuir ce qui se produit lors de la septième pleine lune de l’année. Le folklore local est mise en avant à travers ces légendes chinoises où une fois dans l’année les mondes des morts et des vivants rentrent en collision.
Sanchez réinvestit donc la forme du Found footage mais en ôtant la caution réaliste propre à ce genre codifié. Ici personne ne tient la caméra, aucun protagoniste n’est le relais entre l’image filmique et le spectateur. La mise en scène adopte un style au caméscope heurté sans autre justification que le choix de son réalisateur, jouant ainsi dangereusement avec la suspension d’incrédulité. Pourtant, pour qui fait l’effort d’accepter la démarche, le dispositif se révèle pertinent, plongeant le spectateur au sein d’une réalité tangible et effrayante. Loin de s’arrêter en si bon chemin, le metteur en scène radicalise sa démarche avec une image ultra sombre et sacrément secouée, comme miroir du vécu des personnages. Pas de bois éclairés par on ne sait quelle source lumineuse magique, ici on ne voit parfois quasiment rien. La caméra se colle aux visages de ses victimes, rendant l’action confuse à la limite de la lisibilité, et même carrément illisible lors de certaines séquences. Pour ceux qui trouvaient que Blair Witch s’agitait déjà beaucoup trop dans tous les sens, l’expérience n’est pas spécialement recommandée.
La forme est poussée dans ses retranchements, à la limite de l’expérimental. L’immersion sensitive est le maître mot en vue de recréer la panique et la confusion propre à une situation d’horreur et d’angoisse. Et en terme d’horreur, bien qu’au final assez sage, le film regorge de quelques séquences hautement stressantes, à base de poursuites infernales dans la campagne chinoise et d’étranges créatures assoiffées de chair humaine. Mention spéciale pour la direction artistique du film, qui tire parti d’un budget qu’on devine ridicule pour proposer une ambiance mortifère, où les maisons lugubres faisant office d’autel donnent le frisson. Mais arrivé aux deux tiers le film accuse un méchant coup de mou, cherchant à justifier son lore, brisant son rythme effréné et relançant le dernier acte de façon assez artificielle et convenue.
Les dix dernières minutes repartent cependant de plus belle avec une antre du Mal tout en sobriété mais diablement efficace et une ultime séquence à la poésie surprenante, qui conclut de manière apaisée ce récit nocturne. Plus faible et moins impactant que le mètre étalon Blair Witch, Septième Lune permet à Eduardo Sanchez de pousser plus loin les expérimentations du Found footage. Se débarrassant du besoin diégétique de crédibilité, il peut s’essayer à une image toujours plus abstraite et extrême, qui sera sûrement pour les cinéphiles ce que la musique bruitiste est aux mélomanes.