Réalisateur : Geoff Murphy
Année de Sortie : 1992
Origine : États-Unis
Genre : Saut Dans le Temps
Durée : 1h50
Thibaud Savignol : 5/10
Il est liiibre Jack
Freejack démarre sur les chapeaux de roue. Une course de proto-formules 1 répond à un cortège militaire prêt à en découdre. Introduction un tantinet confuse qui a le mérite de ne pas lambiner en exposition inutile et de plonger rapidement ses spectateurs au cœur de l’action. Alors que le pilote Alex Furlong fonce tête baissée en esquivant ses rivaux, les camions militaires arrivent sur le circuit en question, mais celui-ci est abandonné, jonché de ferraille en tout genre. En réalité, deux époques sont en train de se télescoper. Furlong s’accroche avec un autre véhicule et s’apprête à percuter un pont à toute vitesse. Alors que son véhicule explose, il se retrouve téléporté dans l’un des véhicules du convoi, sain et sauf, aux mains d’une équipe médicale peu rassurante. Ces hommes du futur ne sont pas là pour le sauver, mais pour le capturer et revendre son corps à un riche acquéreur. Furlong est ce qu’on appelle dans le futur de 2010 (le film date de 1992) un Freejack. Des gens capturés dans le passé, qui s’apprêtaient à disparaître, pour ensuite revendre leur enveloppe charnelle à de vieux croulant ou des hommes condamnés, afin de conserver leur esprit en le transférant dans une carcasse intacte.
Mais derrière un telle introduction, se cache un film beaucoup trop paresseux, incapable de transcender de tels enjeux. Arrivé dans le futur, pourchassé par des mercenaires surarmés qui veulent sa peau, Alex bénéficiera immédiatement de la sainte bénédiction du scénario. Le script repose sur plusieurs facilités et un nombre de Deux Ex Machina hallucinant. Dès la première rue qu’il parcourt, le protagoniste se retrouve face à l’ancien appartement de sa copine, pourtant parachuté au cœur d’une ville de plusieurs millions d’habitants. Désormais habité par un autre couple, la réalité lui saute violemment au visage : il vient d’être projeté dans le futur, même ville mais autre époque. Une annonce à faire perdre la raison à n’importe quel individu normalement constitué. Mais Furlong, interprété par Emilio Estevez, le frère de Charlie Sheen, est un homme d’une autre trempe. Peu réactif face à l’extraordinaire de la situation, il remuera ciel et terre pour retrouver sa bien aimée, ni plus ni moins. Comment croire qu’un tel saut dans le temps ne retourne pas l’estomac et l’esprit de son protagoniste ? Difficile d’adhérer au parti pris du film, qui esquisse un futur dystopique et son fonctionnement de manière trop superficielle malgré le potentiel affiché. S’ensuit alors une course contre la montre pour échapper à ses poursuivants, sauver sa princesse et délivrer le monde des diaboliques corporations.
Tout n’est pas à jeter non plus. Réalisé par Geoff Murphy, repéré pour Utu dix ans auparavant, on perçoit une certaine maîtrise pour faire progresser son récit, maintenir la menace et enchaîner les péripéties. Quelques séquences ont de la gueule, les véhicules customisés dégagent une véritable puissance et Mick Jagger en impose en bad guy. Entraîné par une Renée Russo énergique, on ne peut pas en dire autant du mollasson Emilio Estevez. Il n’a clairement pas la carrure ni le charisme pour ce genre de rôle, pour rendre crédible la transformation d’un sympathique pilote de course en machine à survivre. Heureusement pour lui et sa compagne, ils ont été bénis (bis) par les scénaristes : lieux localisés immédiatement, alliés tombant à pic et informations chanceuses. Le récit donne l’impression d’être en pilote automatique, esquivant les situations périlleuses pour foncer en ligne droite vers son climax, proposant les passages obligés à toute chasse à l’homme, mais expurgés de la moindre tension. Le climat Cyberpunk s’illustre par quelques costumes, décors, prototypes et la classique scène de boîte de nuit. Mais reste plus une toile en arrière fond, avant tout prétexte à l’action et une ligne directrice au final archi-classique.
Adapté du roman Le Temps meurtrier de Robert Sheckley paru en 1959, la dernière partie renoue avec ses racines littéraires et sauve in extremis le long-métrage du naufrage complet. Confrontant enfin ses protagonistes à leur menace, les personnages s’opposent à celui qui tire les ficelles. D’allié, il devient leur fossoyeur. La technologie qui fait des hommes du passé des Freejack est révélée, mise en scène par une bouillie numérique naissante digne de son époque. La traque est terminée, chacun peut dorénavant être heureux dans le futur. Grâce à son concept et son rythme le film parvient à maintenir notre intérêt, à défaut d’éveiller davantage. Quand de la science-fiction reste seulement de la fiction.