Réalisateur : Patrick Brice
Année de Sortie : 2014
Origine : États-Unis
Genre : Terreur Psychologique
Durée : 1h22
Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 5/10
Les Louvoiements d’un Mourant
Ils ont tout vu, tout vécu et savent faire mieux que tout le monde, ils ont vécu des histoires rocambolesque, ils sont admirés de toutes et de tous, leur vie est passionnante à écouter, tellement dingue que la vôtre à côté n’a qu’un goût de cendres. Pourtant quelque chose cloche, vous êtes persuadés de l’avoir déjà entendu quelque part, pire il se met à vous rabaisser devant votre bonne femme et à vous donner des leçons, mais comment fait-il donc pour être aussi génial dans tout ce qu’il entreprend ? Vous y êtes presque… Bingo, vous êtes tombés sur un gros mytho. La mythomanie, c’est cette maladie qui pousse les gens à ne raconter que des conneries, chose que l’on commet soit même parfois pour impressionner la galerie. Ces gens qui ne sont pas comme nous autres, ne vivent pas dans le même niveau de réalité, ne savent pas ce qu’est le malheur. Ils n’ont pas le recul inhérent à cette petite vie minable de prolo, enfermés dans leur déni narcissique et leurs fabulations, ils exploitent toute notre attention pour se sentir supérieur, nourrir et amplifier leurs délires. Josef est typiquement ce genre d’ami toxique, un cas récalcitrant dont on ne se débarrasse pas si facilement une fois qu’il est rentré dans votre vie.
Avec son parti pris intimiste et minimaliste, Patrick Brice rappelle aux débutants qu’il n’y a pas besoin d’avoir beaucoup de moyens pour faire du cinéma. Cela demande néanmoins de revenir à l’essence même de ce qui fait naître l’horreur d’une situation et de savoir transmettre ce choc émotionnel au spectateur. Avec l’évolution des modes et des mentalités, la perception de ce qui fait le cinéma d’horreur a changé. Pourtant, s’il échappe à toute tentative de rationalisation, ce n’est pas le cas du Found footage qui témoigne d’une vraie fausse réalité selon laquelle le film serait l’ultime témoignage post-mortem de son protagoniste. Le sentiment de promiscuité induit par ces prises de vue captées sur le vif permet de décupler la sensation d’insécurité et de terreur qu’une mise en scène plus «traditionnelle» aura toujours plus de difficulté à retranscrire.
Le récit y évolue à la troisième personne (Il, le personnage), ce qui n’est pas le cas du Found-footage car l’objectif de la caméra opte généralement pour un point de vue subjectif, pour lequel on accepte sciemment de se prêter au jeu. En retour, le réalisateur aura la charge de ne pas heurter la suspension d’incrédulité, et de ne pas trahir sa propre diégèse, faute de quoi, le résultat sera un cuisant échec. Si ce nouvel Eldorado aura ouvert la voie à de très nombreux escrocs, il n’est parfois pas motivé que par l’argent, peut servir un propos intelligent sans avoir recours à des effets racoleurs et même susciter la peur. Creep fait justement exception en s’intéressant aux louvoiements d’un mourant.
Aaron (Patrick Brice) est recruté par un riche excentrique pour réaliser un journal vidéo destiné à son futur enfant. Josef se livre sans retenue parce qu’il prétend être atteint d’un cancer incurable, ce qui lui permet de tout faire et de dire tout ce qui lui passe par la tête. Cet individu vivant reclus dans la forêt semble difficile à cerner, son attitude lunatique et extravagante peut amuser, mais elle questionne, surtout lorsqu’il s’amuse à se cacher derrière des rochers pour effrayer le caméra-man dans les bois. On mettra cela sur le compte de la tumeur qui doit lui chatouiller le cortex cérébral.
Mais dans l’euphorie de ses rapports cordiaux et amicaux, la situation va quelque peu s’envenimer lorsqu’il va se mettre à lui confier ses secrets les plus inavoués, telle que sa lubie d’arborer un masque en chantant des comptines pour enfant, ou bien d’avoir violé sa femme à une rare occasion. De quoi légèrement se sentir gêné, voir même horrifié par ces révélations, d’autant que l’hôte s’avère être quelqu’un de très envahissant. Si Josef se complaît à se comparer à un loup, ce n’est certainement pas que pour sa dévotion en amitié mais également pour sa férocité bestiale lorsqu’il s’estime trahi. Et d’une certaine manière, la réaction épidermique d’Aaron de prendre ses jambes à son cou et d’ignorer sciemment ses simulacres le pousseront à le harceler quotidiennement.
Creep ne fait pas vraiment dans le sensationnel ou le train fantôme de fête foraine. Il vise plutôt à dresser l’analyse comportementale d’un ermite pas net qui profite de l’empathie de ses victimes pour mieux les piéger. En résulte un sentiment de malaise permanent et de tiraillement entre la compassion de voir cet homme souffrir de son isolement et la culpabilité de l’abandonner à son sort, même si le doute subsiste sur ses véritables intentions, notamment lorsqu’il se met à délirer complètement. Si l’ombre du survival façon Wolf Creek planera longtemps sur le film, le réalisateur cherche clairement à nous surprendre en faisant preuve d’une retenue singulière. Malgré tout, ce témoignage ne pouvait s’achever que par une boutade machiavélique et redoutable, lui laissant l’opportunité de constituer une nouvelle saga horrifique. Avoir de bonnes idées et les meilleures intentions n’empêche pas de franchiser après tout.