Réalisateur : Pete Travis
Année de Sortie : 2012
Origine : États-Unis / Royaume-Uni / Inde
Genre : The Raid du Futur
Durée : 1h35
Thibaud Savignol : 6/10
Evil Dredd
Comme le titre l’indique, Dredd est une relecture déguisée du petit bijou de Gareth Evans. Sorti un an plus tôt, The Raid a décroché la mâchoire de plus d’un spectateur à travers le globe. Pas étonnant qu’il devienne une source d’inspiration pour des projets étiquetés action. 17 ans après une première adaptation qui laissa un goût amer en bouche, autant pour les fans du comics que pour les néophytes, Judge Dredd est de retour sur grand écran. Fini le côté grand guignol tout public. Le juge est cette fois de retour pour exploser des crânes et briser des clavicules.
Alors qu’il doit former une nouvelle recrue, Dredd se voit appeler dans le district de Peachtrees suite à un triple homicide. Immense immeuble de deux cents étages, sorte de bidonville vertical regroupant plus de 75 000 âmes, le lieu est avant tout le repère d’un nouveau gang aux méthodes peu orthodoxes. Quelques minutes après après leur arrivée, alors qu’ils embarquent les coupables, de gigantesques rideaux de fer cloisonnent l’accès au bâtiment. Impossible d’y entrer ou d’en sortir. Le piège vient de se refermer, il va falloir lutter pour survivre. Deux ans avant de réaliser Ex Machina, Alex Garland livre ici son quatrième scénario (28 jours plus tard notamment), qui sous l’égide de Pete Travis se transforme en actionner testostéroné ultra-violent.
Au-delà de ces premiers éléments mis en place, la suite ne laisse que peu de doute quant à l’affiliation qu’entretien le film avec la pépite indonésienne. Dredd et sa coéquipière vont devoir gravir les étages pour atteindre le cœur de cette mafia locale. Leur ascension est entravée par des hordes de résidents lancées à leur trousse contre la promesse d’un accès aux étages supérieurs, plus huppés. Accompagnés par un détenu, tout comme Rama se coltinait un collègue amoché, le duo profite d’un moment de répit chez l’un des locataires de l’immeuble. Le film n’hésite ainsi pas à plusieurs reprises à singer son homologue indonésien, jusqu’à la mise en scène d’un immeuble délabré où vivent les plus démunis de Mega-City One, ou en installant des laboratoires de fabrication d’une drogue qui fait des ravages sur la population.
Cette nouvelle drogue, la Slow Mo, permet au réalisateur Pete Travis et à son équipe des effets visuels de profiter des toutes dernières avancées technologiques. Les séquences qui voient des personnages user de cet opium 2.0 sont filmés au ralenti, à une cadence de 4 000 images secondes (!). Littéralement l’effet du produit, la sensation de suspension du temps a rarement été aussi magnifiée au cinéma. Couplée à une sur-colorisation de l’image et des effets numériques rajoutés en post-production, l’impact visuel est celui d’un vrai trip sensitif. On pense à du Gaspar Noé sous acide (c’est dire), période Enter the Void.
De l’aveu des techniciens, le but de ces passages, au-delà d’illustrer les effets en eux-même (une drogue qui ralentit la perception du temps), est de comprendre ceux qui l’utilisent. Plombés par un environnement précaire, violent et sans espoir, le Slow Mo s’apparente à une pause face aux maux de leur quotidien. Sûrement sincères dans leur justification, ces séquences sont avant tout motivées par une pulsion geek et non sociétale, permettant de coller aux plus près des vignettes du comics d’origine. On regrette que ce rendu ne soit pas plus utilisé par la suite. Car ces moments suspendus dans le temps, stylisés à outrance, créent un décalage inédit, convoquant deux régimes d’images aux antipodes comme symbole d’une incommunicabilité mortifère.
Inscrit dans un univers cyberpunk déliquescent et fidèle à ses codes, la figure autoritaire de Dredd se voit contre-balancée par l’aspirante Anderson, mutante télépathe. Cherchant à améliorer le monde par ses propres moyens, à hauteur d’homme, elle est le contre-point parfait à la justice expéditive de son coéquipier. Une violence graphique et décomplexée qui renoue avec les origines de la bande dessinée : les têtes explosent, le sang gicle et chaque impact de balle déchire les chairs en profondeur. Mené par un Karl Urban mono expressif mais diablement charismatique derrière son casque de juge, et dont le visage ne sera jamais révélé cette fois-ci, Dredd est une série B bourrine qui fonce tête baissée pendant 90 minutes. Malgré quelques difficultés à renouveler ses enjeux dans sa dernière partie, l’efficacité prime sur l’ennui, proposant aux amateurs d’action burnée un spectacle des plus réjouissants. Relecture plus ou moins déguisée du monstrueux The Raid sorti l’année précédente, le long-métrage parvient à créer sa propre identité par ses visuels novateurs et des gunfights sans concession. La loi, c’est lui !