[Critique] – Ghost in the Shell


Ghost in the Shell 2017 Affiche Film

Réalisateur : Rupert Sanders

Année de Sortie : 2017

Origine : États-Unis / Inde / Hong-Kong / Chine / Canada

Genre : Science Fiction Métaphysique

Durée : 1h47

Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 6/10


Panne d’Essence


Dès sa sortie le film fait polémique pour un supposé Whitewashing ; l’actrice caucasienne Scarlett Johansson constituerait une trahison vis à vis du Major Motoko Kusanagi, protagoniste 100% japonaise. Ce qui pourrait poser problème pour une œuvre historique ou contemporaine l’est beaucoup moins en vue d’une œuvre de science-fiction, et notamment en ce qui concerne un univers cyberpunk. Le transhumanisme est au cœur du genre lui-même, et questionne en permanence notre rapport au corps et à l’identité. Ainsi, quand une personnalité est enfouie dans ce corps de synthèse, c’est au-delà de la notion de nationalité ou d’ethnie. Récupérée d’un corps sans vie, la conscience est transposée dans ce simulacre de chair et de métal, qui n’est qu’un modèle standard parmi tant d’autres. Alors oui, il se trouve qu’elle est blanche, mais c’est bien toute l’ambiguïté du propos et peut être la seule réussite thématique du film, la seule évolution technologique qu’il transcende : recomposer notre identité au-delà des cultures pré-établies.

Ghost in the Shell 2017 Critique Film Scarlett Johansson Cyberpunk

En dépit d’une réussite visuelle et sonore incontestables, le scénario proposé par cette adaptation affiche rapidement de sérieuses limites. Dès son introduction, le spectateur est pris par la main dans un monde apparemment trop abstrait pour le commun des spectateurs. Sorte de «Cyberpunk pour les nuls», chaque procédé, chaque habitude est soulignée par des dialogues sur-explicatifs. Fini l’aridité du film de 95 qui incitait à la réflexion et stimulait l’imaginaire. Chaque zone d’ombre doit être éclairée et le récit perd énormément en complexité. Bien qu’il s’évertue à mêler deux intrigues au sein de la même ligne narrative, la simplicité des enjeux apparaît comme un frein aux possibilités infinies d’un univers en constante mutation. Alors que le Major poursuit un dangereux cybercriminel aux agissements troubles, elle ne cesse de s’interroger sur son passé, son existence reposant sur un esprit greffé dans un corps intégralement bionique. Au-delà d’un script simplifié, qui remplit son office même si il n’est jamais brillant, c’est l’aspect philosophique de l’œuvre originale qui pâtit véritablement d’une écriture américanisée.

Ce changement de paradigme, plus largement, illustre des visions diamétralement opposées vis à vis de la technologie de part et d’autres du Pacifique. Chez Mamoru Oshii, cette dernière n’apparaît jamais vraiment néfaste ou positive, elle est seulement un critère de plus dans l’évolution de l’humanité. Elle se pose comme une étape inévitable avec laquelle il faudra composer à l’avenir. Toute la progression dramatique du film se greffe aux questionnements internes de son personnage, le Major Kusanagi, perpétuellement tiraillée entre sa condition artificielle et la persistance ou non d’un semblant d’humanité. A l’inverse, chez Sanders, le corps du Major n’est qu’une extension artificielle dont le personnage s’accommode rapidement, préférant enquêter sur un passé envahissant, se raccrochant ainsi définitivement à sa part humaine sans jamais embrasser son double synthétique. Il y a comme une régression face au progrès, une mise en garde des possibles dérives technologiques, la conclusion positionnant notre humanité comme fer de lance inaltérable.

Oshii de son côté ne cesse de mettre en scène une évolution inexorable, jusqu’à cette immense arbre généalogique trônant sur un mur dans le hangar lors du climax, comme symbole d’une espèce obligée d’évoluer pour survivre. Une idée sublimée durant les derniers instants du film, lorsque la fusion totale est amorcée entre le Major, corps bionique aux réminiscence d’humanité, et cette nouvelle intelligence artificielle consciente d’elle-même. Des réflexions poussées à leur paroxysme dans le second Ghost in the Shell, peut être plus inégal, mais aux vertiges philosophiques rarement égalés.

Sanders paraît sincère dans sa démarche, mais peu aidé par un scénario beaucoup trop superficiel en regard des nombreux enjeux explorés par l’œuvre originale. Sa patine visuelle remarquable et le jeu incarné de Scarlett Johansson ne permettent pas de faire l’impasse sur un script trop linéaire et une dimension philosophique en contresens total. Ce cru 2017 se positionne alors plutôt comme une porte d’entrée vers un univers cyberpunk et une franchise immensément plus riches. Et c’est peut être déjà pas si mal.

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