Réalisateur : Zhào Jí
Année de Sortie : 2021
Origine : Chine
Genre : Animation
Durée : 1h56
Thibaud Savignol : 6/10
Les Dieux sont tombés sur la tête
Les films abordant la mythologie paraissent souvent hermétiques pour le public occidental : abondance de personnages aux noms complexes, background peu ou pas explicité et débauche d’effets visuels colorés peu coutumière par chez nous. New Gods : Nezha Reborn ne déroge pas à la règle, mais son parti pris animation jeunesse rend les enjeux de cette nouvelle adaptation de L’Investiture des Dieux plus compréhensibles, en resserrant notamment sa galerie de personnages. Plus besoin d’une licence en langue option mythes chinois, bien que les nombreuses références qui parcourent le récit nous passe sûrement en partie au-dessus de la tête.
On peut noter la présence du Roi Singe, déjà entrevu dans différentes adaptions sorties dans nos contrées et personnage principal de Black Myth : Wukong pour les plus gamers d’entre vous. Acteur phare de La Pérégrination vers l’Ouest (on pense aux Journey to The West de Stephen Show et Tsui Hark), il est ici l’allié ambigu du protagoniste Li Tunxiang, réincarnation de l’ancien dieu destructeur Nezha. Une fois conscient de l’entité qui l’habite, le jeune héros va devoir affronter d’autres dieux en colère qui ont soif de vengeance suite aux événements survenus trois mille ans auparavant. Réincarnations, combats de divinités cosmiques et enjeux mythologiques, pas de doute, on est bien face à du cinéma de divertissement chinois calibré pour les multiplexes.
Pourtant, lorsque l’on a pas spécialement regardé les images, bandes annonces ou le synopsis du film, les vingt premières minutes ne laissent pas augurer la déferlante de pyrotechnie qui va suivre. Jeune motard tête brûlé, Li Tunxiang galère à joindre les deux bouts, et se retrouve à jouer les contrebandier à la petite semelle. Pour dépeindre son univers où la populace manque d’eau face à des richards toujours aussi désintéressés et énergivores, New Gods tente de fusionner le cyberpunk à son cousin steampunk. Le premier pour son futur dystopique, violent et sans espoir, le second pour une esthétique des décors, des costumes et des armes très typé révolution industrielle, soit le propre du genre.
Un mélange inattendu qui détonne et parvient à imposer une patte singulière. On ne peut pas en dire autant de l’animation, qui varie du grandiose au grossier. Alors que les combats remplissent le cadre dans des jeux d’échelles parfois saisissant aux couleurs éclatantes, les moments de calme semblent assez creux, pas aidés par un chara design très sommaire, qui peine à iconiser ses protagonistes. Tout le film pâtit ainsi de cette dualité, où des décors parfois fabuleux parviennent difficilement à exister en dehors des affrontements titanesques que se livrent une batterie de dieux méchamment rancuniers.
L’autre particularité du long-métrage, est de mixer une somme d’influences assez dingues, ce qui en fait à la fois sa force et sa faiblesse. On pense par exemple au premier Iron Man lorsque le héros fabrique son amure (rouge, évidemment) pour contrôler ses pouvoirs, avec son montage d’entraînement sur fond de hard rock. Une bande originale aux sonorités rock bien burnées parfois accompagnées de nappes électro, qui démultiplie l’impact des pugilats, à base de riffs tranchants et de soli mélodiques. On peut citer également l’influence des Minions (oui, oui) avec cette bande de petits singes mignons et gaffeurs, ou même l’improbable Ghost Rider lorsque Li Tunxiang dévore le bitume en feu sur sa bécane. Il y a même un peu du Disney d’antan lors d’un premier acte au final bien plus cruel que la majorité de ce type de productions.
Tout cela, sans jamais renier les origines chinoises du projet. Aux côtés d’influences américaines indéniables, s’affichent également le code génétique du cinéma de l’Empire du Milieu. Au-delà des nombreuses références culturelles propre à leur littérature, impossible de ne pas voir dans cette accumulation d’effets et d’efforts une filiation directe au cinéma du grand Tsui Hark. A l’image de presque l’entièreté de sa filmographie, la dernière partie libère toute l’énergie accumulée durant 1h30 lors d’un climax cathartique et jouissif au possible. Et surtout, comment ne pas penser en permanence à son superbe troisième opus de la saga Detective Dee, La Légende des Dieux Célestes, et ses combats mythologiques ancrées au sol, jamais déconnectés d’enjeux humains.
Pourtant, toute cette générosité ne saurait échapper à plusieurs écueils. Mélanger différents genres (cyber et steampunk), une animation inégale et un trop plein par moments d’influences rend le tout assez confus et frôle à plusieurs reprise l’overdose. Si on arrive à un tel extrême, c’est parce que le film rate en partie sa dramaturgie. Les enjeux sont révélés au bout de vingt-minutes, et à partir de là n’évoluent plus vraiment, si ce n’est une montée en puissance du personnage, de son antagonistes et plusieurs combats pour rythmée cette progression. Une durée de 2h qui n’échappe donc pas aux redites et apparaît par instant épuisante.
La structure même, très typée jeux vidéo, avec ses boss de plus en plus puissants à affronter, limite forcément l’impact émotionnel sur le spectateur. Une immersion émotionnelle en dent de scie qui rate parfois le coche, mais qui parvient à tout emporter lors de son dernier acte. Moins envoûtant et moins accompli techniquement que le Royaume des Abysses, New Gods reste un défouloir hautement recommandable, et par moments même terriblement jouissif. Pour terminer, on remerciera le générique de fin qui prévient les spectateurs que des scènes post-générique arrivent. Impossible de bouder son plaisir face à tant de bienveillance.