Réalisateur : Nima Nourizadeh
Année de Sortie : 2012
Origine : États-Unis
Genre : Soirée Apocalyptique
Durée : 1h28
Le Roy du Bis : 7/10
A Night to Remember
L’histoire est connue de tous : mettez des ados dans les bonnes dispositions, des gonzes, de la booze et du gros son, balancez-les dans une maison en l’absence des parents et vous la retrouverez sans dessus dessous. Organiser une fête c’est courir le risque que celle-ci dégénère, surtout lorsque des personnes mal intentionnées s’y invitent inopinément pour en profiter. Les jeunes n’ont pourtant pas attendu la sortie de Projet X au ciné pour baiser, sniffer de la colle, picoler, vandaliser, déféquer dans les piscines, arracher les poignées handicapés des WC, ou confondre l’utilisation d’un évier avec celui d’un bidet. À l’origine il y a d’abord un fait divers rapporté d’Australie, où un adolescent avait organisé une fête chez ses parents rassemblant plus de 500 personnes. Cette afflue de masse ne sera pas sans conséquence sur le voisinage et obligera les autorités à intervenir en hélicoptère.
Hollywood s’en est donc emparé pour capitaliser en y apposant comme souvent la mention «inspiré de fait réels» pour en garantir l’authenticité. Le producteur de Very Bad Trip y a surtout vu l’occasion de mettre en images ce que ces comportements irresponsables pouvaient engendrer de pire. Parmi les reproches qui lui ont étaient adressés, il y a son dispositif de mise en scène emprunté au Found footage qui était alors en vogue. La diégèse ne fera pas long feu et pour cause, le réalisateur n’a jamais eu pour ambition d’en livrer un véritable, mais bien d’en reproduire le point de vue immersif afin de construire un tout cohérent qui puisse restituer à la fois le sentiment de confusion et de chaos de l’événement, qui se déroule en temps réel juste sous nos yeux. L’utilisation de caméscopes et smartphones n’en sera que plus pertinent puisqu’ils mettent en lumière le narcissisme d’une génération, qui utilise ces outils comme un moyen de communication et de promotion pour accéder à une certaine notoriété.
Le succès du film déclencha alors un véritable phénomène sociétal sans précédent, ou du mois comparable à celui d’American Pie en son temps. La popularité se chiffre alors aux nombres d’abonnés sur les réseaux sociaux et c’est en faisant n’importe quoi que l’on devient quelqu’un, même si cela implique de mettre sa vie ou celles des autres en danger. Cet effet de mode fait néanmoins planer un voile d’inquiétude chez nos parents après que des journalistes s’en soient emparés, grossissant les traits et extrapolant sur le degré de transgression du film, le but étant de générer autant de clics d’indignation que ces mêmes jeunes cherchant à capter sur leur cellulaire un instant de gloire éphémère.
Projet X n’a jusqu’à présent jamais connu de suite au cinéma mais a finalement investi le champ du réel par la bêtise d’une poignée de fêtards qui se sont chargés d’en produire des suites et remakes, citant maladroitement le titre dans leurs inspirations destructrices. Il n’en fallait pas d’avantage pour soulever tout un tas de controverses et pour que le nom du film rentre finalement dans le vocabulaire, illustrant une fête qui dégénère. Dernièrement c’est une soirée en Meuse qui a vrillé, occasionnant 50 000 € de dégâts (des prises et radiateurs arrachées, des tags nazis recouvrant les murs, des excréments retrouvés sur les lits, etc.), faisant encore une fois la une de l’actualité. Le réalisateur nous épargne néanmoins la morale pontifiante, préférant laisser ses protagonistes s’exprimer dans cette frénésie récréative qui ferait passer les fêtes de Stifler pour une simple kermesse de cour d’école.
Projet X ne fait alors plus aucun mystère et n’aborde que superficiellement les thématiques du teen-movie (expérimentations adolescentes, rites d’initiation, dépucelage) pour se complaire dans un kaléidoscope de situations nonsensiques, de scènes trashs et jubilatoires qui tirent clairement leur inspiration de Jackass ainsi que des clips et émissions de télé-réalité de la chaîne MTV. La logique narrative est seulement dictée par ces sentiments d’exaltation dévastateurs et euphoriques, montant alors crescendo jusqu’à servir de catalyseur aux pulsions les plus refrénées (sexualité débridé, excès en tout genre et violence), qui finiront par éclater de concert et saccager tout le quartier résidentiel comme une forme d’énergie brut, identifiable par ses caisses de résonance, ses jurons («merde», «putain», «ah l’batard») ses pleurs, ses cris et ses dégueulis. Avec le recul des années le film a surtout l’effet d’une méchante gueule de bois, où l’on cherche encore à reconnecter le fil des événements de cette folle soirée d’été où tout a basculé : le nain balancé dans le four, la pluie d’ecstasy, la voiture immergée dans l’eau ou bien le pyromane qui ne s’est pas contenté d’allumer le feu mais bien de cramer nos derniers neurones. Les parents eux, n’auront plus que l’assurance vers laquelle se tourner.