Réalisateur : Irvin Kershner
Année de Sortie : 1990
Origine : États-Unis
Genre : Robot Justicier
Durée : 1h57
Le Roy du Bis : 5/10
Thibaud Savignol : 6/10
Murphy et la mécanique du cœur
Succès commercial oblige, une suite est rapidement mise en chantier pour profiter de l’effet Robocop. Les scénaristes originaux se mettent au travail, mais proposent un scénario jugé trop ample et impossible à produire avec un budget raisonnable. Le projet voyait Robocop se réveiller 25 ans plus tard, découvrant une Amérique où les grandes villes regroupent chacune une classe sociale distincte et où un entrepreneur mégalo envisage de privatiser le gouvernement national américain. Beaucoup trop ambitieux à mettre en scène avec 15 millions de dollars, une grève des scénaristes viendra éjecter définitivement Neumeier et Miner, laissant leur place à Frank Miller pour ses débuts au cinéma et à l’expérimenté Walon Green (La Horde sauvage, Sorcerer). Irvin Kershner complète le trio en urgence lors des dernières semaines de pré-production pour donner vie aux nouvelles aventures du flic robot.
Situé à nouveau dans la ville de Détroit, célèbre pour son déclin économique depuis les années 50, une nouvelle drogue fait son apparition tandis que l’OCP, monstrueuse corporation toujours aussi cupide, lance une opération de rachat de la mairie. Faisant encore une fois se rencontrer deux lignes scénaristiques, entre hautes sphères du pouvoir et déliquescences des rues américaines, Robocop 2 s’évertue à prolonger les thématiques de son aîné. Il aborde de front la privatisation galopante de la société au détriment des services publics.
Comment le contrôle de la force policière par une entreprise la rend soumise au bon vouloir de ses dirigeants, de ses actionnaires, et leur donne par conséquent le pouvoir d’influer sur la criminalité de la ville en fonction de leurs besoins économiques. L’OCP cherche à créer un nouveau cyborg sécuritaire en vue d’asseoir son contrôle sur Détroit, de faire plier la métropole à sa politique d’expansion et de rachat. Mais pour en justifier le contrôle, il faut bien des criminels à arrêter. Et ainsi le film, à l’instar du premier opus, de faire état de liens étroits entre les dirigeants économiques et le monde criminel, comme deux faces d’une même pièce pourrie par une corruption plus ou moins déguisée.
Dans sa seconde trame on retrouve Alex Murphy, le Robocop en question, encore tourmenté par la greffe mécanique qu’il a subi, où subsiste les fragments lointains d’un passé humain. Dénigré par sa hiérarchie, ramené à sa condition d’appartenance à l’OCP, il sera en permanence déshumanisé, laboratoire d’expériences pour créer le policier parfait, 100% politiquement correct. Combat et fusion permanente entre l’Homme et la machine, il est perçu par ses supérieurs comme un simulacre d’humanité, et ne peut être considéré dès lors comme une personne à part entière.
Malheureusement les thématiques ne sont pas aussi approfondies que dans l’épisode original, même si transparaît par moment l’héritage satirique et mordant de son indépassable prédécesseur. Le film se rattrape par son spectacle généreux en terme d’action et d’effets spéciaux, grâce à de nouvelles prouesses techniques de Phil Tippet et l’équipe de Rob Bottin. Tom Noonan excelle en gourou dealer illuminé, mais se fait voler la vedette par le tout jeune Gabriel Damon en gamin des rues sans scrupule. Celui-ci prendra la tête du cartel suite à la disparition de Noonan en cours d’intrigue, capturé par l’OCP et transformé en robot à son tour. Un nouveau monstre de Frankenstein qui permet d’aboutir à un climax furieux dans le cœur de Détroit entre un Robocop au sens moral retrouvé et un cyborg répondant au doigt et l’œil de son propriétaire, exposé donc à la moindre faille technique.
Aussi violent et irrévérencieux que son modèle mais plombé par une durée un brin abusive et un manque de profondeur dans les thématiques abordées, Robocop 2 vaut mieux que la mauvaise réputation qu’il se traîne. Mettant en scène la sempiternelle déshumanisation des grandes sociétés, obsédées par le contrôle qu’elles peuvent exercer sur le moindre individu, le long-métrage emprunte la voie tracée par son aîné. A défaut d’être un chef-d’œuvre, il reste une solide série B très recommandable, et c’est déjà pas mal.