Réalisateur : Fred Dekker
Année de Sortie : 1993
Origine : États-Unis
Genre : Robot Justicier
Durée : 1h44
Le Roy du Bis : 3/10
Thibaud Savignol : 3/10
Le Moins bon Détroit
Bien qu’en deçà des résultats du premier opus, la suite de Robocop a amassé trois fois son budget rien que sur le sol américain. Trop beau pour laisser reposer la saga au chaud. Budget revu à la hausse, retour du grand Basil Poledouris à la musique et de Frank Miller au scénario, la société de production Orion met les petits plats dans les grands pour conclure sa trilogie. Mais la véritable ambition derrière ce projet va être en partie responsable de l’échec du film. Confié à un réalisateur peu expérimenté avec deux films d’horreur à son actif et un épisode des Contes de la Crypte, et donc plus malléable, Orion va mettre en place une stratégie davantage marketing qu’artistique. Voyant ainsi son œuvre désintégrée par la vénalité de ses producteurs, Frank Miller ne s’en remettra pas. Il ne signera son retour dans l’industrie hollywoodienne qu’en 2005 pour l’adaptation de Sin City.
La première demie-heure ne s’en sort pas trop mal en présentant la corporation OCP toujours plus avide, désirant construire Delta City sur les ruines de Détroit. Voir les gens expulsés de chez eux par la force et se transformer en groupuscules rebelles en marge de la société, l’idée était intéressante. Pousser la logique des précédents Robocop, où une grande corporation se renforce au détriment du bien être des populations, où elle n’hésite désormais plus à écraser par la violence ceux qui entravent son projet, allait de soi comme continuité logique de la saga.
Sauf qu’en édulcorant le tout par un classement PG-13, contrairement au classement R des deux premiers opus, c’est la substantifique moelle de Robocop qui fout le camp. Fini les impacts de balles sanguinolents et les corps démembrés, place à une action beaucoup plus lisse et aseptisée. Rajoutez un personnage principal d’enfant assez insupportable et beaucoup trop doué pour son âge (le piratage du ED-209, une séquence qui côtoie le ridicule), typique de ses productions tout public du début des années 1990, et tout part en vrille. James Cameron se frottera à l’exercice de l’ado tête à claque avec beaucoup plus de talent la même année dans son Terminator 2.
Peter Wellers, qui a préféré rejoindre Cronenberg sur le tournage du Festin Nu, est remplacé par l’inodore et sans saveur Robert John Burke. Presque relégué au second plan de son propre film, il se fait voler la vedette par Nancy Allen, de retour en grande forme dans son rôle d’Anne Lewis, après avoir était mise en retrait dans l’opus précédent. Se retrouvant tous ensemble dans un final en mode guérilla dans les rues de Détroit, le film abandonne tout ambiguïté morale au détriment d’un happy end en bonne et due forme, dégoulinant de bons sentiments. L’objectif d’Orion était de pérenniser sa franchise à travers une gamme de jouets et de produits dérivés. On comprend mieux le frein mis sur la violence et l’absence du moindre potentiel subversif de l’œuvre. Il n’y a qu’à regarder les ajouts technologiques de ce nouvel opus : un Robocop incroyablement ridicule avec son jetpack, traversant les rues de Détroit grâce à une incrustation qui a sacrément vieillie, sa nouvelle mitrailleuse portative ou encore des ninjas cyborgs japonais dont chaque apparition est soulignée par des sonorités asiatiques.
Le scénario s’enfonce progressivement via des intrigues secondaires au rabais et des personnages fonctions à la moralité très binaire. Tourné en 1991 dans la foulée du second opus, le film ne verra le jour sur grand écran qu’en 1993, Orion rencontrant de graves difficultés financières et étant dans l’incapacité d’assurer la sortie du film. Comble de l’ironie, les intérieurs du poste de police ont été tournés dans les bureaux de la Coca-Cola Company à Atlanta. Ou quand la contre-culture est ingurgitée par l’ogre capitaliste avant d’être vomie dans un torrent de marchandisation.