Réalisateurs : David Bruckner, Scott Derrickson, Natasha Kermani, Mike P. Nelson, Gigi Saul Guerrero
Année de Sortie : 2023
Origine : États-Unis
Genre : Compilation Sketchs Found Footage
Durée : 1h50
Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 6/10
L’âge d’or du support
En seulement 11 ans, la saga V/H/S s’est imposée comme une incontournable du found-footage. 85 constitue le sixième épisode d’une série de films forcément inégaux au vu du dispositif à sketchs. Alors que le très réussi volet précédent (peut-être le meilleur) ne comptait aucun véritable réalisateur de renom, excepté le britannique Johannes Roberts (les sous-cotés Strangers : Prey at Night et Resident Evil version 2021), il en est tout autre pour cette nouvelle anthologie. Producteur attitré sur plusieurs épisodes, dont les deux précédents 94 et 99, et réalisateur sur le tout premier opus, David Bruckner revient ici derrière la caméra afin de mettre en scène le fil directeur de ce V/H/S 85.
Étoile montante du cinéma horrifique depuis le prometteur Le Rituel en 2017, il a depuis confirmé avec le sublime La Proie d’une Ombre et son très méchant mais déséquilibré remake d’Hellraiser. Fini le visionnage de cassettes par des quidams lambdas, place ici à une intrigue indépendante, qui voit des scientifiques expérimenter sur un certain Rory, une créature venue d’ailleurs qui cherche à apprendre de la race humaine. Rappelant Stranger Things avec ses expérimentations dans un labo classé secret défense et le lien qui se crée entre l’équipe et l’entité, ce segment finit malheureusement de manière bien trop classique au vu de son potentiel. On appréciera cependant les designs visqueux et métamorphes ainsi qu’un final bien sanglant comme il faut.
En effet, au-delà de ses nombreuses carences (4 segments auraient sûrement suffit), le point commun de cette anthologie est un goût prononcé pour l’ultra-violence et le gore craspec. L’image extrêmement dégradée, telle une pure bande VHS eighites usée jusqu’à la corde, décuple le réalisme des effets. Là où la haute et très haute définition ne pardonnent pas, le retour à un visuel peu défini et avili procure une sensation de véracité assez impressionnante, bien aidé par un filmage simili-amateur toujours aussi percutant. Et c’est le second grand nom de cette anthologie, Scott Derrickson (Sinister, Black Phone), qui se charge de pousser cette logique dans ses retranchements.
Le segment Dreamkill nous fait suivre deux inspecteurs lancés aux trousses d’un tueur en série filmant ses meurtres en vue subjective. Cependant, les vidéos reçues au poste de police sont antérieures de trois jours aux actes commis. Sorte de polar horrifique agrémenté d’une touche fantastique bienvenue, le court-métrage vaut surtout pour ces visions d’horreur traumatisantes et sacrément perverses. Le tueur s’infiltre la nuit dans les foyers américains pour trancher, énucléer et lacérer de pauvres citoyens sans défense. On retiendra notamment sa première agression, où en parallèle de sa progression dans la demeure est montée la bande sonore de l’appel au 911 de sa future victime. Glaçant et maximisant les possibilités offertes pas son support, Dreamkill est sans aucun doute le segment le plus réussi de cet épisode, à ranger aux côtés de l’indépassable Safe Heaven des troublions Gareth Evans et Timo Tjahjanto lors du second opus.
Petite particularité de ce V/H/S 85, la segmentation d’un même épisode, révélant ses secrets au fur et à mesure que le métrage avance. Une bande de jeunes partis camper le temps d’un week-end vont rapidement déchanter lors d’une séance de ski nautique plus sanglante que prévue. Il serait criminel d’en révéler plus, sachez seulement que la coupe abrupte sera récupérée plus tard et enfin explicitée. Originalité sympathique mais qui à tendance à embrouiller le spectateur. Cela rajoute une intrigue en plus du fil rouge principal et des autres segments, sans savoir si on aura une réponse ou non. Sachant que de petits détails qui ont leur importance sont amenés par les protagonistes, un esprit de fin limier serait presque nécessaire. Une tentative louable mais mal exploitée, dont la conclusion est également en partie ratée.
Les segments restants sont eux plus anecdotiques, et tendent à alourdir le visionnage du film. A vouloir être trop généreux, on frôle l’indigestion. Le premier, God of Death, réalisé par la mexicaine Gigi Saul Guerrero (seulement le long Bingo Hell à son actif), revisite REC lors d’un tremblement de terre, où une équipe de pompiers envoyés secourir un studio TV vont être confrontés à une entité monstrueuse les chassant un par un. Efficace grâce à sa réalisation heurtée et ses effets gores plutôt réussis, le résultat reste assez quelconque, ni mémorable ni honteux. Sûrement celui de trop. Quant à TKNOGD, malgré une mise en route poussive en dépit d’être le plus court, il parvient à capter l’intérêt une fois que tout part en vrille. Une artiste livre une performance scénique en vue d’invoquer un nouveau Dieu technologique. Mais une fois le casque VR enfilé, tout ne se passe pas comme prévu. La giclée de violence est soudaine, sadique, et fusionne une bonne fois pour toute l’Homme (ou plutôt la Femme) et la machine. Bancale comme toute anthologie, V/H/S 85 reste toutefois un épisode sympathique, en attendant une prochaine livrée qui ne saurait sûrement tarder.