
Réalisateur : Uwe Boll
Année de Sortie : 2007
Origine : États-Unis / Allemagne / Canada
Genre : Adaptation de Jeu Vidéo
Durée : 1h40
Le Roy du Bis : 4/10
Thibaud Savignol : 4/10
Les Funérailles du Second Degrés
Uwe Boll aime-t-il réellement les jeux vidéos ? Les ratages qu’ont constitués House of the Dead et Alone in the Dark interrogent quant aux ambitions et velléités artistiques du cinéaste. Avait-il seulement l’envergure et les moyens de mieux faire ?
La rage au ventre
Une bonne adaptation doit savoir restituer l’essence même de l’œuvre d’origine, mais ne pas chercher à la reproduire fidèlement ou à flatter l’ego des hordes de fans dégénérés. Alors imaginez avec un réalisateur aussi clivant qui n’en fait qu’à sa tête et aime se mettre tout le monde à dos. Difficile de changer le plomb en or, même lorsqu’on s’appelle Steven Spielberg. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Postal partage les mêmes dates d’exploitation qu’Indiana Jones et Le Royaume du Crâne de Cristal. Naturellement, Uwe Boll promettait que son film serait le meilleur.
En un sens, difficile de lui donner tort tant Uwe Boll s’en tire avec les honneurs (ou presque) avec cet ersatz mal branlé de GTA en vue FPS. Considéré comme « un jeu tellement mauvais que ça en devient bon », Postal ne pouvait décemment déboucher que sur une dinguerie. Pour une fois, nous ne pourrons donc pas lui reprocher de faire n’importe quoi, puisque tout n’est que prétexte à une série de saynètes transgressives où il est tout à fait admis d’utiliser un chat errant comme silencieux en lui carrant le canon d’un fusil dans le derrière.

L’intrigue met aux prises un postier ainsi qu’une secte de fanatiques face à Al Qaida, afin de se départager une cargaison de peluches phalliques contenant le virus de la grippe aviaire. Tout un programme en perspective pour un film aussi délirant que l’est le jeu vidéo. Le problème, c’est qu’Uwe Boll n’est pas du genre à faire dans la demi-mesure. Non, lui c’est un homme, un vrai qui porte ses balloches et n’hésite pas à flanquer des bourre-pifs à ses détracteurs, quitte à enfoncer des portes avec la finesse d’un hippopotame affublé d’une croix gammée.
Après tout, si les critiques se payent sa tête, Uwe Boll peut bien en faire autant avec les deux tours du World Trade Center. Le réalisateur profite donc de ce film pour régler ses comptes avec l’Amérique quitte à briser des tabous de société tels que l’avilissement au travail, les discriminations raciales, les bavures policières, ou bien le capitalisme sauvage. Postal tire à balles réelles sur les cons de tous bords politiques comme spirituelles.
Tremble Amérique !
Rien ne semble avoir été oublié dans cette idiocratie où le cinéaste trône en bonne place, le majeur fièrement levé, à la tête d’un parc d’attractions teuton faisant l’apologie du IIIème reich. Tout le monde en prend donc pour son grade, aucune strate sociale n’étant épargné, pas même les enfants qui se font dégommer à coup de sulfateuse. Si le réalisateur sait faire preuve d’auto-dérision, cela ne suffit pas à prouver son intellect supérieur, ni à faire son mea-culpa.

Lloyf Kaufman ne serait certainement pas peur fier face à cette satire politique mettant victimes et bourreaux dos à dos. Pourtant, à force de tirer à balles réelles sur tout le monde, et de verser dans la surenchère de bêtise et de vulgarité, l’intérêt s’essouffle au moins aussi rapidement que le jeu vidéo. Les histoires les plus courtes sont les meilleures, et avec Uwe Boll, les plaisanteries sont à hauteur d’ados débitant des tirades d’un répertoire de blague Carambar (qui n’a jamais entendu celle du grand-père tombant du toit d’un mirador…). Postal se complaît dans un humour excessivement beauf et ordurier, sans parvenir à égaler les films de la Troma, faute d’un timing comique ou d’un juste équilibre.
Pire, le film dispose d’un univers aussi creux et artificiel que l’est celui du jeu, où la connerie humaine sert de métronome. Dès lors, tout semble permis, et on peut à loisir faire exploser la tête d’une conductrice à un feu tricolore, ou bien balancer des bombes nucléaires sur tout le pays. Finalement le public rigole moins des gags outranciers (un nain violé par une armée de chimpanzés, ou la romance entre Bush et Ben Laden) que de la bêtise crasse du cinéaste, comme si le fait d’empiler les âneries et situations non-sensiques suffisait à masquer la vacuité d’un divertissement en roue libre totale.
Évidemment, cette générosité à un prix, celui d’une mise en scène minable, bardé de faux raccord et d’effets numériques dégueulasses avec un montage fini à la truelle. Comme à son habitude, Uwe Boll n’a pu s’empêcher de générer un énorme buzz médiatique en taclant le public cannois avec ses déclarations au festival, précisant que son film n’était qu’un miroir reflétant la réalité. Comparer ce dernier à Marco Ferreri (La Grande Bouffe) serait sûrement lui faire trop d’honneur. Et comme on le sait, Uwe Boll n’est pas homme à apprécier les compliments, mais plutôt à se complaire dans ses propres excréments. Tant que cela lui permet de soulager sa frustration refoulée…



