[Critique] – Run and Kill


Run and Kill affiche film

Réalisateur : Billy Tang

Année de Sortie : 1993

Origine : Hong-Kong

Genre : Descente Aux Enfers

Durée : 1h30

Thibaud Savignol : 7/10


Folie à Deux


Les bons comptes font les bons amis

Mari aimant, bon père de famille et chef d’entreprise travailleur, Cheng a tout du genre idéal. Mais un jour, en rentrant plus tôt du boulot, il surprend sa femme dans le salon avec un autre homme. Incapable de réagir (il conseille même aux amants de le faire dans le lit pour plus de sécurité), il décampe et part se biturer comme il faut dans les quartiers mal famés de la ville. Saoul, il demande à un tueur professionnel de s’occuper de la fautive. A son réveil, il constate que l’homme a tenu parole. Un gang vietnamien le fait dorénavant chanter et demande beaucoup d’argent pour le service rendu. Dépassé par les événements, Cheng sombre alors dans une spirale infernale sans fin, à l’issue forcément sanglante.

Rapidement, toute une galerie de personnages plus tordus les uns que les autres se succèdent sans temps mort. De la simple séductrice de bar au ponte de la mafia, en passant par des petites frappes et des gangsters du dimanche, Cheng ne sait plus à quel saint se vouer, enchaînant les mauvaises rencontres et luttant pour sa survie. Si un gang de chinois continentaux l’accueille, c’est pour mieux se faire dézinguer lors d’un affrontement en plein cinéma, où les coups pleuvent grâce à un montage ultra-syncopé et percutant, dans une ambiance feutrée où chaque éclair de violence surgit de l’obscurité.

Comment peut s’en sortir un citoyen lambda face à tous ces siphonnés du bocal qui ne cherchent qu’à occire ou racketter leur prochain ? Le récit est idéal pour dépeindre ce personnage gauche mais attachant, un brin pathétique mais foncièrement bon, seule bouée (presque) morale parmi les fous.

Run and Kill Critique Film Catégorie 3

Le spectre d’une société divisée

En réussissant sa première partie, qui non n’est pas trop longue (bis), Billy Tang réussit à choper le spectateur par le col et peut alors lui délivrer un déluge de tatanes ininterrompues. Troquant rapidement les gags lourds contre un humour noir grinçant, et même absolument morbide lors du final, le metteur en scène aligne les sévices et mises à mort expéditives, sans oublier pour autant de soigner sa photo et sa mise en scène. Catégorie 3 oblige, on cherche toujours à repousser les limites des actes filmés. Si on n’atteindra pas l’outrance des films d’Herman Yau, le récit viendra tout de même titiller la fibre familiale, livrant mère et enfants aux mains d’un psychopathe sadique et hors de contrôle.

Bien que le réalisateur ait toujours refusé de quelconques allusions politiques, il dresse pourtant involontairement un portrait au noir de sa cité. Accueillis à bras ouverts à la fin des années 70 pour fuir les régimes communistes de leur pays, les réfugiés chinois du contient ainsi que les vietnamiens ont vu leur image se dégrader au cours de la décennie. La rétrocession de Hong Kong à la Chine ratifiée en 1984, les événements de Tiananmem en 1989, combinés aux braquages express des continentaux, expliquent en partie ce changement.

En ce début des années 90, leurs rôles au cinéma revêtent désormais une connotation négative. Si l’inspecteur Man, bien intentionné mais impuissant apparaît comme la représentation de l’entité britannique, Cheng, le Hong-kongais moyen, symbolise une partie de la population coincée entre ces nouveaux venus, et peut-être ouverte à envisager le pire. Derrière son spectacle excessif sans limite aucune, se dresse également une déflagration toujours plus politique.

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