Réalisateur : Nicolas Winding Refn
Année de Sortie : 2008
Origine : Royaume-Uni
Genre : Biopic Azimuté
Durée : 1h32
Le Roy du Bis : 8/10
Thibaud Savignol : 7/10
Un Destin pas comme les autres
Nous avons tendance à penser que nous sommes tous nés différemment des autres, que nous ne sommes pas du même moule génétique, ou bien que contrairement au commun des mortels, la divine providence nous prépare à un destin hors du commun. On se réveille finalement un jour marié avec des enfants, à devoir supporter la pression d’un petit patron au quotidien. Michael Peterson est le cas concret d’un homme sans le moindre talent, en manque d’attention et de reconnaissance, tant et si bien que s’il avait vécu à notre époque il aurait certainement fait un brillant candidat pour les anges de la télé-réalité. Au lieu de cela, il va braquer un guichetier avec un fusil à canon scié pour une poignée de livres sterling, avant d’être interpellé et condamné à sept ans de prison ferme.
Celui qui se fera par la suite surnommer Charles Bronson, en référence à l’acteur américain des westerns et vigilantes de l’époque, passera presque toute sa vie en cellule d’isolement pour sa mauvaise conduite, ses actes violents perpétrés à l’encontre de ses codétenus ainsi que du personnel encadrant. Fasciné par la personnalité de cet énergumène, Nicolas Winding Refn se propose d’en faire le portrait à travers différents chapitres de sa vie. Systématiquement introduit par un one man show onirique, Tom Hardy est tour à tour grimé en mime ou bien en clown, dans le but d’établir la figure d’un personnage charismatique à même de divertir l’audience en manque de faits divers et de sensations fortes.
La folie de Bronson est mise en évidence lors d’un bref séjour en hôpital psychiatrique. Le prisonnier qui devait certainement s’imaginer avoir décroché la timbale, se voit réduit à l’impuissance par de fortes doses de tranquillisants au milieu d’autres patients triturant leurs excréments. Refn va alors s’en donner à cœur joie en déformant volontairement la perception de l’environnement par des effets visuels et sonores, ainsi que par l’emploi de courtes focales pour accentuer la détresse de son personnage. Sommet d’une première partie sans temps mort, on le verra déambulé au milieu d’une piste de danse improvisée, sous les intonations pop des Pet Shop Boys prémisse à un cri alarmant de désespoir.
Après un tel trauma, il est évident que Bronson n’aspirera qu’au confort minimaliste de sa cellule d’emprisonnement, le milieu carcéral prenant tout de suite des atours de véritable Club Med à côté de ce purgatoire des enfers. Sa sortie de prison apparaîtra presque comme anachronique dans son parcours de vie, une pause récréative pour un homme cherchant à se donner en spectacle dans des combats organisés. La romance qu’il touchera du doigt n’aboutira qu’à un néant sentimental. Blessé dans son estime, il n’y aura rien d’étonnant à ce que le bougre puisse vouloir regagner sa piaule à l’abri du monde extérieur.
La promotion du film évoquait un Orange Mécanique du 21ème siècle, Refn étant souvent comparé à tort ou à raison au cinéaste Stanley Kubrick. On retrouve effectivement un ton humoristique décalé par rapport au drame de la situation, ainsi que ce mariage improbable et dérangeant entre la musique classique et la violence explosive de son principal protagoniste, qui à défaut d’avoir reçu une bonne éducation durant son enfance, deviendra un artiste incompris. Sa poésie à lui, il l’exprime avec ses poings plus qu’avec ses tableaux ou ses dess(e)ins. Une référence est tout de même glissée à ses œuvres, lors d’une prise d’otage permettant de faire le parallèle saisissant entre les différents aspects de sa personnalité borderline, autant dévolue à son art qu’au plaisir de la baston.
L’approche ne se veut jamais moralisatrice, même si il est clair que Bronson se distingue surtout par son tempérament bouillonnant, en constante rébellion contre toute forme d’autorité supérieure. Il ne sera donc jamais question de rédemption, ou d’évasion, puisque l’homme régresse au fur et à mesure de son isolement en prison pour se muer en bête féroce. Un chien fou et déchaîné qui n’aspire qu’à donner des coups à la société qui l’a rejetée, d’où l’évidente volonté de commettre des exactions pour continuer à exister, à faire la une de tous les journaux et en tirer une véritable fierté. Mais toute forme de célébrité a sa rançon du succès. La sienne sera de rester enfermé à perpétuité, soit 48 ans à ce jour. C’est quand même cher payé pour 26,18 livres !