[Critique] – I Piss on your Grave


I Piss on your Grave Affiche film

Réalisateur : Eric Stanze

Année de Sortie : 2001

Origine : États-Unis

Genre : Rape and Revenge

Durée : 1h11

Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 6/10


#Metoo avant l’heure


Derrière ce titre explicite et un tantinet racoleur se cache une référence à peine déguisée à l’un des chocs des années 70, le bien nommé I Spit on Your Grave. On franchit ici un cap de vulgarité dans la référence aux liquides corporels, et on évitera de vous faire la traduction dans la langue de Molière (il manque seulement une lettre). Le titre américain est d’autant plus pimenté, rajoutant l’intitulé I Spit on your Corpses. Eric Stanze n’en est pas à son coup d’essai, ayant déjà choqué l’Amérique l’année précédente avec son Scrapbook, qui voyait la jeune Clara être kidnappée puis subir moult sévices par un tueur en série pervers et cruel. Une Amérique à nouveau choquée un an plus tard, en 2001, avec le film dont il est question ici. On se demande quand même quelle partie des États-Unis a bien pu être scandalisée par une œuvre indépendante, au budget rachitique, distribuée en dehors des circuits traditionnels, à une époque où le téléchargement n’est pas encore une pratique aussi répandue. Sûrement quelques critiques puritaines ou spectateurs choqués lors des rares projections en festival. Mais bon, le scandale ça rend toujours bien sur une jaquette DVD, n’est-ce pas ?

Pas de surprise au vu du titre, on nage ici en plein rape and revenge. Alors qu’un violeur meurtrier récidiviste croupit en prison après sa capture, son jeune frère reprend le flambeau, trop influencé par l’aura de son aîné. Après quelques années passées également en cabane, il retrouve enfin sa bien aimée Sandy et lui prépare une surprise. Forcée de descendre à la cave, elle se retrouve confrontée à trois hommes enchaînés qui ont tenté d’abuser d’elle, l’un d’eux ayant d’ailleurs réussi. Se débarrassant de son compagnon insistant à coup de barre de fer, et après avoir tenté de fuir, elle décide finalement de profiter de l’occasion pour se muer à son tour en terrible bourreau.

Le film est construit comme un long flash back, alternant la vengeance du passé avec une Sandy du présent filmée en noir et blanc, qui témoigne de ses actes. Clope au bec, souvent filmée en très, très gros plan (seulement sa bouche), elle narre son vécu, la maladie mentale de sa mère et son basculement dans l’horreur. Derrière un récit en apparence classique, dans son genre, se greffe une démarche expérimentale sensitive, faite de plans atmosphériques aux couleurs inversés, de courtes focales et de distorsions sonores. A l’image d’un Slaughtered Vomit Dolls, en moins extrême, le réalisateur cherche à créer une sorte de bad trip, de voyage psychologique intime et intense, aux frontières d’un esprit dérangé. Les nombreux plans d’églises et de figures christiques marquent soit un rapport au corps féminin comme tabou, la volonté d’une rédemption, la recherche d’élévation de l’âme ou constituent tout simplement une provocation facile et adolescente, en juxtaposant ces images à d’autres extrêmement violentes et pornographiques.

I Spit on your Grave Critique film

Pour le coup, la réputation d’I Piss on your Grave n’est pas surfaite. Face à ses anciens agresseurs, Sandy ne compte pas y aller de main morte. S’essayant au flash back dans le flash back, Stanze illustre chaque situation où sa protagoniste fut brutalisée, avant que l’individu en question ne subisse un châtiment. Le voisin alcoolisé, lourdaud et tactile, verra son petit sexe mis à mal par des brûlures de cigarettes avant de manger ses propres excréments, tandis que le patron ayant exigé une fellation en échange d’une prime verra ses parties intimes subir la loi du talion. Le dernier, l’ayant littéralement violée pendant un coma éthylique, profitera à son tour des joies de la pénétration anale via un pied de chaise préservatifié et lubrifié. Pas de sexe sans latex.

Il n’y a ici clairement pas mensonge sur la marchandise. Au-delà des sévices infligés, assez extrêmes, c’est ce mélange de sexe explicite et de violence qui dérange véritablement. Car le compagnon de Sandy constitue également un agresseur, forçant cette dernière à un rapport lors de leurs retrouvailles, nudité frontale en prime. En plein trip vengeur, Sandy prendra également le temps de se faire du bien, sans que rien ne nous soit épargné. Une radicalité qui détonne, qui pousse les potards à fond, permis notamment par une production en totale indépendance, loin des carcans plus stricts de l’industrie cinématographique. Quelques VHS et DVD par-ci par-là pour assurer la distribution (merci Uncut Movies, d’ailleurs co-producteurs) et le tour est joué.

Dès le début, sans le moindre contexte, une femme est agressée et mise à mort en pleine forêt. Un enfant contemple alors le corps supplicié, traumatisé par cette vision infernale qu’il reproduira pourtant (le frère en question), questionnant la perpétuation de la misogynie. Un plan techniquement étonnant qui, rassemblant une femme nue et un jeune bambin via un panoramique, se fait s’interroger sur une certaine ligne rouge ostensiblement franchie. Mais un carton final expliquera que jamais l’enfant n’a été mis dans une telle situation. Vraiment ? En effet, à la relecture du plan en question, en utilisant la fonction image par image, un raccord en fondu enchaîné plutôt habile apparaît bel et bien. Pas mal au vu des moyens du métrage.

Certains avancent l’idée que le rape and revenge n’a rien de féministe, mais constituerait plutôt le fantasme masculin d’une vengeance féminine. Peut-on y voir également la peur des hommes quant à la perte de leurs attributs virilistes face à la furia en jupe ; les hommes subissent ici des châtiments avant tout portés sur leur objet de soi-disant pouvoir, les autorisant à tous les abus (leur bite pour résumer). En parallèle, comme tout récit de vengeance, une violence subie autorise-t-elle, légitime-t-elle une autre violence en retour ? Si après des années de débats philosophiques sur ces sujets on a toujours pas de réponse, ce n’est pas ici que vous en trouverez. Cela dit, si Sandy était à la tête du mouvement #MeToo, peut-être qu’on n’aurait plus d’affaires Pelicot ou Diddy aujourd’hui, et que les chibres de demain auraient le bon goût de rester au chaud dans leur caleçon.

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