[Critique] – Evil Dead 2


Evil Dead 2 affiche film

Réalisateur : Sam Raimi

Année de Sortie : 1987

Origine : États-Unis

Genre : Cabane Toujours Hantée

Durée : 1h24

Le Roy du Bis : 10/10
Thibaud Savignol : 8/10


L’Horreur avec un grand Ash


On pensait avoir fait le tour de la petite cabane dans les bois, dont Sam Raimi été parvenu à transcender le concept assez limité en la filmant sous tous les angles possibles pour mieux la déformer. Fort de son premier succès, le jeune prodige se voit ouvrir les portes d’Hollywood pour réaliser une comédie intitulée Mort sur le Grill, bien que celle-ci fera un four assez cuisant suite à des différents artistiques et des remontages intempestifs. Bref, on se disait que ça sentait le brûlé, surtout à l’annonce d’une suite à son désormais classique, qui aurait pu se contenter de n’être qu’une pâle copie professionnelle, lisse et édulcorée de toute cette folie dévastatrice esquissée dans le premier volet.

D’autant que le producteur exécutif Dino De Laurentis souhaite que le film soit tourné à proximité de ses studios en Caroline du Nord, afin de pouvoir surveiller de près les déboires éventuels de son jeune poulain et de s’en faire le garde-fou. Les craintes étaient fondées, mais c’était sans compter sur l’ambition démesurée de son réalisateur désormais libéré des contraintes financières. Raimi va pousser tous les curseurs du mauvais goût au-delà du raisonnable, tout en radicalisant ses effets de mise en scène hystériques et atmosphériques, pour livrer ce qui est probablement encore aujourd’hui le meilleur film d’épouvante de tous les temps, rien de moins. 

Linda sera la première à succomber, rapidement raccourcie d’une tête à coups de pelle, par notre héros interprété par un Bruce Campbell au diapason, qui abandonne totalement son caractère chétif de jeune puceau pour incarner un véritable mec burné à la répartie groovy. Cela ne lui empêchera pas de passer la pire soirée de sa vie en compagnie de sa chère et tendre décatie, qui reviendra ponctuellement le persécuter. La séquence a tout d’un cauchemar éveillé lorsque cette dernière sort de terre et se lance dans un ballet macabre en stop-motion avant une étreinte passionnée, où Ash devra se séparer de la tête de sa bien-aimée dans un étau avant de devoir combattre le reste de sa carcasse décharnée.

Evil Dead 2 Critique Film Sam Raimi

Le film est un cauchemar éveillé, rêve et réalité se confondent, le temps se distant, les nuits semblent durer une éternité, tout n’est qu’illusion et confusion, autant dans la perception des événements que de l’environnement. Les délires et expérimentations ne sont limités cette fois-ci d’aucune contrainte technique. Il y a pratiquement une idée par plan, aussi inconvenante et déjantée soit-elle, comme ce eye-popping and swallowing, cette attaque de lianes possédées, le regard ténébreux de la cabane, la transformation de Ash en Deadite et tant d’autres. Evil Dead 2 ne donne jamais l’impression de faire dans la répétition, quand bien même il réemploie certaines trouvailles déjà employées comme la Shakky Cam, dont le procédé est ici sublimé lors de plan-séquence virevoltant, envahissant l’intimité des survivants plus brutalement qu’auparavant. Une chose est sûre, c’est que les portes du chalet n’ont pas fini de claquer et ce n’est pas les quelques planches pourries qui les mettront à l’abri. 

Non seulement cette suite parvient à supplanter son illustre aîné par la démesure de son humour slapstick, mais également grâce à ses débordements gores outranciers. En outre, le film bénéficie d’une dimension sonore exceptionnelle, qui lui confère une ambiance carrément oppressante. Le Mal contamine absolument tous les éléments de la vieille bicoque, de ses habitants jusqu’au mobilier, qui se met à s’exprimer à travers des rires sardoniques, baignant le récit dans l’hystérie communicative d’un cartoon Tex Avery. Ash tentera d’opposer une résistance homérique face à ce déferlement infernal de baffes, de coups et de cris des esprits déchaînés, qui ne lui laisseront jamais de répit et le mèneront à se mutiler le poignet. Tant et si bien qu’il perdra ses derniers fils de rationalité, au point de nous interroger sur la vraisemblance des séquences visionnées. Ash serait-il un tueur fou ayant massacré la famille Knowby et sa petite amie ou bien est-il réellement la victime de forces occultes ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Sam Raimi n’y va pas de main morte avec son principal interprète, qu’il torture par pur plaisir sadique sur le plateau des heures durant sous une chaleur écrasante. Bruce Campbell effectue des cascades et acrobaties dangereuses dignes d’un Buster Keaton, confectionne ses propres maquillages mêlés à de véritables plaies, s’éclate des assiettes en argile sur la tête avant de dévaler les escaliers les quatre fers en l’air. L’iconisation de son rôle est peut-être due à la passion du réalisateur pour les bandes dessinés, mais c’est surtout  grâce à son interprétation totalement décalée qu’il parvient à imprégner sa marque, jusque dans les pages des livres d’Histoire ainsi que du grimoire maudit. 

A mi-parcours, une nouvelle galerie de victimes serviront d’âmes damnées après avoir sciemment enfermé le héros dans la cave avec la douce Henrietta qu’interprète Ted Raimi, le frère de Sam, qui devra quant à lui subir des heures de maquillages prosthétiques au quotidien pour se métamorphoser en vieille sorcière boudinée à cou de girafe. Lui aussi souffrira de l’inconfort et de la chaleur sous ses épaisses couches de latex, entre les démangeaisons que cela peut provoquer ainsi que les litres de sueur et de jus de chaussette dont il fera profiter toute l’assemblée. Il faut souffrir pour être beau, mais l’inverse est tout aussi vrai. La réussite du film tient d’ailleurs beaucoup aux maquillages et effets spéciaux de Mark Shotstrom et son équipe. S’il veut s’en tirer, Ash devra donc récupérer les pages manquantes du livre au péril de sa vie, afin de renvoyer les démons de Kandar tout droit dans leur dimension.

Tout cela converge vers une véritable tempête lovecraftienne où les arbres se mettent à démonter la maison, où l’innommable se manifeste enfin à l’écran, tandis qu’un tourbillon emporte littéralement le décor devenu trop étriqué pour tout le monde, concrétisant la prophétie esquissée dans le Necronomicon. Un twist scénaristique retentissant et assez inhabituel pour ce type de divertissement, qui conjugue l’univers horrifique du film à celui de l’héroic fantasy. Le dénouement a tout d’une farce tragique et machiavélique de la part d’un auteur qui n’a pas fini d’en faire voir de toutes les couleurs à son principal acteur. Maudit sois-tu Sam !

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