Réalisateur : Stuart Gordon
Année de Sortie : 1986
Origine : États-Unis
Genre : Horreur
Durée : 1h26
Le Roy du Bis : 8/10
Thibaud Savignol : 7/10
Le Sixième Sens
Après le succès incroyable de Re-Animator, son distributeur Charles Band voit grand et investit dans les studios Dinocita en Italie afin d’y établir les quartiers de sa société de production Empire Pictures. Il souhaite mettre sur pied un nouveau projet en réunissant la même équipe, en adaptant une courte nouvelle d’H.P Lovecraft. L’objectif est de permettre à son réalisateur Stuart Gordon, qui vient alors de signer un contrat de trois films, de dévoiler l’horreur indicible habituellement occultée des descriptions de l’écrivain. Ce sera également l’occasion de broder ses thèmes de prédilection et surtout de proposer un spectacle tout aussi gore et transgressif qu’auparavant afin d’assurer un nouveau carton financier.
C’est ainsi qu’il s’attelle à l’écriture du scénario avec son compère coproducteur Brian Yuzna ainsi que Dennis Paoli (l’idée du cunnilingus ensanglanté avec une tête de zombie c’était lui). La musique sera confiée à Richard Band, tandis que les maquillages et effets spéciaux seront réalisés par John Carl Buechler à qui l’on doit notamment les trolls du film éponyme, accompagné d’un certain Mark Shostrom (Les Griffes de la nuit, Evil Dead 2…). Le casting réunit à nouveau Jeffrey Combs et Barbara Crampton, cette dernière prenant cette fois-ci les rênes de l’histoire, jusqu’à éclipser son homologue qui campe à nouveau un scientifique excentrique et fiévreux, au caractère plus timoré que le fameux docteur Herbert West.
Au cours d’une expérience le docteur Tillinghast parvient à ouvrir un portail vers une autre dimension grâce au Résonator, un appareil permettant de stimuler la glande pinéale de ses sujets, modifiant dès lors leur perception de la réalité et de leur environnement (un peu comme un troisième œil). Mais cette autre dimension révèle également l’existence de créatures vindicatives qui n’hésitent pas à s’attaquer aux vivants, tels que des anguilles et méduses carnassières, un ver géant et toute une ribambelle de monstres protéiformes, cherchant à s’emparer de leur cerveau et à fusionner avec leurs corps. En réalité, cette recherche scientifique n’est pas tant motivée par la quête du savoir que par celle du désir obscène du Dr Pretorius qui, lassé de ses rapports sadomasochistes et de ses jeux sexuels, souhaite atteindre un nouveau stade de jouissance.
La glande pinéale qui sécrète la mélatonine permet en effet de réguler le développement sexuel, la sensation de plaisir et d’excitation se mettant alors à bondir sous le coup des radiations, jusqu’à que ce que l’appendice finisse par sortir du front comme un escargot de sa coquille et s’agiter frénétiquement comme une bi… Enfin, vous avez compris. Et plus les sujets seront mis au contact de ces résonances au pouvoir désinhibant, plus ils voudront éprouver ce sentiment malgré les dangers permanent que cela occasionne. Ce qui équivaut à développer une addiction pour le porno en se masturbant quotidiennement sur du contenu de plus en plus hard.
Évidemment, il n’y avait rien de ce caractère déviant et de cette quête d’un nouveau point G dans la nouvelle d’origine, Lovecraft n’ayant jamais été très porté sur la chose. Ces connotations sexuellement chargées, qui manquent peut-être d’un peu de subtilité, reflètent néanmoins tout le propos du scénario mêlant le plaisir charnel à celui de la souffrance psychique, l’orgasme ne pouvant être atteint que par la libération d’endorphines puissantes. L’érotisme sous-jacent de Re-animator revêt ici une importance de premier plan, ce que Gordon tend à souligner lors de séquences ne souffrant d’aucune forme d’ambiguïté : l’utilisation de l’extincteur expulsant sa substance blanchâtre met fin au fantasme, les mutations physiologiques du docteur Prétorius ou bien encore la castration synaptique du docteur Tillinghast à coup de dents. « More is never enough » comme avait coutume de dire le cinéaste.
Cependant, les véritables monstres ne sont pas vraiment ceux que l’on verra, mais bien cette addiction vorace qui finit comme le porno par nous ravager le cerveau, en dévorant intégralement ces individus qui à force de régresser vont perdre toute leur humanité (la scène où Bubba confronte le docteur McMichaels en lui montrant son reflet dans le miroir ainsi que la zombification du docteur Tillinghast). L’autre intérêt du film réside également à travers son univers fantasmagorique et cauchemardesque, qui permet aux maquilleurs de s’en donner à cœur joie sur les déformations protesthétiques chargées en symboles phalliques ou en orifices de pénétration. Ces effets spéciaux organiques et protéiformes rappellent le caractère lubrique de Terrorvision de Ted Nicolaou, où l’on trouvait déjà cette fusion des corps lors d’une orgie échangiste et dont Brian Yuzna s’inspirera pour réaliser Society.
Outre les qualités visuelles du long-métrage qui s’impose largement comme l’une des meilleures série B de son temps, ne souffrant aucunement du poids des années, c’est aussi la plastique irréprochable de sa principale interprète qui nous revient immédiatement en tête, engoncée dans son string et ses vêtements de cuir. Barbara Crampton donne du corps à son interprétation passant d’une psychiatre empathique et réservée à une bête de sexe dominatrice qui va s’abandonner au plaisir charnel, allant jusqu’à masturber sous la couette son patient à moitié endormi avant de s’en lécher les doigts. On retrouvera d’ailleurs l’actrice la même année dans un numéro de playboy, devenant le fantasme de toute une génération d’hommes, tel que l’auteur de ces lignes qui n’aurait franchement pas dit non. Malheureusement, le public partagé entre le sentiment de fascination et répulsion ne s’y retrouvera pas, pas plus que la critique spécialisée de l’époque qui regrettera le manque de discernement et de suggestion de son réalisateur. Autres temps, autres mœurs, les plus réceptifs devraient néanmoins apprécier de se faire titiller la glande pinéale.