Réalisateur : Alexandre Aja
Année de Sortie : 2024
Origine : États-Unis
Genre : Horreur Forestière
Durée : 1h41
Thibaud Savignol : 5/10
Sortie en salles : 25 septembre 2024
Allô Maman bobo
Depuis quelques années, Alexandre Aja a opté pour une épuration des séries B qu’il met en scène. Les années 2010 l’avaient pourtant vu accoucher de projets plus ambitieux : Piranha 3D et ses débordements gores outranciers, le mésestimé Horns à la love-story fantastique crève-cœur ou encore le très raté La Neuvième Vie de Louis Drax. Mais depuis 2019, à travers des productions plus modestes, Aja s’est pris d’affection pour l’exercice périlleux du huit-clos. Crawl voyait Kaya Scodelario aux prises avec un alligator dans sa maison inondée suite à un ouragan, tandis qu’Oxygène installait l’intégralité de son intrigue dans une capsule cryogénique.
Pour Mother Land, il place cette fois-ci son action au cœur d’une forêt du Tennessee, dans une petite demeure où résident une mère et ses deux fils suite à la fin du monde. A chaque sortie de l’habitat le même rituel : tous les trois sont reliés entre-eux par une corde, elle-même rattachée aux fondations de la maison. Un Mal sévit à l’extérieur, prêt à s’emparer d’eux, et cette corde devient leur seul protection face à ses assauts répétés. Mais que se cache-t-il réellement derrière cette menace ? Une intrigue qui n’est pas sans rappeler le cinéma de Shyamalan, isolant ses personnages à travers des concepts forts, que ce soit avec The Village et Knock at the Cabin, ou même plus récemment dans le premier film réalisé par sa propre fille, le très bancal Les Guetteurs.
Une nouvelle fois, avec seulement trois personnages et un décor unique (malgré quelques sorties en forêt), Alexandre Aja prolonge ses travaux précédents et continue son expérimentation du huit-clos. Il se débarrasse des éléments indiquant une quelconque temporalité (quand sommes-nous après la fin du monde?), pour mieux se focaliser sur le quotidien de ses protagonistes face à une menace omniprésente. Mixant même par instant les éléments du conte voire de la fable, via sa narration, sa voix-off et les histoires racontées par la mère, le long-métrage embrasse son élément fantastique à plein régime durant sa première partie. Visuellement le film a de la gueule. La forêt apparaît comme imperméable à toute ligne de fuite ou point d’horizon, tordue, insidieuse, effrayante de par la distorsion des arbres et des branches. Si il abuse par moment des jump-scares, le metteur en scène parvient cependant à créer une véritable tension, en affichant notamment une horreur frontale plus que subjective.
Mais on comprend très vite que c’est autre chose qui intéresse Aja. Derrière les apparats horrifiques se joue un thriller sur la foi en le Mal, sur la psychose, qui font probablement écho au repli sur elle-même d’une partie des États-Unis, notamment depuis le passage de Trump à la présidence ou de l’après Covid. Et de s’interroger sur une vision biaisée de l’autre, perçu comme un Mal incurable et inapprochable (la symbolique corde/serpent se chargeant de clarifier le propos). L’intrigue des débuts est assez rapidement mise à mal, évacuant le mystère au profit d’un thriller psychologique plus retors. La menace n’a plus vraiment sa place, et il est avant tout question du combat d’une famille face à ses propres démons. Une bifurcation certes pas dénuée d’intérêt mais dont le script parvient difficilement à tenir les engagements sur la durée. Reste donc un scénario qui apparaît plus bancal que pertinent, qui une fois les véritables enjeux révélés peine à tenir le rythme dans sa seconde partie.
Les deux jeunes interprètes sont impeccables, leur relation devenant rapidement conflictuelle suite aux événements, et il est agréable de retrouver Halle Berry sur grand écran (Catwoman on t’oublie pas). Mais le film ne parvient pas véritablement à trouver un équilibre entre les différents genres abordés, pas assez horrifique dans sa description d’un Mal harceleur, trop vite éventé et un peu répétitif sur la partie thriller psychologique. Malgré une certaine originalité, Aja apparaît moins tranchant que par le passé. Si il n’a pas totalement perdu la main et livre quelques séquences à l’efficacité redoutable (le «mille-pattes humain», la confrontation fils/mère), il manque quelque chose à sa dernière production. Certes la rage et la méchanceté de La Colline a des Yeux ont sûrement définitivement disparue depuis longtemps, mais ces derniers projets avaient au moins le mérite de cultiver leur propre univers de manière bien plus convaincante. Peu aidé par un scénario un brin faiblard quant à l’approfondissement de ses péripéties, Mother Land apparaît comme un huit-clos extérieur intriguant mais à la mécanique un peu trop ronronnante.