Réalisateurs : Gregg Bishop, Justin Benson, Aaron Scott Moorhead Nacho Vigalondo, Marcel Sarmiento
Année de Sortie : 2014
Origine : États-Unis / Espagne
Genre : Compilation Sketchs Found Footage
Durée : 1h21
Le Roy du Bis : 1/10
Thibaud Savignol : 4/10
Avast vainqueur par K.O
En seulement trois ans la saga V/H/S en est déjà à son troisième opus. Lancée en pleine bourre du Found footage, elle a toujours eu pour vocation de faire appel à de jeunes réalisateurs à fort potentiel, récemment remarqués pour leur premier long, et profiter ainsi de leur récente notoriété. En échange, eux accèdent à une totale liberté pour mettre en boîte un sketch d’une vingtaine de minutes, exercice auquel ils se sont déjà longuement essayés avant de passer au long. L’un d’eux est toujours chargé du fil conducteur, sorte de trame narrative globale qui donne accès à chacun des segments. Adieu désormais la découverte de cassettes mystérieuses par une bande de jeunes cambrioleurs (le premier opus) ou un couple de détectives privés (le second).
Pour cette nouvelle cuvée, le liant se fait autour d’un jeune couple confronté à une hystérie collective en plein cœur d’un quartier de L.A, suite à une course-poursuite folle entre un fourgon blindé et les forces de l’ordre. Un compte à rebours partant de dix s’affiche alors sur le téléphone du protagoniste suite à la disparation de sa copine. Chaque recul de cet ultimatum permet une transition vers l’un des différents sketchs. D’emblée ce fil rouge détruit son propre dispositif ; la découverte de cassettes vidéos par un tiers ainsi que son visionnage justifiait le procédé du Found footage, à savoir retrouver des enregistrements supposés testamentaires.
Ici, il n’est qu’un segment supplémentaire, permettant une respiration et un interlude entre chaque courts-métrages. En soi pourquoi pas, mais pas sûr que les puristes apprécieront. Le problème est plutôt la qualité même du segment ; assez incompréhensible, saturé de glitchs factices et de sautes d’image étranges, c’est surtout son final qui laisse perplexe. Après une partie de chasse nocturne, émaillée de policiers percutés et de quidams traînés sur le bitume, les enjeux se matérialisent dans la célèbre rivière de bitume de Los Angeles, appliquant au pied de la lettre l’intitulé de cet opus : Viral. On voit l’idée mais le cheminement reste très opaque et alambiqué, laissant moult questions en suspens.
Le premier segment enfonce le clou, bafouant à son tour le concept mis en place par la saga. Terminé le point de vue unique se limitant à la présence d’un seul caméra-man si cher au genre. Dante the Great va ainsi alterner tous les régimes d’images, se focalisant plus sur son pitch que sur la façon de l’illustrer : caméra de surveillance, reporter, téléphone portable et comble de l’hérésie, un retour à une mise en scène classique via un filmage externe à la diégèse. Cet ordre de projection n’est sans doute pas un hasard, déclarant ouvertement au spectateur que le dispositif exigeant (ou limité diront les mauvaises langues) n’est désormais plus une contrainte obligatoire. Une fois accepté le deuil de ce nouveau virage, que reste-t-il tout de même en termes de pur plaisir cinématographique ? Pour le moment pas grand chose.
Ce premier sketch, derrière son idée fantastique au départ intrigante (un raté notoire devient un grand magicien du showbiz du jour au lendemain), se vautre dans des excès difficilement acceptables. Les tours de passe-passe deviennent littéralement de la lévitation et même de la téléportation, certains spectateurs se retrouvant en quelques secondes de New-York à Los Angeles. On est plus proche de la science-fiction ou de la sorcellerie que de la magie à ce moment-là. Mais apparemment, ça ne choque personne. Non, ce qui intrigue les inspecteurs de police, c’est les disparitions suspectes autour de ce charlatan, pas ses pouvoirs dignes d’un super-héros. Il se trouve alors que la cape du prestidigitateur est en réalité possédée par un esprit démoniaque, qu’il doit rassasier régulièrement de chair fraîche afin de continuer à bénéficier de son pouvoir. Une fois la supercherie révélée, le temps des règlements de comptes a sonné, achevant ce segment de sombrer dans le ridicule avec ses fusillades mollement mises en scène et bardées d’effets numériques du plus mauvais effet. Pas étonnant que Gregg Bishop n’ait plus fait grand chose par la suite.
Pour les segments suivants, retour à une diégèse du Found footage totalement respectée. Nacho Vigalondo enchaîne avec cette histoire de scientifique de maison ouvrant un portail vers une réalité parallèle, faisant ainsi face à son propre double lui aussi obnubilé par l’idée de rencontre sa moitié venue d’ailleurs. Sauf qu’après un premier contact sympathique, il se pourrait qu’il ait laissé pénétrer chez lui une potentielle menace. Rien de surprenant de la part du réalisateur du torturé Timecrimes et ses voyages temporels. Déjà plus ramassé et mieux écrit, ce segment pâtit peut-être de sa frilosité à embrasser complètement son potentiel et livrer un dernier acte à la barbarie démoniaque sous-jacente. Il y a bien ces quelques meurtres un peu sales, et une ironie finale à la cruauté indéniable, mais on espérait tellement plus de la part du prometteur Vigalondo, dont la carrière ne sera jamais à la hauteur des promesses affichées avec son premier long.
Réalisé par les très indépendants et touche-à-tout Justin Benson et Aaron Moorhead, Bonestorm fait figure de seul bon élève parmi la sélection proposée. Équipés de go-pro et assistés d’un réalisateur, une bande de jeunes skateurs va réveiller par mégarde une secte satanique au cœur d’un quartier paumé de Tijuana. Après quelques péripéties comico-sociales pour introduire leurs personnages, le duo de réalisateur va déchaîner les enfers sur leurs frêles épaules, mais c’est sans compter sur l’insouciance de la jeunesse. Remontés comme des pendules face à ces encapuchonnés sanguinaires, ils vont à leur tour rendre les coups lors d’un déferlement gore ultra-bis et ô combien jubilatoire : membres tranchés, têtes explosées, impacts de balles par dizaines et corps liquéfiés, pour rassasier le spectateur en manque de bidoche depuis plus d’une heure. Sans conteste la grande réussite de cet épisode, exploitant son concept jusqu’au bout sans jamais trahir sa diégèse, tout en flirtant délicieusement avec le Z d’une production Trauma décérébrée. Pour sûr que si chaque segment de Viral avait été de la même trempe, l’opus aurait pu prétendre au meilleur épisode de la série. En l’état, il fait plutôt figure de vilain petit canard.