[Critique] – Street Trash


Affiche Film Street Trash

Réalisateur : Jim Muro

Année de Sortie : 1987

Origine : États-Unis

Genre : Gore Malfamé

Durée : 1h31

Le Roy du Bis : 10/10
Thibaud Savignol : 7/10


Les Bas-Fonds


Le New-York des années 80 n’avait rien d’un conte de fée disneyen. La grande pomme était gâtée, pourrie de l’intérieur et gangrénée par la criminalité. Street Trash témoigne justement de cette santé vacillante de la ville, alors en état de perdition. Les habitants vivent dans des conditions d’insalubrité, grouillant comme des cafards qui s’écharpent pour quelques miettes de pains. Le court-métrage original partait pourtant d’une idée simple, sans chichi ni blabla : un vendeur à la petite semelle écoule le stock d’un d’alcool frelaté à des SDF qui se mettent à fondre ou à exploser dans un festival de cris et d’effusions gores de fluides corporelles de toutes les couleurs. Sous la plume acerbe et virulente de Roy Frumkes, Street Trash taille dans l’élagage social. Il mute ainsi en un film nihiliste qui aborde les discriminations et différentes inégalités sous un angle satirique et vulgaire loin, très loin de la vision humaniste d’un Kurosawa, dont l’auteur s’est inspiré pour esquisser le portrait de ce théâtre misérable et burlesque.

L’œuvre suit le sillage tracé par plusieurs Séries B outrancières et désenchantées, reflétant sans équivoque le marasme socio-économique de l’époque, tels que Maniac, Basket Case, ou C.H.U.D. Des films cultes dont Street Trash pourrait être le nouveau frangin plus ravagé et simple d’esprit, qui n’aurait rien à leur envier dans la dégueulasserie élevée au rang d’art, notamment grâce aux effets de Jennifer Aspinall, make-up artist déjà responsable des saillies gores de Toxic Avenger. Au-delà de son déballage de vulgarité incendiaire, le scénario pointe clairement du doigt les dérives du rêve américain, promu par les divertissements Reaganien pour se complaire en marge du système qu’occulte habituellement le cinéma hollywoodien.

Si on écarte ses velléités dénonciatrices le film se lit comme une série de sketchs grotesques et enchevêtrés tordant le cou aux conventionnelles méthodes Syd Field. On suit l’itinéraire de plusieurs personnages caractérisés à l’excès et élevés au même niveau de bêtise humaine, emplis de vices et de traumatismes. Ainsi, des mendiants ivres et paumés cherchent de quoi se sustenter au petit bonheur la chance entre fauche, trafic, et trouble au désordre public déjà ambiant. Un psychopathe vétéran du Vietnam règne en tyran sur une troupe de clodos, organise un racket, et surine les mauvais payeurs avec une opinel taillée dans le fémur d’un niakoué. Un flic culturiste aux méthodes expéditives enquête sur les meurtres et disparitions qui parsèment le récit, quant il ne rend tout simplement pas la justice à grand coups de poing dans la gueule.

Il y a aussi une sorcière complètement camée, probablement atteinte d’Hépatite C, jalouse de la beauté relative d’une asiatique à la coiffe de mulet que plusieurs hommes ne peuvent pas s’empêcher de reluquer comme un vulgaire trophée. On a parfois l’impression d’avoir affaire à un parc récréatif ou un Disneyland sous acide lorsque Fred baguenaude dans les artères de la banlieue, un Main Street envahi de pouilleux, où le château de la belle au bois dormant aurait été substitué par une grande casse auto au milieu de ruines éparses et de champs dévastés.

Outre les débordements gores provoqués par l’ingestion du « Viper », le récit comporte son lot de scènes absurdes et de répliques culte : un vol à l’étalage dans un magasin qui se conclut par le réquisitoire enjoué d’un clochard, un policier qui se fait vomir sur la tête d’un gangster qu’il vient de tabasser et baignant à demi comateux dans un urinoir, ou bien encore cette pause récréative entre mendiants où un pénis arraché sert de relais à un jeu de cour d’école dans la joie et l’allégresse communicative. Il n’y a que dans ce divertissement où le dégoût qu’une telle situation peut engendrer vous procurera un sous-rire sincère. Le long-métrage s’acquitte d’autant d’intrigues que de personnages à coup de pay off bien assénés. Dans un jeu de chaises musicales, les bourreaux finiront à leur tour par devenir les victimes, car dans Street Trash comme dans la vie, tout le monde finit par trouver son maître.

Responsable d’un documentaire retraçant les premières œuvres de George Romero intitulé Document of the Dead et avant tout destiné à ses étudiants, Roy Frumkes ira jusqu’à imiter son modèle de prédilection. Il se permet en effet de glisser un clin d’œil à La Nuit des Morts-Vivants dans une séquence où une nymphomane en goguette est assaillie par une horde de loqueteux libidineux qui vont la violer à mort toute la nuit, avant que le charognard syphilitique des lieux ne s’empare lui aussi de sa carcasse défraîchit, toujours dans la bonne humeur. La virtuosité technique des plans au Steadicam impressionne pour une série B de cette envergure. Quant à la photographie, celle-ci parvient autant à restituer l’atmosphère mortifère des lieux qu’à l’iconiser grâce à des couleurs saturées renforçant l’aspect bande dessinée du long métrage.

Avec cette carte de visite 5 étoiles, le jeune réalisateur deviendra l’opérateur steadicam attitré d’un certain James Cameron. Bien qu’à contrario et si l’on en croit les bonus de la superbe édition blu-ray remastérisée de ESC Distribution, Jim Muro aurait depuis totalement renié la paternité de son long-métrage. Pourtant, le réalisateur confiait à l’époque s’être inspirée de John Waters, Russ Meyer et de ses premières expériences aux côtés de Frank Henenlotter. Quoi qu’il en soit, Street Trash figure encore aujourd’hui comme un chef d’œuvre de mauvais goût qui ne craint pas de malmener la bienséance pour ériger sa propre morale.

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