[Critique] – Demonia


Demonia affiche film

Réalisateur : Lucio Fulci

Année de Sortie : 1990

Origine : Italie

Genre : Vengeance d’Outre-Tombe

Durée : 1h25

Thibaud Savignol : 5/10


The Number of the Beast


Privée d’exploitation en salles et invisible en France depuis sa sortie en 1990, il a longtemps fallu se rabattre sur l’import (Vhs puis Dvd) pour profiter d’une des dernières réalisations du maître Fulci. Pour célébrer ses 30 ans, l’éditeur américain Severin propose un tout nouveau transfert 4k, suivi par Arrow en 2022 et son édition collector aux sublimes visuels créés pour l’occasion par Graham Humphreys (créateur notamment des cultissimes affiches d’Evil Dead 1 et 2). Cette année Carlotta entre dans la danse via une édition malheureusement dénuée du moindre bonus à se mettre sous la dent. La restauration est cependant impeccable, malgré une piste audio proposée en 1.0 (ah ah), signe criant du manque de budget du long-métrage.

Moins en vogue en cette deuxième partie des années 80, le cinéaste persévère et enchaîne les projets coûte que coûte. Le film s’ouvre sur la crucifixion par une foule en colère de cinq nonnes, accusées de pactiser avec le diable au sein de leur couvent sicilien. Des siècles plus tard, une expédition d’archéologues se rend sur place afin d’entreprendre des fouilles, mais va malencontreusement rouvrir la crypte et laisser s’échapper les esprits vengeurs. Des habitants mutiques et superstitieux, une malédiction qui rôde, des meurtres surnaturels, Fulci revient au genre qui a fait ses heures de gloire.

Scénarisé par Pierro Regnoli, coupable du Manoir de la terreur (Andrea Bianchi) et de L’Avion de l’apocalypse (Umberto Lenzi), le récit s’inspire peut être un peu trop du Sanctuaire de Michele Soavi, sorti l’année précédente et ayant rencontré un joli succès en salle. Il y est aussi question d’un symbole religieux perverti (une cathédrale) et d’un jeu de malédiction qui se répond entre Moyen-Age et époque contemporaine. Les deux films sont d’ailleurs similaires lors de leur ouverture, entre un massacre perpétré par des chevaliers teutoniques persuadés de la présence du démon dans un petit village reculé et une exécution de nones satanistes par des gueux furibards.

Demonia Critique Film Lucio Fulci

Heureusement, Fulci possède toujours ce talent unique pour créer des ambiances macabres à nulle autre pareil, s’appuyant sur des décors et séquences puissamment iconoclastes. Bien que limité financièrement, il parvient à dégager le maximum de sa crypte et de son village sicilien. Il a également recours, avec plus ou moins de réussite, à une surexposition de l’image lors de certaines séquences, amenant une dimension onirique au métrage. Par exemple lorsque Liza, l’archéologue, erre dans le caveau en robe blanche quasi transparente, elle fait écho aux nones et à leur grandes soutanes blanches. De même que cette foule en colère persuadée d’être victime d’une malédiction, qui prendra en grippe les archéologues lors d’une battue aussi violente qu’éphémère. Le film n’a ainsi de cesse de créer un jeu de miroir entre les époques, aussi bien plastiquement que thématiquement.

C’est alors d’autant plus regrettable de voir le film échapper à son réalisateur, la faute à un scénario clairement pas à la hauteur de son génie. Le récit relègue au second plan l’argument horrifique au profit d’une intrigue policière bancale, sans saveur, où Fulci interprète lui même un agent d’Interpol. Les éléments posés lors de l’introduction sont sous-exploités, les nones démoniaques quasi absentes du long-métrage (elle n’apparaissent que rarement lors des meurtres) et le fantastique trop absent pour un film intitulé Demonia. Le cinéaste n’oublie cependant pas d’apposer son autre marque de fabrique via un gore sale et débridé. On peut citer pêle-mêle une paria énucléée par ses chats, un archéologue écartelé ou encore un boucher privé de sa langue.

Citant autant Argento (l’introduction rappelle celle d’Inferno), Soavi que ses propres films (L’Emmurée vivante, Frayeurs), Fulci tente de redonner vie au cinéma d’horreur italien des années 70. Handicapé par un scénario boiteux au final approximatif, un budget rachitique et un genre en désuétude, le cinéaste transalpin est en fin de course. Les amateurs apprécieront, reconnaîtront sa patte inimitable et pardonneront les errements d’une production qui méritait bien mieux, à l’image de la fin de carrière du maestro.

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