[Critique] – King of the Ants


King of Ants Affiche Film

Réalisateur : Stuart Gordon

Année de Sortie : 1999

Origine : États-Unis

Genre : Drame Méchant

Durée : 1h41

Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 6/10


Incassable


Peu importe, car le nouveau millénium marquera un nouveau chapitre après un dernier baroud d’honneur avec Dagon, produit par son confrère et ami Brian Yuzna, cette fois-ci basé sur la nouvelle Le Cauchemar d’Innsmouth issue du Mythe de Cthulhu. Après quoi, il abandonnera définitivement le fantastique pour se diriger vers l’horreur sociale en adaptant le roman King of the Ants de Charles Higson, dont le nom fait référence au surnom donné à son personnage, décrit par l’un de ses tortionnaires comme une fourmi ouvrière docile et corvéable à merci.

En effet, Sean Crawley est un prolétaire sans grande envergure qui vivote tant bien que mal en enchaînant les petits chantiers pour les particuliers, jusqu’au jour où un entrepreneur véreux lui propose de filer un comptable chargé d’un dossier épineux. Mais la mission va se transformer en contrat d’assassinat pour lequel il ne sera jamais payé. La situation va alors s’envenimer, et Sean va jouer un dangereux bras de fer avec son commanditaire qui, par peur de le voir révéler ce qu’il sait aux autorités, va le séquestrer dans son ranch pour le rendre incapacitant et zinzin en le rossant à coup de canne. Chris McKenna interprète ce personnage bon à rien et naïf qui accepte sans réfléchir l’opportunité au vol afin de s’élever dans la société.

King of Ants Critique Film Stuart Gordon

Stuart Gordon fait preuve d’une totale neutralité à l’égard de ses personnages, jusque dans ses choix de mise en scène naturalistes et austères, que l’on devine inhérents au manque de budget mais qui ne feront finalement que refléter la lente descente aux enfers de Sean Crawley, directe et franche du collier. King of the Ants n’est pas un beau film, mais bien une œuvre subversive et nihiliste où un individu trop naïf se déshumanise sous l’effet du calvaire qui lui est réservé. La condition humaine y est traitée plus bas que terre, le personnage étant assimilé à ces chiens en chenil que l’on verra plus tôt dans le film, le visage tuméfié, recouverts d’ecchymoses, baignant dans ses propres déjections, et conditionné à se bander lui même la tête pour recevoir sa raclée quotidienne.

Il ne faudrait pas oublier que Stuart Gordon reste issu de la tradition du théâtre Grand Guignol. Amateur et pourvoyeur de scènes gores, il s’en donne à cœur joie, repoussant les curseurs de la violence aux limites du raisonnable pour le commun du public : «more is never enough». Le réalisateur va même jusqu’à convoquer ses influences lovecraftiennes lorsque son personnage frappé de violentes crises de migraines sera assailli de visions surréalistes et perturbantes (femme à bite, créature lubrique et tentaculaire). Si la seconde partie tend à esquisser une forme de rédemption, ce n’est que pour mieux plonger tête la première dans une intrigue toute aussi sadique. Le scénario fait d’ailleurs preuve d’une ambiguïté moralement douteuse, qui met chacun de ses protagonistes face aux conséquences de leurs choix (le comptable supplicié pour avoir choisi de révéler les fraudes de Ray Matthews) et de leurs actes (Sean torturé physiquement et abusé psychologiquement après avoir commis l’irréparable).

Mais si le film dérange autant, ce n’est pas seulement parce qu’il montre les facettes les plus abjectes de ses interprètes (Daniel Baldwin et George Wendt composent de parfaits salauds) mais aussi parce que l’on s’identifiera plus facilement à son personnage principal, que l’on aura tendance à prendre en pitié. Plutôt que de lui accorder une seconde chance, Gordon préférera s’intéresser au cheminement de ses fantasmes, de ses séances masturbatoires qui lui permettent de s’évader de sa prison à son intrusion dans la sphère intime et privée de la veuve éplorée dont il a tué le mari, si bien qu’il finira par épouser pleinement son caractère névrotique. On en viendra donc légitimement à espérer qu’il se livrera aux autorités, mais là encore, il cherchera à profiter de la situation dans l’objectif de se venger de ses bourreaux. Nous assisterons alors à une double renaissance. Celle de Sean Crawley d’abord, qui deviendra une implacable machine à tuer totalement dénuée d’empathie, puis celle artistique de son réalisateur, toujours fidèle à ses subtiles nuances d’humour noir et à l’érotisme sous-jacent qu’on lui connaît.

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