Réalisateur : Richard Raaphorst
Année de Sortie : 2013
Origine : États-Unis / Pays-Bas / République Tchèque
Genre : Horreur Burnée
Durée : 1h26
Le Roy du Bis : 5/10
Thibaud Savignol : 5/10
Medal of Horror
En fouillant les archives de l’ex Union Soviétique, nous venons de faire une découverte capitale qui devrait enfin permettre de remonter les origines du Found footage, dont on avait jusqu’alors attribué la paternité à tort au Projet Blair Witch. Ce film de propagande devrait donc envoyer valdinguer toutes vos certitudes concernant le sujet. Tout était déjà là : les jump-scares opportunistes, les effets racoleurs, la saturation du son, la caméra tremblante. Visiblement il y a des choses qui ne changent pas, et nos ancêtres ne savaient pas non plus comment tenir une caméra. Nous voilà donc face au nouvel avatar d’un genre qui ne finit plus de se métamorphoser pour nous vendre de nouvelles expériences conceptuelles. On songe à Pyramide, Area 51 et Apollo 18, quelques enregistrements authentiquement imparfaits qui disposent d’un environnement systématiquement atypique, mais qui ne font qu’aligner les pires tares possibles de ce type de dispositif, ne servant au final que de prétexte et permettant d’économiser sur les frais de production.
Frankenstein’s Army est le cas concret d’un film qui aurait pu prétendre à devenir une excellente série B si le projet avait pu bénéficier d’une plus grande envergure. Il faudra donc accepter de mettre votre incrédulité de côté, de voir une caméra 16mm avec micro intégré filmer l’action, ce qui même pour le docteur Frankenstein semble paradoxalement assez visionnaire pour son temps. Mais on ne s’étonnera de rien dans ce récit science-fictionnel, qui convoque les délires bis de la nazisploitation où des cadavres nazis lui permettent d’en faire des cyborgs serviles bardés d’armes de destruction massive.
On suit donc une escouade russe à travers le front de libération, à la manière d’un vieux reportage de guerre. Les bidasses sont courageux, vaillants, souriants, entreprenants et ne reculent devant rien pour arriver à leurs fins. Un travail de représentation avant tout, qui sera très vite écorné à mesure de leur avancée car si ce n’est pas l’argent, ce sont bien les médailles et la reconnaissance de la nation qui font sortir les cocos du bois. Il s’agit donc avant tout de faire bonne figure et d’aider les populations les plus démunies ou de traiter convenablement les prisonniers ennemis que l’on imagine abattus d’une balle à bout portant une fois la prise enregistrée. La première partie constituée d’affrontements et d’errements ne vise principalement qu’à introduire des personnages stéréotypés qui parlent anglais avec un accent russe à couper au couteau, n’aidant évidemment pas à donner le change sur la crédibilité de l’ensemble, si ce n’est que le choix de tourner au cœur de ruines et décors dévastés est à saluer.
De guerre lasse, on se résigne assez rapidement quant au choix totalement perfectible de ce format de mise en scène qui ne permet jamais de partager les peurs et préoccupations de ces soldats destinés en chair à greffon, si bien que les premiers bâillements se manifesteront plus rapidement que les débordements tant attendus. L’intérêt s’élève à l’approche d’une église servant de laboratoire secret aux expérimentations du Docteur Frankenstein, qui souhaite réconcilier les deux blocs en raccommodant les membres et cerveaux des deux camps opposés, afin de créer le cobaye parfait, tout en laissant libre cour à ses excentricités.
On découvre ainsi tout une galerie de monstres dans des couloirs claustros digne d’un jeu vidéo, et on pense d’ailleurs souvent aux délires récréatifs de Wolfenstein 3D. Mais ces séquences tirent trop en longueur et dévoilent tous les artifices de ces cosplays, ce qui suscite autant d’admiration pour le travail accompli que d’embarras face au ridicule achevé de certaines situations qui avec des mains plus expertes aux commandes auraient certainement pu convoquer la terreur. Le film parvient néanmoins à sortir un peu la tête de l’étau grâce à un bestiaire extraordinaire où les Big Daddy de Bioshock affublés de croix gammées côtoient les cohortes suréquipées de La Bridage des Loups, sans oublier qu’une multitude de créatures biomécanique aux looks parfaitement hétéroclites. Munis d’outils plutôt avantageux en temps de conflits tels que des marteaux et faucilles greffés à la place des mains, ainsi que pas mal d’autres attributs non moins spectaculaires (têtes d’hélice ou de marteaux piqueurs), cela leur confère néanmoins une lenteur d’inertie qui limite fatalement la menace surgissant à l’écran.
Les influences sont multiples, et on ne s’étonnera pas de voir un ED-209 première génération rouiller en paix sur une étagère. Les décors glauques, telle que la chaîne de production, permettent de renforcer la dimension cauchemardesque du film, appuyés par des baquets de viscères, d’amputations, de cadavres ambulants et de débordements gores qui nous ramènent au bon vieux temps des années 80. À noter que Timo Tjahjanto reprendra la même idée dans un sketch de l’anthologie V/H/S 94 avec moins de créativité mais un peu plus de réussite. C’est d’autant plus dommageable et décevant d’avoir cumulé autant de points forts pour se vautrer dans la fange d’un mauvais Found footage. Une médaille d’horreur qui permet au moins de sauver l’honneur.