Réalisateur : Isaac Rodriguez
Année de Sortie : 2021
Origine : États-Unis
Genre : Horreur 2.0
Durée : 1h07
Le Roy du Bis : 4/10
Thibaud Savignol : 3/10
La Faim de l’âme
On peut concevoir beaucoup de choses, accepter d’avoir tort, mais sûrement pas admettre que Unfriended était un Found Footage novateur et encore moins un grand film d’horreur. Déjà parce que le film finissait par trahir sa diégèse lors d’un ultime jump scare grotesque, d’autres part parce qu’il alignait tous les poncifs coutumiers du genre, et enfin parce qu’il n’était pas le premier à employer l’interface numérique comme dispositif de mise en scène. Si son utilisation était fort de propos dans Megan is Missing, pionner du sous genre qualifié de «screen reality», tout comme dans The Den qui permettait de mettre en lumière le harcèlement sur le web, la perversion des chats de discussions en ligne, et le libre échange de contenus sensibles, le film de Levan Gabriadze ne proposait qu’un pitoyable revenge porn 2.0 dont l’argument se limitait surtout à ses perspectives commerciales.
Alors tout n’était pas à jeter, c’est vrai, mais sa réputation clairement surfaite se devait d’être un peu nuancée et ternie par un critique pseudo intellectuel, tel que l’auteur de ces lignes qui porte pourtant un vrai intérêt pour le genre. C’est presque un juste retour des choses quant on sait que Unfriended doit surtout sa renommée à une frange journalistique élitiste ainsi qu’à une cohorte de moutons incapables de se faire une véritable opinion personnelle. Alors laissons-les se palucher devant leur disserte pour nous intéresser au petit dernier de la fratrie, le dénommé Deadware , un screen reality like qui en reprend tous les codes et artifices avec plus de retenu et de fraîcheur. Du moins si l’on considère que de faire un bond dans le passé suffise à proposer un véritable intérêt.
Comme ses congénères, l’intérêt de Deadware tient partiellement à son médium et à l’effet de claustration suscité par ses vignettes de conversations. Des interactions qui se limitent aux rebords de l’écran mais qui finiront inévitablement par influer sur le hors-champ, dans la réalité alternative des protagonistes qui deviendront la proie de manifestations terrifiantes. L’intrigue s’intéresse à la relation d’amitié entre Jay et Rachelle qui ne se sont pas vu depuis longtemps et utilisent le partage d’écrans, qui apparemment existait déjà en 1999, dans le but de jouer à un jeu sur navigateur ou plutôt un «deadware», qui à l’instar d’un malware pourrait être vu comme un programme malveillant destiné à s’en prendre à son utilisateur par un étrange pouvoir occulte.
Les échanges entre les deux personnages entre croyance de l’une et scepticisme de l’autre tourneront donc autour de ce point’n’click et de leur autre amie Amy. Cette dernière est visiblement prisonnière de cet escape game horrifique, dans les couloirs d’un manoir hanté où il convient d’éviter le dévoreur d’âme en accomplissant une succession d’énigmes en lien avec leurs histoires, leurs identités et leurs mensonges. Les comportements habituellement irrationnels dans ce type de récit sont donc totalement justifiés ici par le fait que les deux protagonistes cherchent justement à s’effrayer mutuellement en avançant progressivement. Si les mécanismes du jeu usent d’abord de la suggestion, si bien que l’on émet rapidement l’hypothèse que leur amie est certainement derrière ce gros canular visant à les réunir, il devient rapidement clair que quelque chose ne tourne vraiment pas rond, à mesure que des apparitions putassières et des glitchs paranormaux se manifestent sur le réseau.
Mine de rien, le film de Isaac Rodriguez parvient à nous filer un petit sentiment d’insécurité grâce à quelques vidéos creepy tournées en mini DV mais surtout grâce à l’ambiance lugubre et oppressante de son décor pixelisé, d’autant qu’il sait distiller ses effets au compte goutte. Cette esthétique rétro aura également le don d’éveiller la nostalgie des trentenaires qui ont connu les vieux système d’exploitation type Windows 98. Dommage que les révélations en guise de climax fassent retomber le tout tel un soufflet pour embrasser la petite vengeance narquoise de l’au-delà grâce à une planche de Ouija en 3D. À défaut de proposer une expérience viscérale, Deadware n’est pas totalement dénué d’intérêt. Ne souffrant d’aucun temps mort du haut de ses 68 minutes au compteur, il reste cependant difficile de se faire à l’idée que l’avenir du Found Footage repose en partie sur ce genre d’héritiers.