Réalisateur : Adam Robitel
Année de Sortie : 2016
Origine : États-Unis
Genre : Possession Gériatrique
Durée : 1h30
Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 3/10
J’ai déjà tout oublié
Le cinéma aime bien cultiver des phobies, et la vieillesse est un peu devenue le nouveau sujet tabou du monde contemporain, comme un spectre qui nous guette tous et auquel nous nous retrouvons confrontés tôt ou tard. Il convient donc de repousser l’âge fatidique par n’importe quel moyen (chirurgie, filtres photo, produits de beauté) de peur de finir ses jours ridés, sénile, recroquevillé sur son lit d’hôpital, ou de finir par agoniser dans une maison pour moribonds. On a notamment vu débouler Relic dernièrement, qui associait cette crainte du temps qui passe, de la peur de vieillir et de voir son corps se flétrir. L’étrange cas Deborah Logan traite pour sa part de la dignité des personnages âgées face à la maladie dégénérative d’Alzheimer, qui pousse ceux qui en sont atteints à confondre leurs pot d’Activia avec un saut de Ripollin, ou bien à faire sécher le papier toilette sur la radiateur après s’être frotter le cul avec. Le sujet était idéal à associer au thème de la possession, avec ce que cela implique de démence et de crises hystériques.
D’autant que le genre revient en force depuis le succès du Dernier Exorcisme, qui a ré-ouvert la brèche vers laquelle s’engouffre tous les exécutifs afin de prêcher les convertis aux Found footage. Ce genre s’y prête d’ailleurs plutôt bien puisqu’il requiert moins de moyens pour des retombées financières garanties. Le film prend donc la forme d’un documentaire sur les effets liés à la pathologie de Deborah Logan et de ses conséquences désastreuses sur son entourage. Le réalisateur prend le temps d’exposer sa situation, avec ce que cela comporte d’éléments dramatiques face à l’annonce du diagnostic et de l’adaptation au quotidien. Certaines scènes pourront éventuellement heurter la sensibilité de certains spectateurs un peu fragiles, face au voyeurisme malsain suscité par l’intimisme du procédé. Mais le but reste moins de s’appuyer une thèse médicale que d’opérer un rapide glissement de ton vers l’horreur.
Les événements paranormaux ne tarderont donc pas à se manifester à mesure de l’aggravation des symptômes de la matriarche, nous amenant naturellement à faire le lien avec une origine surnaturelle. Surtout que la communication du film reposait moins sur l’argument d’un twist scénaristique contrairement à The Visit sorti un an plus tard et évoquant plus ou moins le même sujet. Dommage, car le film avait réussi à se bâtir une crédibilité, en plus de proposer une vraie réflexion avec juste ce qu’il fallait d’ambiguïté. Mais dès l’instant que l’on verra la vieille harpie passer du sol au plafond en un battement de seconde ou bien la fenêtre de la maison s’ouvrir par télékinésie, le film perdra considérablement de son intérêt, et les habituels comportements irrationnels des personnages ne viendront certainement pas l’aider à s’en relever. Pour ne rien arranger, le recours au Found footage ne sera pas toujours pleinement justifié, comme cette tentative de meurtre dans une chambre d’hôpital, qui alterne différentes prises de vue sans que l’on ne puisse jamais discerner les caméras dans le champs, et n’évoquons même pas les plans de caméras de sécurité volés.
À cela s’ajoute l’habituel programme horrifique emprunté aux canons du genre qui ne fait jamais dans la finesse ou l’originalité, si bien que l’on ne sursautera jamais vraiment face à ces artifices communs. C’est quand même bien dommage après le portrait dressé de ces personnages, notamment la fille toujours équipée d’une flasque de whisky dans les mains, ce qui aurait pu soulever une négligence évidente dans la surveillance de sa mère. Notamment lorsque cette dernière va se mettre à dévorer sa collection de porcelaine ou bien le jardinier que l’on voit passer ses journées à remuer la terre. On la verra également s’entraîner à tirer au fusil sur le van du caméra man suite à une crise de folie passagère.
Le réalisateur préfère donc s’intéresser à une sombre histoire de malédiction et de rite sacrificiel surlignés à gros traits et trop vite expédiés. Il devient vite évident que cela aura un rapport avec l’état de la matriarche qui sème des serpents dans la maison et se met à se mutiler la peau en faisant un ramdam de tous les diables. Il convient néanmoins de saluer la prestation de Jill Larson dans le rôle de la possédée, qui paye autant de sa personne que de son physique atypique pour livrer une interprétation aussi inquiétante qu’horrifiante dans ses excès hystériques. C’est bien l’actrice qui porte le film du bout de ses petits bras rachitiques jusqu’à se mettre complètement à nue devant la caméra. Et pour ce qui est de la gérontophobie, le plus choquant restera surtout ces photos détournées de vieux que l’on voit agoniser dans un dernier rictus. Reste un film assez divertissant qui nous épargne un drame larmoyant ou une banale tentative d’exorcisme. Mais hormis ce plan où l’on voit grand-mère tentait d’avaler goulûment le crâne d’une gamine de six ans dans une vieille mine abandonné, on aura tout oublié d’ici peu de temps. Et c’est bien le principal problème de cet épiphénomène qui n’aura pas mis longtemps à s’effacer de la mémoire des gens.