
Réalisateur : Tucia Lyman
Année de Sortie : 2023
Origine : États-Unis
Genre : Thriller
Durée : 1h38
Le Roy du Bis : 5/10
Thibaud Savignol : 5/10
Vis ma Vie
Le Found Footage reprend du poil de la bête grâce aux plateformes de SVOD. Parmi cette sélection disparate où se côtoient tueurs psychotiques, et esprits fantômes, certaines propositions plus originales parviennent à sortir de l’ornière de ce ghetto dématérialisé. M.O.M. Mothers of Monsters s’inscrit dans le climat délétère de l’administration Trump avec son sujet faisant écho aux nombreuses fusillades de Columbine à Waco, jusqu’aux plus récentes. Un sujet tabou outre-Atlantique, limite plus effrayant que n’importe quel revenant, et qui ne devrait pas manquer de relancer l’éternel débat sur le second amendement.
M.O.M. Mothers of Monsters se fait la chronique d’une cellule familiale dysfonctionnelle entre un adolescent en crise et une mère désemparée. En choisissant de recourir à des enregistrements privés (caméras de surveillance, conversations skype, smartphone) Tucia Lyman tend à nous immerger au cœur de ces rapports conflictuels et à interroger le public sur la notion vacillante de point de vue. Le montage éclaté sur le plan chronologique permet ainsi de dresser le portrait d’un jeune homme antipathique mais également celui d’une femme control freak constituant un dossier vidéo contre son fils.
Genre adolescent tourmenté au look ténébreux, Jacob Bell incarne le prototype du tueur de masse : méticuleux, sournois, vicieux, impulsif et violent. Le personnage aime jouer à des jeux vidéos, ses idéaux politiques se tournent vers l’extrême droite, il possède une arme létale et il écoute très probablement du métal. Jacob exprime toute sa rancœur envers les institutions et sa noirceur au quotidien, avec des gestes parfois anodins (mimer son propre suicide, feindre de tuer quelqu’un) pouvant avoir de dramatiques conséquences (ce pavé balancé d’un toit).

Les traditionnelles zones d’ombre que constituent ces comportements à risques forment ici le ciment de ses rapports avec le monde. A l’inverse, ses tentatives de rachats et de bonnes actions sont volontairement occultées par ce montage à charge. Néanmoins, ces éléments densifient la personnalité complexe de cet individu tout en contradiction, amenant le public à reconsidérer son jugement.
Dans un second temps, Tucia Lyman tend à afficher la psyché tourmentée d’une mère acariâtre, alcoolique et paranoïaque, projetant ses angoisses et traumas de jeunesse sur son fils au point de précipiter ce qu’elle redoute particulièrement. Les monologues face caméra et crises intérimaires cristallisent un manque de communication ainsi qu’une incompréhension réciproque entre deux générations de sexes opposés. Les chiens ne font pas des chats, et il apparaît évident que son influence aura beaucoup joué lors du processus identitaire de Jacob, même si le grain de folie peut parfois s’avérer héréditaire. Le public sera donc tiraillé entre ces deux extrêmes dont les comportements pathologiques mèneront inévitablement à l’éclatement du ménage.
L’approche dramatique quoique démago trouve néanmoins ses limites au cours d’une dernière partie aussi lunatique que ses deux interprètes. Loin de la profondeur d’un Festen, M.O.M. Mothers of Monsters amorce alors son point de rupture avec la confiscation d’une console de jeu, catalysant la somme d’une rancœur maladive portant sur l’objet même du long-métrage : l’intrusion de la vie intime et privée d’un adolescent. Mais il apparaît assez difficile de trouver une quelconque empathie chez ces deux individualités s’autodétruisant pour des querelles aussi dérisoires qu’artificielles. L’ultime règlement de compte limite ainsi considérablement la portée de cette étude sociologique et ne devrait pas faire avancer le schmilblick d’un débat réduit à l’état de pugilat. Moralité : pour éviter que vos enfants deviennent des monstres, laissez-les jouer librement à la Playstation !



