Réalisateur : Damien Leone
Année de Sortie : 2022
Origine : États-Unis
Genre : Gore Clownesque
Durée : 1h26
Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 5/10
Pour une poignée de boyaux
Deux ans après le long-métrage à sketchs All Hallow’s Eve, Damien Leone peut enfin donner à Art 90 minutes pour exprimer tout son potentiel. Financé à hauteur de seulement 35 000$ grâce à une campagne de crowdfounding, Terrifier premier du nom suit les extravagances de son clown durant la nuit d’Halloween. Harcelant deux femmes en fin de soirée à l’intérieur d’une pizzeria miteuse, le piège se referme dans un bâtiment désaffecté où auront lieues les joyeusetés promises. Un choix qui découle forcément d’un budget rachitique, mais laisse poindre une certaine tendance pour ce genre de décors décrépits, que confirmera le second opus lors de son long climax au cœur d’une fête foraine complètement abandonnée.
Le making of met en valeur une joyeuse troupe, qui tourne sûrement plus que de raison dans des locaux aménagés avec les moyens du bord jour et nuit, où un assistant doit souffler dans un tuyau pour projeter le faux sang et où la doublure cascade d’Art pèse deux fois son poids. Pourtant les rires fusent et une véritable camaraderie se révèle en dix minutes. Encore une fois, le projet de Leone se concrétise grâce à la volonté de ses artisans et beaucoup d’huile de coude.
Après avoir rendu hommage à ses inspirations, Leone tente d’exploiter le potentiel horrifique de son antagoniste et de créer son propre univers. Art apparaît par instants déjà plus comme une entité diabolique que comme un vulgaire boogeyman de slasher. Il se joue des décors, surgit où bon lui semble, en dehors d’une quelconque logique spatio-temporelle. Mais surtout, dorénavant incarné par un David Howard Thornton possédé, il se grime de mimiques excentriques à faire froid dans le dos, exagère ses gestuelles et provoque ses victimes. Un équilibre qui sera le fer de lance de la saga, entre humour caustique ravageur et violence froide débridée.
Car oui, comme tout bon univers horrifique, chaque opus a pour objectif de repousser les limites du précédent. Terrifier n’échappe pas à la règle, et dès ce « premier » volet Leone tente de proposer des exécutions crades et sanglantes. Dès le départ une présentatrice se fera lacérer le visage à mains nues, tandis que des pizzaiolos du dimanche en prendront pour leur grade, entre gras alimentaire et toilettes dégoulinants de merde. Le film veut rapidement marquer son territoire et annoncer le programme.
Après quelques déambulations hasardeuses de ses comédiennes, au jeu approximatif et haché, le récit se retrouve rapidement enfermé pour mieux jouer sur ses longs couloirs désertés et ses grandes pièces vides obsolètes. La boucherie peut commencer et révéler le vrai visage d’Art, sadique à souhait. Toujours en construction au fil des épisodes, Art joue ici d’une extravagance encore accentuée, où chaque meurtre est l’occasion de rire et de trembler. Son goût pour les longues, très longues mises à mort se dessine, étirant chaque exécution jusqu’au malaise (pour les spectateurs les moins habitués). On retiendra notamment cette femme suspendue par les pieds, coupée en deux dans le sens de la longueur en commençant par les parties intimes. Pas encore totalement frontal au vu du budget, la séquence produit tout de même son petit effet, de par son sadisme assumé.
Héritier du slasher eighties plus par son fond que sa forme, Leone cherche à reproduire ses influences, tout en étant encore le produit de son époque. Si la réalisation a le mérite de ne pas céder à la caméra épaule et de rester sur pied, la musique s’inscrit dans le tout venant horrifique, fait de distorsions et de sound design oppressant. Quelques éclairages colorés se démarquent en dépit d’un étalonnage au contraste agressif et la mise en scène reste relativement plate, pas aidée par un montage parfois trop brut et un script qui tourne rapidement en rond, à la recherche de ses prochaines victimes. Des victimes sûrement bénévoles ou artistes du spectacle vivant au chômage, dont on retiendra un surprenant sosie de Jeff Bezos en dératiseur.
Terrifier affiche déjà des problèmes de rythme assez récurent de la saga, notamment lors d’un second acte au ventre mou certain et aux péripéties un brin répétitives (courir partout pour s’enfuir). Concentré avant tout sur ses effets chocs (c’est un peu la base du projet cela-dit) au détriment de son histoire, le jeune réalisateur peine à maintenir l’intérêt sur la durée. Heureusement Art le Clown est là pour imprégner le film de son aura. Sa folie apparaît au grand jour ainsi que son amour des mutilations corporelles, dans la droite lignée d’Herschell Gordon Lewis pour le côté guignolesque et de Fulci pour les effets gores crapoteux et excessifs.
Au-delà de ses nombreuses maladresses inhérentes à un premier long désargenté, Terrifier marque surtout un retour sur le devant de la scène du cinéma gore. Mais pas seulement pour ses excès sanguinolents, désormais présents dans des productions plus grand public à l’image de l’ultra-violence d’une série comme Game of Thrones ou des multiples impacts de balles rouge sang d’un John Wick. Non, ici c’est le retour d’un véritable esprit gore, affichant son sourire narquois de sale gosse, fonçant tête baissé dans un délire carnavalo-punk. Le film joue avec son spectateur, le malmène, le provoque, pense toute son esthétique, ses dialogues et ses situations pour mettre à mal la bien-pensance.
Pas encore assez méchant ou maîtrisé pour réussir tout ce qu’il entreprend, ce premier essai aurait pu rester lettre morte à une époque ou ce cinéma n’était plus au goût du jour. Pourtant, grâce à une petite mais solide base de fans, et grâce à la réussite du très virulent The Sadness en salles, Art le clown pouvait préparer son retour de la plus belle (et violente) manière qui soit. Six ans plus tard, Terrifier 2 allait concrétiser les promesses de l’original et entraîner une déferlante gore sur nos écrans.