Réalisateur : Jung Bum-Sik
Année de Sortie : 2018
Origine : Corée du Sud
Genre : Terreur Sans Retour
Durée : 1h35
Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 7/10
Vol au-dessus d’un Nid de Blaireaux
Les légendes urbaines ne reposent souvent que sur la projection de nos fantasmes. L’asile abandonné de Gonjiam est un cas assez typique de ce que l’imaginaire des gens peut produire. Il faut dire aussi que les asiles psychiatriques n’ont jamais eu bonne presse, souvent réputés pour être des lieux hantés par des esprits tourmentés, le genre d’endroit dont on ne revient jamais si ce n’est les pieds devant. Et le 7ème art a considérablement participé à bercer cette croyance populaire puisque ce type d’environnement est le sujet d’une multitude de films d’horreur. Un sujet forcément idéal à porter pour un Found footage, ce qui avait déjà été le cas avec Grave Encounters qui en dépit de son relatif succès ne fut qu’un pétard mouillé. Le cadre est particulièrement idoine puisqu’il suffit d’un vieux bâtiment désaffecté auquel on aurait plus qu’à raccommoder une authentique histoire de fantômes à dormir debout. Ce genre de décor pourvoit tout ce qu’il faut pour générer de la tension : des murs et plafonds décrépits, des escaliers qui se dérobent sous nos pieds, une succession de longs couloirs et de pièces qui résonnent, des intérieurs sinistre jonchés d’objets usagés, de matériel médical, de photos et de souvenirs appartenant aux anciens résidents, le tout témoignant d’une fermeture soudaine.
Alors entre mythe et réalité, qu’en est-il vraiment de ce Gonjiam : Haunted Asylum ? Et bien au risque de vous décevoir, la vérité est largement moins excitante que ce que l’on se complaît à nous raconter. Il est vrai que CNN Travel l’avait répertorié en 2012 comme l’un des endroits les plus terrifiants du monde suite aux rumeurs nationales qui couraient à son sujet, notamment en raison d’une émission de télévision sud-coréenne et de nombreux cas nullards qui ont rameutés tous les curieux, explorateurs urbains et spécialistes de pacotilles en sciences occultes afin de livrer leur propre expérience et analyse sur le sujet.
Mais si cet hôpital en réalité fondé en 1982 ferma ses portes en 1996, ce n’est pas à cause des expérimentations sur les malades mentaux, des médecins fous, des meurtres, des morts inexpliquées et Dieu savons-nous quoi encore, mais tout bonnement à cause du plan de financement d’une nouvelle station d’épuration nécessaire aux traitements des eaux usées. Suite au décès du propriétaire, le projet n’a jamais abouti et l’hôpital est donc resté fermé conformément aux réglementations en vigueur concernant le protection des sources d’eau. Pour les besoins du scénario, on se contentera d’affirmer que oui, tout ce que l’on raconte est vrai, cet ancien asile serait donc hanté par des esprits malins qui s’amusent à claquer les portes des couloirs pour s’amuser avec les nerfs des visiteurs. Quant au choix du décor, celui se portera sur le lycée maritime de Busan, autre chef lieu prétendument hanté d’après ce que l’on veut bien raconter. Autre preuve du regain d’intérêt pour ce genre, c’est que Gonjiam : Haunted Asylum sera resté en tête du box office coréen juste devant Ready Player One de Steven Spielberg.
Forcément le film aligne tous les poncifs du genre afin de mieux les tourner en dérision, puisque les jump scares rigolos, les props creepy, les phénomènes de poltergeist et autres combines théâtrales ne sont que des artifices grotesques de mise en scène visant à satisfaire le chaland en quête de sensations fortes, mais surtout à tromper et tourmenter ces pseudos enquêteurs n’ayant pas été mis dans la confidence de ce coup monté destiné à gonfler l’audimat. L’approche est sensiblement la même que son homologue américain Grave Encounters, dont la meilleure partie du métrage consistait justement à révéler la supercherie. L’équipe de tournage va donc explorer les lieux à la recherche d’indices censés révéler la présence des fantômes, d’où le choix pertinent d’employer plusieurs points de vue, puisque chaque acteur dispose d’une go-pro. Par ailleurs, un technicien aura pris le soin de disséminer des caméras fixes aux quatre coins du décor pour ne rien rater de l’événement retransmis sur internet. Évidemment, son organisateur n’avait absolument pas anticipé que l’équipe de tournage se retrouverait confronté à de véritables phénomènes paranormaux.
Mais plutôt que d’arrêter la diffusion en plein direct, il va les pousser à poursuivre leurs investigations jusque dans la chambre 402, réputée inviolable et maudite. Si l’intérêt était aussi sporadique que la présence des esprits, les vingt dernières minutes auront le don de relever considérablement l’intérêt au point de rendre l’expérience assez suffocante. La menace spectrale va alors se manifester crescendo, envahissant sournoisement le champ jusqu’à surgir devant l’écran, se rapprochant inexorablement de l’objectif pour nous posséder. Gonjiam : Haunted Asylum passe alors à la vitesse supérieure, tel un roller coaster horrifique, fermement adossé contre notre fauteuil, bouche bée, yeux fermés ou bien écarquillés, le trouillomètre à 0, soit le seuil maximal de la terreur. Le film se met à convoquer les revenants du folklore japonais : corps et mâchoires disloqués, spectre en lévitation, pupilles noires dilatées, cheveux longs sales et dégoulinants, et autres difformités qui vous glaceront le sang de peur et d’effroi avant qu’un léger chuchotement ne vous emporte définitivement. Il semblerait que le Found footage ait encore de beaux restes après tout.