[Critique] – Le Cobaye


Le Cobaye Affiche Film

Réalisateur : Brett Leonard

Année de Sortie : 1992

Origine : États-Unis

Genre : Réalité Virtuelle

Durée : 1h48

Le Roy du Bis : 3/10
Thibaud Savignol : 5/10


L’Oculus Rift du Néolithique


Aujourd’hui clairement archi-datés, les effets spéciaux du Cobaye ont pourtant étaient nommés aux Saturn Awards de 1993. Pour ceux l’ayant vu à l’époque, jeunes et moins jeunes, le film a fait son petit effet. Surfant sur les nouveautés technologiques propres au monde du jeu vidéo, tels que le Power Glove de Nintendo et des tentatives de réalité virtuelle plus rudimentaires, le long-métrage fait le pari de transposer l’expérience sur grand écran. Pour se faire, les scénaristes décident de s’inspirer de la nouvelle La Pastorale de Stephen King, parue pour la première fois en 1975 dans le magazine Cavalier. Intitulée The Lawnmower Man, tout comme le titre original du Cobaye, elle narre la rencontre entre un quidam lambda et l’employé venu tondre sa pelouse qui se révélera être un adorateur du dieu Pan. Pas de réalité virtuelle, pas d’expérience scientifique, juste un petit récit horrifique dans la pure tradition Kingienne avec en toile de fond l’influence de Lovecraft.

Une seule scène de ses écrits apparaîtra dans le film : celle où la tondeuse à gazon possédée déchiquette un homme de son propre chef après une poursuite éreintante dans la maison. Une séquence qui marque la rétine une fois transposée à l’écran. On pense évidemment à Christine, la voiture démoniaque, qui sortira en librairie quelques années plus tard. Pourtant, malgré un lien quasi inexistant entre les deux œuvres, les producteurs accolent la mention «Stephen King» au titre de leur film, espérant ainsi bénéficier de la notoriété de l’auteur pour accumuler les billets verts. Pas de chance pour eux, King est mis au courant, visionne Le Cobaye et décide d’attaquer New Line Cinema en justice pour faire retirer son nom du matériel promotionnel. Le tribunal lui donne raison, New Line lui verse plus de trois millions de dollars pour «usage trompeur et inexact », et le film devient alors tout simplement The Lawnmower Man.

Mais que raconte donc l’adaptation fallacieuse de l’Homme à la tondeuse ? Travaillant sur la réalité virtuelle afin de développer les compétences cognitives de ses semblables, le docteur Angelo (Pierce Brosnan) décide d’utiliser l’employé qui tond son gazon, un simple d’esprit nommé Jobe (Jeff Fahey), afin de pousser plus loin ses expérimentations. Alors que son intelligence se développe à vitesse grand V, son équilibre mental va être de plus en plus perturbé. Très loin de la nouvelle de King, le film s’apparente à un techno-thriller tout ce qu’il y a de plus classique : un scientifique ambitieux, un projet qui déraille et une compagnie obscure avide de profits. Tout se goupille dans la plus grande tradition du genre.

Le Cobaye Critique Film Cyberpunk

L’intérêt se veut presque archéologique. Plus de 30 ans après sa sortie, il est intéressant de voir en Le Cobaye l’interprétation que pouvait revêtir la réalité virtuelle à l’époque. Avant tout terre de fantasmes, elle permet les expérimentations les plus étranges, entre jeu vidéo et évolution des images de synthèse. Perçue comme une possible transe sensorielle, elle permet à l’écran les délires les plus extravagants, superposant les couleurs, les formes et les modèles 3D dans une orgie délurée que n’aurait pas reniée Picasso. Le rendu quasi expérimental dénote à l’intérieur d’une production plutôt lisse et consensuelle, au cachet visuel clairement nineties.

Au-delà de la forme, le fond reprend la thématique très occidentale de la peur des avancées technologiques, des robots et de l’intelligence artificielle. Ainsi, le pouvoir acquis par la réalité virtuelle est forcément mis au service du Mal par le protagoniste principal, s’échinant à réduire l’humanité à une suite de 1 et de 0. Initialement intitulé Cyber God, le scénario en a conservé une trace, Jobe se comparant à plusieurs reprises à un nouveau Cyber Christ. Mais étonnamment, on peut également dresser des parallèles avec l’animation japonaise et le manga, références en matière d’assimilation et de réflexion sur les avancées technologiques. On pense à Akira pour la création d’une entité numérico-organique toute puissante, destructrice et éphémère. Mais aussi à Ghost in the Shell, dans sa façon de montrer le processus de création d’une intelligence artificielle autonome, cherchant à se répandre à travers le globe.

Fascinant à regarder pour sa représentation datée et excentrique de la réalité virtuelle, il l’est d’autant plus dans sa manière de concevoir le support comme puissamment émancipateur. Comme si le médium pouvait échapper à sa propre raison d’être et projeter l’Homme moderne vers un futur à portée de main. Étrange tout en étant anodin, hypnotisant mais cousu de fil blanc, Le Cobaye voyait la réalité virtuelle comme un monde sensoriel aux possibilités infinies. 30 ans plus tard on en est encore loin.

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