Réalisateur : Fede Alvarez
Année de Sortie : 2013
Origine : États-Unis
Genre : Cabane À Nouveau Hantée
Durée : 1h31
Le Roy du Bis : 7/10
Thibaud Savignol : 7/10
Raining Blood
Bienvenue au purgatoire des reboots de grands classiques de l’épouvante et du slasher. Après Vendredi 13, Les Griffes de la nuit, Halloween, La Dernière Maison sur la Gauche ainsi que La Coline a des yeux, certains pour le meilleur et d’autres pour le pire, voilà qu’Evil Dead s’invite à la fête. L’adaptation est néanmoins chapeautée par le trio infernal originel, à savoir Sam Raimi, Rob Tappert et Bruce Campbell, afin de s’assurer du respect et de la pérennité de l’entreprise, confiée pour ce nouvel opus à un jeune uruguayen prometteur, mais alors totalement inconnu du grand public, le bien nommé Fede Alvarez. Cette nouvelle cuvée est un cas d’école si on s’intéresse de près aux raisons qui font la réussite ou bien l’échec de ce type de remake, qui tentent souvent maladroitement de réinterpréter l’histoire sans la trahir, tout en caressant les fans dans le sens du poil.
C’est une mission délicate qui implique une justesse scénaristique et une véritable maîtrise technique, tout en sachant que l’on ne pourra jamais s’émanciper du statut culte de l’œuvre d’origine. Hors, Evil Dead transpirait de tous ses pores purulents l’amateurisme et le bricolage, alors que ce film possède quant à lui un budget qui lui est presque 50 fois supérieur. Dans ces conditions, il est difficile de restituer l’essence même de ce qui avait fait son succès. Aussi puissant et esthétique soit cette version, elle marque aussi cruellement le pas lorsqu’il s’agit de se renouveler, ce que savaient en l’occurrence faire ses illustres aînés grâce à un degré de folie bien plus poussé.
Cette nouvelle mouture du mythe n’aura évidemment pas l’impact du choc produit par le film de Sam Raimi. Pourtant, en dépit d’un formalisme engoncé dans la dernière décennie, Evil Dead est un film méchant, outrageusement gore et sanglant, qui prend volontairement le contre-pied humoristique de la saga pour l’emmener vers l’horreur absolue. Fede Alvarez réinvente la légende à sa manière : le viol dans les fourrées, la cabane dans les bois, la cave enchaînée, la morsure contagieuse, l’automutilation, le massacre à la tronçonneuse et même le Nécronomicon. Terminée la franche camaraderie, le groupe de jeunes se réunit ici pour des raisons bien moins festives, puisqu’il s’agit de faire décrocher Mia de son emprise pernicieuse pour la drogue une bonne fois pour toutes.
Pour l’aider à se sevrer, le groupe s’isole dans une baraque abandonnée au milieu de la forêt, avant de découvrir par hasard un vieux grimoire maudit, dont les incantations vont libérer des forces démoniaques enfouies depuis des décennies. La descente va être raide et les événements vont prendre une tournure absolument cauchemardesque jusqu’à ce qu’il pleuve littéralement du sang lors du final dantesque. Le scénario aborde intelligemment le thème de la dépendance qu’il confronte avec celui de la possession, lorsqu’un ami ou un membre de notre famille en est victime et change brutalement de comportement. Tout cela à cause du manque provoqué par le sevrage, transformant alors une personne gentille et innocente en bête avide et féroce.
L’approche se veut aussi réaliste que possible tandis que le maquillage et le comportement de Mia (superbe Jane Levy) font globalement référence à celui de Linda Blair dans L’Exorciste de William Friedkin («elle suce des bites en enfer !»). L’innommable autrefois esquissé par Sam Raimi avec la Shaky Cam que l’on retrouve brièvement ici, prend la forme d’une silhouette féminine, celle du double maléfique de la principale héroïne, sa face sombre liée à son passé d’addict. Néanmoins, les certitudes réelles et rationnelles voleront en éclat lorsque la junkie se mettra à vociférer comme un démon et à attaquer sauvagement ses compagnons. L’autre réussite du métrage consiste a brosser un portrait bien plus profond de ses personnages, notamment celui de Mia, la pas si innocente mignonnette de Suburgatory, qui mordait dans les plaquettes de beurre à pleines dents, et qui lèche désormais les lames de cutter en gros plan.
L’actrice délivre une prestation réellement remarquable et elle est à n’en pas douter la divine héritière de Bruce Campbell. Notons à ce titre le clin d’œil lors du climax, où elle y laissera la main gauche, tandis que ce dernier y laissait la droite. Il y a donc indirectement un passage de relais que confirme d’ailleurs la scène post-générique, où Ash fait une brève apparition devant la caméra histoire d’adouber ce remake de son célèbre «Groovy». Quant à Jane Levy, elle avait de quoi devenir la nouvelle égérie de la saga, mais le destin lui réservera d’autres desseins. Pourvu qu’elle ne finisse par un jour à demi-comateuse dans le caniveau avec une seringue plantée dans le bras, parce qu’elle mérite sûrement bien mieux que ça.