[Critique] – Poultrygeist


Poultrygeist affiche film

Réalisateur : Lloyd Kaufman

Année de Sortie : 2006

Origine : États-Unis

Genre : Comédie Musicale Gore / Zombies Poulets

Durée : 1h43

Le Roy du Bis : 9/10
Thibaud Savignol : 7/10


Slow Fast Food Love


Deux adolescents s’étreignent dans un cimetière indien pour le plus grand bonheur du renifleur de caleçon de Tromaville et des spectateurs en manque que nous sommes. Les deux tourtereaux se quittent néanmoins, faute de pouvoir assumer une relation longue distance foncièrement voué à l’échec. Quelques années après, Arbie revient faire un pèlerinage sur le lieu de son dépucelage mais réalise qu’une franchise de fast food inspirée par KFC a racheté le terrain pour y installer sa nouvelle enseigne. Et comble de l’ironie, Wendy l’amour de sa vie, est devenue une militante lesbienne participant à la manifestation d’un mouvement pseudo écolo-vegan alter mondialiste souhaitant entraver le bon déroulement de la cérémonie d’ouverture. Face à cette trahison, Arbie rallie le camp de l’ennemi pour s’opposer à l’oppression fasciste des démocrates. Il va alors découvrir l’envers du décor et ses aspects les moins ragoûtants. Du genre les tâches ingrates qu’incombent son nouveau métier, le kilt ridicule dont il se voit affublé, sans même parler de ses collègues déficients qu’il doit supporter.

Il y a Carl Jr un taré qui insémine les carcasses de poulet OGM, Paco le cuistot révolutionnaire qui apporte une touche un peu trop personnelle aux recettes, Humus la musulmane de la plonge qui planque une bombe sous sa burka (sans rire faut la voir se désaper à la fin !) et le manager Denny, qui après de longues années d’études se retrouve réduit à jouer les larbins du Général Lee Roy en personne. Mais les esprits des natifs américains vont profiter de la confusion ambiante et des normes d’hygiène désastreuses pour infliger des intoxications alimentaires en cascade. Ainsi naît le point d’entrée d’un récital de déflagrations et de diarrhées intestinales, d’explosions viscérales, de projections de vomi, de sang et d’excréments recouvrant les murs du restaurant, contaminant l’ensemble des consommateurs qui vont se transformer en poulets morts-vivants. La vengeance est un plat qui se mange bien gras.

Le trublion Lloyd Kaufman ne s’est en tout cas pas assagi avec le temps. On ne pourra pas lui reprocher d’avoir été plus généreux dans la dégueulasserie que n’importe quel fast-food d’amerlocks dans lequel vous mangerez. Le film a d’ailleurs été produit à une période où le studio était au bord du gouffre, contraignant son producteur à remettre la main au bassinet pour un budget avoisinant le demi-million de dollars à peine. Poultrygeist Night of the Chicken Dead aura tout de même nécessité la synergie de 2000 personnes, des techniciens et acteurs pour la plupart bénévoles. Heureusement le magnat peut toujours compter sur une horde de fans dévoués voir même dégénérés, au point de les exploiter sur les tournages en les faisant coucher à même le sol avec comme seul repas un sandwich jambon fromage et un sac de papier pour chiotte.

L’homme est notoirement connu pour être un embrouilleur de première quant il s’agit de payer les heures supplémentaires ou les salaires de ses équipes qu’il dirige d’une main de fer. On peut comprendre la réticence des banques et partenaires financiers qui ont dû avoir vent de la nature d’un projet qui se paye le luxe d’être l’un des films les plus gores de tous les temps. Un argument supplémentaire s’il en est pour ce qui restera à n’en pas douter comme la plus grande réussite artistique de la Troma, ne souffrant jamais de baisses de rythmes ou de ruptures de ton. De plus, les compositions chantées nous offrent un florilège d’insanités, de dévergondage et de provocations qui ne jurent jamais avec la musicalité.

Ceux qui ont bossé dans le milieu de la restauration rapide devrait facilement y trouver un défouloir thérapeutique, à l’instar de l’auteur de ses lignes. Y pas de sous métier à ce qu’on dit, mais il faut savoir qu’il n’y a pas que des gens biens derrière les fourneaux. Il y a aussi des quotas de travailleurs handicapés que certains gros malin insultent de « COTOREP », il y a des étudiants, des repris de justices au sang chaud et des queutards qui soufflent sur les Big Mac après les avoir fait tombés de la chaîne. Vous pensez les règles sanitaires aussi strictes ? Que les employés prennent le soin d’aller se laver les mains à chaque fois que la sonnerie retentit ? Et bien détrompez-vous.

Faut avoir vécu cette école de la vie au moins une fois pour comprendre à quel point ce genre d’entreprise peut s’avérer frustrante et ses pratiques managériales aussi absurdes que parfois très injustes. Le monde du Fast-Food c’est un peu comme à l’armée et si on vous dit de sauter, vous répondez « Jusqu’où ? ». Un cadre idéal pour en livrer une comédie ou bien un film de zombies. Parce qu’on ne va pas se mentir, c’est exactement ce à quoi on assimile les clients quant on y bosse, et c’est aussi ce que l’on devient à force d’être conditionné au point de ne plus savoir penser par soi-même.

Poultrygeist Night of the Chicken Dead s’attaque avec virulence à l’administration Bush et en profite pour régler ses comptes avec tout un pan plus large de la société. Comme d’habitude, Lloyd Kaufman dresse un portrait au vitriol de Tromaville et de ses habitants, où l’on compte parmi eux les imbéciles heureux, les consommateurs obsessionnels, les obèses à la manque, les écologistes hypocrites et intolérants, les républicains racistes et ignorants ou encore les patrons avides de pouvoir et de pognon… Bref, il offre un large éventail de caractères truculents et n’épargne rien ni personne. Le film ne fait absolument aucune concession et se permet même de soulever des sujets tabous sur l’establishment américain, l’immigration, les haines et croyances religieuses, l’homosexualité refoulée, ainsi que les dérives sociétales engendrées par les travers du capitalisme, de l’American way of life et de ses mœurs exubérantes. Le sujet en lui-même est une métaphore grossière pointant du doigt les origines du pays et sa création dans la violence. L’enseigne est prête à raser tout un cimetière pour s’installer sauvagement de la même manière que les colons chassèrent les populations Amérindiennes de leurs terres.

Ajoutez à tout cela un zeste de romance et d’érotisme, quelques belles paires de nichons bienvenues dans ce type de production salace, de la tripaille, le sirop de framboise et le Sloppy José et vous obtenez un cocktail parfait pour vos soirées entre potes, ou même solo. Sous ses atours de film beauf décérébré, de bourrin fan de métal et de gore, Poultrygeist Night of the Chicken Dead est bel et bien un vénérable film d’auteur estampillé Troma Entertainment, célèbre studio indépendant qui a permis à des auteurs tel que Matt Stone, Trey Parker (South Park) ou James Gunn (Les Gardiens de la Galaxie) de s’épanouir. Vous ne resterez pas indifférent à la vision de ce parangon d’obscénités tant Lloyd Kaufman prend plaisir à outrepasser les limites du raisonnable, à marcher dessus et à vous adresser un doigt d’honneur en guise de remerciement. De rien, vous l’avez bien mérité.

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