[Critique] – Nekromantik


Nekromantik Affiche film

Réalisateur : Jörg Buttgereit

Année de Sortie : 1987

Origine : Allemagne

Genre : Romance Morbide

Durée : 1h11

Le Roy du Bis : 8/10
Thibaud Savignol : 8/10


Les Profanateurs de Sépulture


Les Cruels

Comme les allemands ne font jamais les choses à moitié, Jörg Buttgereit s’inspire d’une authentique affaire criminelle qui défraya la chronique aux Etats-Unis suite à l’arrestation de Karen Greenlee. Cette embaumeuse s’adonnait à la nécrophilie et se fit épingler suite au vol d’un corbillard. Mais plutôt que de feinter le sujet, Nekromantik rentre en plein dedans. Le film épouse le fantasme d’un couple d’amants se baignant dans des bains infusés de sang, conservant des organes et abats humains dans des bocaux de formol et copulant avec un cadavre en état de décomposition. Si l’argument et la faiblesse du budget auraient légitimement pu donner une œuvre absurde et délirante, le réalisateur choisit d’évacuer toute forme de second degrés, à de rares exceptions près (le meurtre du fossoyeur anecdotique évoquant une scène gore de Bad Taste). 

Jörg Buttgereit choisit de montrer la mort dans ce qu’elle a de plus dure et horrible, entre des corps d’accidentés de la route et celui d’un squelette putréfié repêché dans une marre. Il n’est même pas nécessaire d’avoir l’odeur de charogne sous le nez pour ressentir cet état de dégoût et de haut le cœur permanent quand le couple d’acteurs se met à sucer l’œil éviscéré d’un mouton, ou bien à se mélanger aux liquides suintants et purulents d’une carcasse qu’ils vénèrent comme un fétiche religieux (le cadavre est pendu au mur comme Jésus sur son crucifix).

Nekromantik Critique Film

Crever pour vivre

Étonnamment, Nekromantik ne fait jamais dans la complaisance d’effets gores. Le cinéaste fait même preuve d’une sensibilité étonnante dans sa dramaturgie, à travers cette romance entre deux marginaux, ne pouvant s’épanouir que dans leurs fantasmes les plus obscènes. Pour mieux troubler le spectateur, le réalisateur alterne ses trucages et artifices de mise en scène à des vidéos d’archives qui ne plairont assurément pas aux écologistes et activistes de la SPA. Ces dernières permettent d’illustrer les sentiments et états d’âme de son principal interprète, de s’imprégner de cet état d’excitation latent et d’orgasmes qu’il ne pourra atteindre qu’en se donnant lui-même la mort. 

Finalement, le plus perturbant réside surtout dans ce décalage opéré associant l’amour, le sexe et la mort sur le même plan. L’obsession est telle que le nécrophile en vient à en rêver la nuit, et devra trouver des moyens de substitutions à la suite de sa séparation. Là le réalisateur se permet d’effectuer une légère mise en abyme pour adresser une pique au public, montrant l’exaltation des spectateurs devant un slasher prototypique, cette excitation que partagent d’ailleurs les lecteurs de la rubrique fait divers et qui seront certainement les premiers à venir nous pointer du doigt. 

Difficile de dire ce qui peut bien attirer quelqu’un à vouloir coucher avec un macchabée, ni quelle excitation on peut trouver là dedans. Mais le fait est que le film ne laisse pas de marbre et fascine au moins autant qu’il révulse. Le commun des mortels serait très mal avisé de juger trop hâtivement Nekromantik tant celui-ci n’a rien de racoleur ou de sensationnaliste. Le réalisateur s’en est maintes fois défendu, prétextant vouloir choquer sciemment le public, protestant contre le comité de censure qui entravait les libertés artistiques (et alors que le film ne passera jamais devant la commission). 

Cet argument reste tout de même moins recevable que chez Andreas Schnaas ou Olaf Ittenbach dont les œuvres sont héritées du cinéma d’horreur transalpin (Lucio Fulci), du slasher américain, et des films de zombies de George Romero. En effet, Jörg Buttgereit semble éprouver une fascination malsaine pour ce sujet, en atteste sa filmographie et ses choix de mises en scène (proches du néo-réalisme) faisant la part belle aux ébats charnels et à quelques envolées lyriques. De là à arguer que le réalisateur est lui-même un nécrophile refoulé, il n’y a qu’une accusation qu’on ne formulera pas. Mais réduire son film à sa simple portée transgressive serait assez réducteur d’autant que la forme s’avère bien plus subtile que le propos. Nekromantik n’est peut-être pas le film le plus brutal ou violent du splatter underground allemand, mais il est assurément le plus dérangeant.

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