Réalisateur : Frank Henenlotter
Année de Sortie : 1990
Origine : États-Unis
Genre : Freak Show
Durée : 1h30
Le Roy du Bis : 6/10
Thibaud Savignol : 7/10
La Marche des Fiertés
Basket Case 2 commence directement là où le premier opus se terminait. Pour marquer ce lien après huit ans d’absence, les dernières images du final font office d’introduction. Alors que Duane et son frère difforme Belial s’écharpaient à la fenêtre d’un hôtel miteux des bas fond new-yorkais, leur chute devait signer leur arrêt de mort. Mais à la faveur d’une grâce scénaristique, ils survivent à leurs blessures et sont transportés en urgence vers l’hôpital le plus proche. Ils réussissent à s’évader à la barbe du gardien et sont recueillis par Granny Ruth, qui dans une grande demeure à l’écart du monde s’occupe de tous les parias difformes. Nanti d’un budget beaucoup plus confortable pour cette suite (2,5 millions de dollars contre seulement 35 000 pour le premier), Henenlotter réalise la suite bigger and louder qu’il espérait. Après avoir narré le drame familial qui se jouait entre ces deux frères siamois séparés de force et confrontés aux tentations du monde moderne, il orchestre la naissance d’une communauté monstrueuse qui va devoir faire face à la vilenie de la normalité.
Encore plus que lors du premier film, ce second volet évoque la difficile survie d’une communauté ostracisée, dont les membres affichent des difformités extrêmes. Pour le protagoniste Duane, qui une fois séparé de son frère possède lui une apparence tout à fait «normale», lambda, la question est également de trouver sa place entre ces deux mondes. Attaché à son frère et relié avec par la pensée, compatissant envers ces monstres, il aspire pourtant à rejoindre l’autre monde, celui de la lumière, où il pourra s’intégrer et trouver une vie standard. Toute l’ambiguïté du film est évidemment de révéler ce qui se cache derrière les façades. Traqués par des journalistes en quête de scoop, et révulsant leurs interlocuteurs à la moindre confrontation, il se pourrait bien que derrière ces physiques grotesques se terrent des valeurs beaucoup plus humaines et empathiques ; que les valeurs affichées par des individus à l’apparence avantageuse soient en fin de compte vérolés de préjugés et de mauvaises intentions, comme ces journalistes obnubilés par leur scoop à sensations. La normalité devient alors un outil de fascisation, chaque anormalité rencontrée justifiant un déchaînement d’insultes et de violence.
La filiation avec le géant de l’horreur british Clive Barker est toute trouvée, et notamment son bijou littéraire Cabal publié en 1988, où une communauté monstrueuse vivait terrait au sein d’une immense crypte, fuyant les persécutions du monde extérieur et notamment les assauts d’un tueur en série complètement détraqué. Publié deux ans auparavant, difficile de penser que le réalisateur new-yorkais n’y ait pas jeté un petit œil lors de l’écriture de ce deuxième Basket Case. Les allergiques à la lecture sont incités à jeter un œil à la très réussie adaptation cinématographique réalisée par Barker lui-même, la même année que le film d’Henenlotter. Le tournage fut en véritable enfer mais accoucha d’une œuvre unique aux visuels complètement débridés.
Et en parlant d’images qui arrachent la rétine, Basket Case 2 n’est pas en reste. S’appuyant sur un budget bien plus confortable, le bestiaire se voit décupler à l’écran grâce aux superbes maquillages de Gabriel Bartalos, déjà à l’œuvre sur Elmer le Remue-méninges deux ans auparavant, mais également sur les effets spéciaux de, excusez du peu, Massacre à la Tronçonneuse 2, From Beyond et Gremlins 2. Il laisse libre court ici à une imagerie débordante d’inventivité, donnant vie à un homme lune, un homme crapaud et un homme rat, mais aussi à des femmes aux têtes verticalement improbables ainsi qu’à l’équivalent féminin de Belial, monstruosité alitée dépourvue de membre et de mobilité, qui permet de faire battre le cœur des monstres, telle La Fiancée de Frankenstein, de façon plus érotico-punk.
Dans la continuité, impossible de ne pas penser au grand classique Freaks de Tod Browning à travers son étalage de curiosités, mais également par sa subversion morale, inversant les rapports de force, en décrivant des humains à l’âme finalement bien plus monstrueuse que les monstres eux-mêmes. Perpétuant l’esprit de son prédécesseur, Henenlotter ne tombe jamais dans le pathos gratuit ou le misérabilisme, filmant frontalement ces difformités, elles aussi pouvant être capables de gestes de violence incontrôlés, à l’image du sanguinaire frère siamois Belial.
Film de références avouées (on a même droit à une petite scène à la sauce film noir dans un bar), Basket Case 2 actualise ses inspirations, les transpose dans un New-York encore crade et belliqueux, loin des images d’Épinal en vogue de nos jours. Bien que l’on devine les limites financières du projet (peu de décors, un découpage resserré à l’essentiel), Henelotter parvient à insuffler un vrai rythme à son film, notamment via un montage astucieux et un script riche en péripéties. Citons également le superbe boulot de la photographie, qui sait varier ses ambiances et s’appuie sur une caméra extrêmement mobile mais jamais ostentatoire, tel ce sublime travelling dans la demeure des monstres en fin de parcours, où la panique générale se transforme en farce grossière mais attachante. La restauration visible aujourd’hui sur nos Blu-Ray est impeccable, permettant un ressenti organique assez jouissif face à cette galerie de maquillages plus fous les uns que les autres, et des effets gores sacrément efficaces. Ayant désormais les moyens de ses ambitions, Henenlotter permet à Basket Case 2 d’accéder à la petite caste des suites meilleures que l’original.