Réalisateurs : Johannes Roberts, Vanessa & Joseph Winters, Maggie Levin, Tyler MacIntyre, Flying Lotus
Année de Sortie : 2022
Origine : États-Unis
Genre : Compilation Sketchs Found Footage
Durée : 1h39
Le Roy du Bis : 8/10
Thibaud Savignol : 7/10
Magnétoscope de Proust
Depuis le quatrième et précédent épisode, V/H/S 94, la saga s’est mise à dater ses opus. Plutôt que de balayer le spectre extrêmement large du support VHS, se focaliser sur une année précise permet de faire ressortir tous les tics, gimmicks et styles de son époque. La difficulté est de reconstituer une époque donnée, de façon crédible et réaliste, la rendre immédiatement reconnaissable et attachante, sans forcément tomber dans le pastiche nostalgique. Un numéro d’équilibriste assez périlleux, qui ravira forcément par ses nombreux clin d’œil à ceux ayant grandi durant la période en question. Ici, ce sont tous les enfants des années 90 qui risquent bien de prendre leur pied.
Dès le sketch inaugural, Shredding, le ton est donné. On y suit une bande de potes filmant leurs conneries, ayant crée une sorte de show de leur quotidien à la manière de Jackass ou Dirty Sanchez. Toute l’esthétique et l’ambiance adolescents rebelles MTV y sont reproduites fidèlement : skate-park, courtes focales réservées à l’époque aux sports extrêmes, montage heurté, looks ninties et blagues puériles. Pour ceux ayant vécu cette époque, les souvenirs ne cesseront d’affluer, que ce soit les parties endiablées de Tony Hawk’s Pro Skater 2 sur Ps1 ou le visionnage de clips intensifs en dégustant ses délicieux Weetos aujourd’hui disparus. La bande d’amis décide alors d’investir un ancien hangar dédié aux concerts, où le groupe Bitch Cat a connu un sort funeste lors de l’incendie des lieux. Rejouant l’Enfant qui criait au loup tout au long du segment, Maggie Levin joue avec nos nerfs, poussant le procédé jusqu’à ses limites. Enchaînant les mauvaises blagues envers celui dont les croyances le font se méfier des lieux, il se pourrait bien que les quatuor musical n’ait pas encore totalement quitté ces murs. Sa violence jouissive et sa bande originale illustrent parfaitement la note d’intention des créateurs, à savoir retrouver l’essence «des derniers jours du punk rock analogique en VHS».
Les troisième et quatrième segments s’inscrivent dans la même dynamique, restituant à la perfection cette fin de millénaire. Ozzy’s Dungeon se déroule lors de ces fameux jeux d’aventures télévisés pour enfants, où les bambins devaient franchir plusieurs étapes afin d’obtenir des cadeaux en récompense. En France, on se souvient d’En Route pour l’Aventure ou du Chevalier du Labyrinthe, diffusés respectivement sur la Cinq et France 3. Ici Donna a une minute pour surmonter les obstacles et accéder à l’antre d’Ozzy qui lui accordera un vœu. Mais tout ne se passe pas comme prévu, et la vengeance familiale sera des plus cruelles.
Dans The Gawkers, une bande de jeunes branleurs passent leur temps à filmer leur déconnades (une fois de plus), et à mater la voisine pas avare de ses charmes. Mais il se pourrait bien qu’elle cache un terrible secret. Fleurant bon le American Pie des familles, entre blagues vaseuses et libido incontrôlable, ces ados aussi attachants qu’attardés nous rappellent à notre propre découverte de la sexualité, aux errances des vacances d’été, à une époque dorée sans souci, avant d’être rattrapés par un fantastique bien venu. Ces deux segments justifient intelligemment le choix d’une année pour situer désormais la saga V/H/S. Les réalisateurs s’amusent comme des petits fous à pasticher des périodes qu’ils ont sûrement eux-mêmes vécus (ils étaient ados à cette époque), et ont su insuffler une sincérité que l’on devine absolue. Pour qui a eu la chance de grandir à cette époque, au croisement des technologies, quand Internet était encore à ses balbutiements, c’est une virée nostalgique qui nous emporte, sans jamais oublier des irruptions horrifiques particulièrement méchantes et sanguinolentes.
Un peu à part, et plus intemporel, le second segment, intitulé Suicide Bid, voit l’innocente Lily bizutée par quatre pestes d’une sororité. Elle accepte de passer la nuit dans un cercueil pour valider son ticket d’entrée au sein de l’institution. Mais entre la malveillance de ses comparses et une ancienne malédiction, la nuit ne sera pas de tout repos. Réalisé par le sympathique Johannes Robert (son Resident Evil : Bienvenue à Raccoon City méritait un bien meilleur accueil), ce segment se veut plus classique mais n’en reste pas moins terrifiant. Difficilement regardable pour les claustrophobes, notamment lorsque les intempéries s’en mêlent, le réalisateur rend immédiatement attachante sa protagoniste, nous faisant ressentir toute l’étendue de son calvaire, qui culminera lors d’un climax assez terrifiant.
Quant au dernier segment, To Hell and Back Again, bien qu’au premier regard il ne semble pas entretenir de lien particulier avec la temporalité voulue par cet opus, il parvient à s’y raccrocher de manière détournée. Alors qu’un rituel satanique en vue d’invoquer un démon est sur le point d’être filmé par deux vidéastes amateurs, ces derniers sont téléportés droit en enfer suite à l’apparition d’un diablotin farceur. Les réalisateurs Joseph et Vanessa Winter, ayant accouché de l’inégal mais efficace Deadstream, ne perdent pas temps, et lâchent rapidement les chevaux. Cet enfer rougâtre peuplé de succubes et d’anges déchus, où le tonnerre gronde en permanence, est un hommage direct à la saga Doom, véritable fer de lance de l’industrie vidéo-ludique des années 90 (on a longtemps parlé de doom-like pour qualifier les FPS). Pas étonnant qu’il fut choisi pour clore cet opus, car complètement fou, fonçant à toute vitesse, parsemé de visions gores et cauchemardesques. On regrettera juste un final un poil expédié, qui laissait pourtant entrevoir une ultime séquence toute en barbarie.
Pas de quoi bouder son plaisir, V/H/S 99 constituant à ce jour sûrement l’épisode le plus équilibré, le plus complet, où aucun segment ne vient casser un rythme parfaitement maîtrisé. A noter également un fil conducteur plutôt amusant, qui avant de venir se greffer au quatrième segment, renverra tous les apprentis cinéastes à leurs premiers délires d’amoureux du genre.